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10/12/2020 | FRANCE | N°20MA03816

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 décembre 2020, 20MA03816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 26 janvier 2017 par laquelle le ministre de la justice a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation.

Par un jugement n° 1702016 du 24 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du 26 janvier 2017 et enjoint au ministre de la justice de réintégrer juridiquement M. A... et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de trois mois à co

mpter de la notification de ce jugement.

Par un arrêt n° 18MA04974 du 21 mai 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 26 janvier 2017 par laquelle le ministre de la justice a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation.

Par un jugement n° 1702016 du 24 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du 26 janvier 2017 et enjoint au ministre de la justice de réintégrer juridiquement M. A... et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement.

Par un arrêt n° 18MA04974 du 21 mai 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement du tribunal administratif de Marseille et rejeté la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Par une décision n° 432842 du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt de la cour administrative de Marseille et renvoyé l'affaire devant cette même cour.

Procédure devant la cour :

Les parties ont été avisées de la reprise de l'instance, enregistrée à nouveau à la cour sous le n° 20MA03816.

Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2020, M. A..., conclut au rejet de la requête du ministre par les mêmes moyens que ceux développés en première instance.

Par un mémoire enregistré le 11 novembre 2020, le ministre de la justice persiste dans ses conclusions en annulation du jugement attaqué du 24 septembre 2018, par les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures, en soutenant, en outre, que la sanction contestée n'est pas entachée de détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Alfonsi, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) ". Aux termes de l'article 11 du décret du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire : " Les personnels de l'administration pénitentiaire se doivent mutuellement respect, aide et assistance dans l'exercice de leurs missions. ". Aux termes de l'article 17 de ce décret : " Le personnel de l'administration pénitentiaire doit en toute circonstance se conduire et accomplir ses missions de telle manière que son exemple ait une influence positive sur les personnes dont il a la charge et suscite leur respect. ".

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. Pour infliger à M. A... la sanction de la révocation, le ministre de la justice s'est fondé sur l'attitude intransigeante adoptée par l'intéressé consistant à refuser systématiquement de saluer verbalement ou par une poignée de main le personnel féminin de l'établissement sans exception, contrevenant ainsi aux dispositions des articles 11 et 17 du code de déontologie du service public pénitentiaire.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a intégré le corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire le 1er septembre 2008. A partir de 2014, alors affecté à la maison d'arrêt de Bois d'Arcy, il a cessé de serrer la main du personnel féminin de cet établissement. En dépit des observations faites sur ce point par sa hiérarchie, il a persisté dans cette attitude. Muté à la maison centrale d'Arles, il a réitéré ce comportement dès son arrivée, le 12 décembre 2015, alors qu'il était accueilli avec les nouveaux arrivants. Il a même refusé d'adresser la parole à au moins deux collègues féminines, notamment lors de la prise de service. M. A... a justifié ce comportement par une " conviction personnelle " dont il n'a pu expliciter ni devant l'administration, ni devant le juge administratif l'origine ou la nature alors même que celle-ci présentait pour lui un caractère tellement impérieux qu'il a affirmé devant l'autorité hiérarchique qu'il préfèrerait être révoqué plutôt que d'y mettre fin. S'il produit des attestations de collègues, notamment féminines, affirmant ne pas être gênés par cette attitude, celle-ci présente objectivement un caractère discriminatoire et est de nature à être ressentie comme vexatoire pour les personnels de sexe féminin et de susciter une défiance de leur part. Elle a d'ailleurs été la cause de tensions entre les membres du personnel de surveillance. Susceptible d'être perçue par les détenus, cette attitude est également de nature à porter atteinte à l'exemplarité dont doivent témoigner les surveillants à leur égard, dans leur comportement relationnel, particulièrement entre hommes et femmes. Dans ces conditions, les faits ainsi énoncés, dont M. A... ne conteste pas la matérialité, traduisent un comportement fautif de nature à justifier une sanction.

5. Eu égard aux missions assurées par le service pénitentiaire et à la nature particulière des fonctions exercées par l'intéressé, la sanction de la révocation n'est pas, en dépit de l'absence d'antécédents disciplinaires, disproportionnée par rapport à la faute commise, dès lors que celle-ci est assumée et revendiquée par l'intéressé et qu'il résulte de ses propres déclarations qu'il ne saurait modifier son comportement, la proposition faite par l'intéressé d'adopter désormais un comportement identique à l'égard des hommes et des femmes n'ayant pour objet que de dissimuler une attitude qui ne vise, en réalité, que les femmes. La ministre de la justice est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré du caractère disproportionné de la sanction infligée pour annuler sa décision du 26 janvier 2017.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour.

7. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'organisme siégeant en conseil de discipline (...) est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. (...) ".

8. Il résulte des mentions mêmes de l'avis émis par le conseil de discipline que le rapport émanant de l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire a été lu au début de sa séance tenue le 19 janvier 2017 au cours de laquelle a été examiné le cas de M. A.... Il ressort des pièces du dossier que ce rapport se bornait à résumer les faits reprochés au requérant et les arguments développés par ce dernier pour sa défense. Ainsi, la circonstance que ce rapport n'avait pas été communiqué au requérant avant la séance n'a pas été de nature à entacher d'irrégularité la procédure disciplinaire suivie à son encontre.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le dossier constitué dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M. A... comportait une chemise regroupant 130 pièces relatives aux congés médicaux dont il avait bénéficié ainsi qu'une sous-chemise relative à des visites médicales comportant trois pièces. A supposer que ce dossier comportait ainsi un rapport d'expertise médicale ne pouvant être communiqué aux membres du conseil de discipline, cette pièce, dans les circonstances de l'espèce, n'a été de nature ni à fonder l'avis émis par le conseil de discipline, ni la décision prise à sa suite par la ministre de la justice. Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. En troisième et dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, le ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 26 janvier 2017 prononçant à l'encontre de M. A... la sanction disciplinaire de la révocation.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1702016 du 24 septembre 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président-rapporteur,

- Mme B..., présidente-assesseure ;

- M. Sanson, conseiller

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

N° 20MA03816 5

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03816
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jean-François ALFONSI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : VIEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-10;20ma03816 ?
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