Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) La Closeraie a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 1700074 en date du 9 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars 2019 et le 5 novembre 2019, la SARL La Closeraie, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les écritures portant une somme de 541 763 euros au crédit du compte courant d'associé de la société South Company Matand, et la même somme débitée du compte courant de la SARL Hôtel Rose Thé, constituent une cession de créance qui a été qualifiée à tort d'abandon de créance ;
- les juges de première instance ont considéré à tort que toutes les pièces produites ne permettaient pas, en l'absence d'acte de cession de créance conforme à l'article 1690 du code civil, d'admettre la validité d'une opération de transfert de créance à la société South Company Matand.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de la SARL La Closeraie.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL La Closeraie, dont le siège est situé 4, boulevard Beaurivage à La Ciotat, loue, à cette même adresse, un hôtel à la société Hôtel Rose Thé. Ces deux sociétés appartiennent au même groupe, la South Company Matand, société de droit luxembourgeois, qui détient 90 % de la SARL La Closeraie et 100 % de la SARL Hôtel Rose Thé. La SARL La Closeraie a ait l'objet d'une vérification de comptabilité du 12 février 2015 au 11 mai 2015 au titre des années 2012 et 2013, à l'issue de laquelle, sur le fondement de l'article 38-2 du code général des impôts, l'administration fiscale a réintégré dans ses résultats imposables au titre de l'exercice clos en 2013, une somme de 541 763 euros portée au crédit du compte courant de la société South Company Matand et débitée du compte courant de la SARL Hôtel Rose Thé, estimant que ces écritures s'analysaient en un abandon de créance au profit de la SARL La Closeraie ayant eu pour effet d'augmenter d'autant son actif net et de générer un profit imposable à son nom à l'impôt sur les sociétés. Une proposition de rectification lui a été adressée le 12 mai 2015, selon la procédure de rectification contradictoire des articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales. Après la présentation d'observations par la société La Closeraie le 7 juillet 2015, les rehaussements ont été maintenus par lettre du 5 août 2015. Par lettre du 23 novembre 2015, l'autorité saisie d'un recours hiérarchique a confirmé l'intégralité des rectifications. Suite à un recours auprès de l'interlocuteur, les sommes faisant l'objet d'un rehaussement pour 2012 ont été abandonnées. Un avis de mise en recouvrement a été émis le 29 avril 2016 à hauteur de 192 700 euros. La société requérante a présenté une réclamation datée du 8 juillet 2016 qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 14 novembre 2016. La SARL La Closeraie relève appel du jugement du 9 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013.
2. D'une part, aux termes des 1 et 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est le bénéfice net, lui-même " constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1690 du code civil : " Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ".
4. Il résulte de l'instruction que par courrier daté du 9 janvier 2012, la société South Company Matand a demandé à sa filiale détenue à 100 %, la société Hôtel Rose Thé, de virer sur le compte bancaire de la SARL La Closeraie, la somme de 690 000 euros à inscrire en avance sur compte courant avec rémunération d'intérêts. La société Hôtel Rose Thé n'a viré à la société requérante que la somme de 524 000 euros dont elle disposait en trésorerie. Le passif de 524 000 euros dont il s'agit constituait ainsi une dette de la SARL La Closeraie envers la société Hôtel Rose Thé. Cette créance de la société Hôtel Rose Thé, inscrite en 2012 au crédit de son compte courant dans les écritures de la société La Closeraie, a été soldée en 2013 et concomitamment, une somme identique augmentée de 17 763 euros d'intérêts, a été inscrite au crédit du compte courant de la société mère la South Company Matand, dans les écritures de la société La Closeraie. En l'absence de preuve que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil avaient été respectées, soit la signification de la cession de créance au débiteur, soit l'acceptation de ce débiteur dans un acte authentique, l'administration a refusé d'y voir la traduction comptable d'un transfert à la société South Company Matand de la créance détenue par la société Hôtel Rose Thé sur la SARL La Closeraie. Elle a regardé ce jeu d'écritures comme traduisant un abandon pur et simple de la créance détenue par la société Hôtel Rose Thé sur la société La Closeraie, justifiant un rehaussement des résultats de cette dernière.
5. Il est constant que l'opération en litige ne s'est pas traduite par un acte de cession de créance respectant les formalités de l'article 1690 du code civil précité. Dès lors, il appartient à la société appelante, qui soutient que l'opération en cause ne peut s'analyser en un abandon de créance, de justifier, par tout autre moyen de preuve, la réalité de la cession de créance qu'elle invoque, établissant la connaissance de la cession ainsi que son acceptation sans équivoque.
6. La société La Closeraie soutient que l'opération de cession en cause était connue et acceptée par le débiteur dès lors que les dirigeants des sociétés La Closeraie et Hôtel Rose Thé sont identiques et que les liens capitalistiques existants entre les trois sociétés du groupe sont avérés en application d'une convention centralisée de trésorerie datée du 1er septembre 2009 liant les trois sociétés. Cependant, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, cette convention n'a fait l'objet d'aucun enregistrement et n'a pas été établie sous la forme d'un acte authentique permettant de lui conférer une date certaine. Cette convention ne peut donc suffire à elle seule à établir la connaissance et l'acceptation de la cession en litige par le débiteur. La société appelante soutient également qu'en application de cette convention, le transfert de créance a été accepté en assemblée générale par chacune des sociétés du groupe. Les procès-verbaux produits des assemblées générales de la SARL Closeraie et de la SARL Hôtel Rose Thé, tenues parallèlement le 3 août 2011, le 9 janvier 2012 et le 9 janvier 2013, en présence de la société la South Company Matand en qualité respectivement d'associé ou d'associé unique, indiquent que, dans un premier temps, en 2011, la société mère a demandé à la société Hôtel Rose Thé de solder une dette de 189 561 euros qu'elle détenait sur elle en inscrivant en avance sur son compte courant d'associé au nom de la société La Closeraie. Puis, en 2012, la société mère a décidé d'octroyer un prêt de 690 000 euros à la société Hôtel Rose Thé, charge à elle de reverser cette somme à la société La Closeraie. Puis, en 2013, l'assemblée générale de la société Hôtel Rose Thé a pris acte que l'avance annoncée par la société mère ne lui avait pas été accordée, tandis que dans le même temps, l'assemblée générale de la société La Closeraie a pris acte que cette même avance a été ramenée à 524 000 euros, à rembourser à la société mère. En cet état, les procès-verbaux doivent être regardés comme formalisant des mouvements financiers présentés comme de simples opérations de trésorerie au sens et pour l'application de la convention tripartite de 2009, mais ne peuvent caractériser, outre la connaissance, l'acceptation explicite et non équivoque par le débiteur d'un transfert de créance. La société appelante soutient également que ses écritures comptables traduisent une substitution du créancier et non un abandon de créance dès lors que, lors du contrôle, le service vérificateur n'a émis aucune réserve quant à leur origine ou leur date de comptabilisation. Cependant, ce sont précisément ces mêmes écritures que l'administration a analysées comme révélatrices d'une extinction de dette à hauteur de 524 000 euros détenue par la société Hôtel Rose Thé sur la SARL La Closeraie. Par ailleurs, si cette dernière soutient avoir effectué le remboursement partiel de sa dette ainsi que le versement d'intérêts au titre des fonds prêtés entre les mains de la société mère au cours des exercices 2013, 2014 et 2015 à hauteur de 56 500 euros, la production des extraits du compte courant, dont les mentions " C/C MATAND " et " REMB CC MATAND " sont peu précises, ne suffit pas, en l'absence de production de documents prouvant la réalité du remboursement, à en apporter la preuve. La société appelante se prévaut également du remboursement par la société mère d'une partie de sa dette à hauteur de 150 000 euros entre les mains de la société Hôtel Rose Thé en juin 2013 par compensation avec le dividende qui lui était dû au titre de cet exercice, ce qui selon elle, tend à démontrer qu'elle n'avait pas l'intention d'abandonner sa créance mais de faire valoir ses droits à la société mère. Toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, ne permet pas d'établir la réalité de la substitution de créanciers dont elle se prévaut. En outre, la signature le 4 novembre 2016 par voie d'huissier d'une " convention réitérative de transfert de créance " pour régularisation dans le cadre de la procédure de l'article 1690 du code civil, intervenue postérieurement à la vérification de comptabilité ne permet pas à l'intéressée d'établir le transfert de créance allégué. Si la société appelante soutient encore que l'administration ne produit aucune preuve de l'abandon de dette, la charge de la preuve du mal-fondé du redressement, s'agissant d'écritures affectant les comptes de tiers, incombe à la société. Dans ces conditions, la réalité de la cession de créance alléguée n'étant pas établie, la requérante ne démontre pas que l'administration aurait à tort estimé que les écritures susmentionnées devaient s'analyser comme un abandon de créance.
7. Il résulte de tout ce qui précède, que la SARL La Closeraie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige seront rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL La Closeraie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Closeraie et ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme B..., présidente assesseure,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
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N° 19MA01111
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