Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 août 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse.
Par un jugement n° 1704590 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'appréciation qu'a faite le préfet de sa capacité à subvenir aux besoins du foyer est entachée d'erreur manifeste ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;
- il a commis une erreur de fait dans le calcul de ses ressources ;
- l'appréciation qu'a faite le préfet de sa capacité à subvenir aux besoins du foyer est entachée d'erreur manifeste ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour refuser sa demande au regard de ses ressources ;
- l'arrêté querellé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 19 décembre 1947, de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en novembre 1971, à l'âge de 23 ans. A la date de l'arrêté contesté, il résidait donc depuis 46 années sur le territoire national. Il y a travaillé dans le secteur du bâtiment et des travaux publics et est aujourd'hui retraité. Il est détenteur d'une carte de résident valable jusqu'au 20 août 2020. Sa femme, avec qui il a eu quatre enfants qui ont tous acquis la nationalité française, est décédée en 2014. Il s'est remarié le 21 mai 2016 avec une compatriote et a déposé, le 1er juin 2016, une demande de regroupement familial en faveur de sa nouvelle épouse.
3. Il ressort encore des pièces du dossier que M. A... perçoit une retraite en France, que trois de ses quatre enfants français vivent en France, le quatrième en Belgique, qu'il dispose d'un appartement de 4 pièces d'une superficie de 93 m² dans le parc social de la commune de Béziers, satisfaisant aux normes requises par la réglementation et particulièrement aux dispositions de l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'intéressé justifie par ailleurs de ressources à hauteur de 1 060 euros mensuels, auxquels viennent s'ajouter 303 euros mensuels d'allocation de solidarité aux personnes âgées.
4. M. A..., âgé de 73 ans à la date de l'arrêté querellé, produit en outre un certificat médical qui indique que le fait de vivre seul dégrade son diabète et son hypertension, et note l'apparition de troubles dépressifs. Le médecin a ajouté que " la présence d'un conjoint à domicile aide grandement la prise en charge de ces pathologies, diminue leur morbidité et contribue à la réduction des dépenses de santé ".
5. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et alors même que la nouvelle union est récente et que les époux n'ont jamais vécu ensemble, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
8. Eu égard au motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Hérault fasse droit à la demande présentée par le requérant. Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de l'intéressé une nouvelle décision de refus. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Hérault d'accorder à M. A... le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 avril 2019 et l'arrêté du 3 août 2017 du préfet de l'Hérault sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault d'accorder à M. A... le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me B..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Béziers et au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.
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N° 19MA03890
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