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03/12/2020 | FRANCE | N°18MA05313

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 03 décembre 2020, 18MA05313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Domaine Aurélia a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ainsi que la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de droits d'enregistrement qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1601159 du 17 octobre 2018

, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Domaine Aurélia a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ainsi que la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de droits d'enregistrement qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1601159 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2018, la SNC Domaine Aurélia, représentée par Me A..., de la SELARL BPS Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ainsi que la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de droits d'enregistrement qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, elle établit que la taxe en litige a été acquittée, sans régularisation ultérieure, par la société JPR Invest et que cette taxe ne peut lui être réclamée sans constituer un enrichissement sans cause de l'administration ;

- elle ne peut davantage lui être réclamée sans contrevenir au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques ;

- les intérêts de retard ne peuvent lui être réclamés, la taxe ayant été acquittée en temps utile par la société JPR Invest ;

- la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les pénalités portant sur les droits d'enregistrement qui lui sont réclamés, les pénalités n'étant pas mentionnées à l'article L. 199 du livre des procédures fiscales ; l'instruction référencée BOI-CTX-JUD-10-10 publiée le 4 décembre 2012 ne comporte rien de contraire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions relatives aux pénalités portant sur les droits d'enregistrement relèvent des juridictions de l'ordre judiciaire ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Domaine Aurélia, qui exerce une activité de construction-vente d'immeubles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 à l'issue de laquelle l'administration, d'une part, par une proposition de rectification du 22 juillet 2013 notifiée selon la procédure contradictoire, a notamment remis en cause le crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'acquisition le 29 décembre 2006 d'un terrain à bâtir cédé par la SAS JPR Invest reporté sur sa déclaration CA3 du mois de janvier 2010, et d'autre part, par une autre proposition de rectification du 22 juillet 2013 également selon la procédure contradictoire, lui a notifié des rappels de droits d'enregistrement au titre de l'année 2006 assortis de pénalités pour manquement délibéré. La SNC Domaine Aurélia fait appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge et des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de droits d'enregistrement.

Sur la régularité du jugement attaqué en ce qui concerne les pénalités portant sur les droits d'enregistrement :

2. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance (...) ".

3. En vertu des dispositions législatives susrappelées, le contentieux des droits d'enregistrement relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Le contentieux des pénalités pour manquement délibéré appliquées par l'administration à ces droits d'enregistrement constitue un accessoire du contentieux principal et relève donc également de la compétence judiciaire. Par suite, en rejetant les conclusions présentées par la SNC Domaine Aurélia tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de droits d'enregistrement qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2006 comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, le tribunal n'a pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué.

4. En second lieu, la SNC requérante n'est pas fondée à se prévaloir des énonciations de l'instruction référencée BOI-CTX-JUD-10-10 publiée le 4 décembre 2012, d'ailleurs postérieure aux impositions en litige, qui se rapporte aux règles de compétence rationae materiae et ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. D'une part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ". En l'espèce, la SNC Domaine Aurélia, qui n'a pas répondu dans le délai de trente jours à la proposition de rectification du 22 juillet 2013, supporte la charge de la preuve de l'exagération des rectifications en litige.

6. D'autre part, aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Sont (...) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. / Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. / 1. Sont notamment visés : / a) Les ventes (...) de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G (...) ; / Sont notamment visés par le premier alinéa, les terrains pour lesquels, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte qui constate l'opération, l'acquéreur (...) obtient le permis de construire ou commence les travaux nécessaires pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation. (...) ". En outre, aux termes de l'article 285 du même code, alors applicable : " Pour les opérations visées au 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est due : (...) / 3° Par l'acquéreur, (...) lorsque la mutation (...) porte sur un immeuble qui, antérieurement à ladite mutation (...), n'était pas placé dans le champ d'application du 7° de l'article 257. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 246 de l'annexe II au code général des impôts, en vigueur à la même date : " Pour l'application du 3° de l'article 285 du code général des impôts, tout terrain à bâtir ou tout bien assimilé à ce terrain par le I du A de l'article 1594-0 G du même code, dont la mutation précédente ou l'apport en société précédent n'a pas été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, est considéré comme n'ayant pas été placé antérieurement dans le champ d'application du premier alinéa du 7° de l'article 257 de ce code. ". Enfin, l'article 271 du même code, dans sa rédaction alors applicable, précise que : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que le 29 décembre 2006, la SNC Domaine Aurélia a fait l'acquisition, pour un prix de 1 600 000 euros hors taxe, de terrains sis sur la commune de Saint-Rémy-de-Provence auprès de la société par actions simplifiée (SAS) JPR Invest, qui détient par ailleurs 99 % de son capital social. Il est constant que cette cession entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du a du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts et que la SNC Domaine Aurélia était le redevable légal de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette vente, d'un montant de 313 600 euros, en application des dispositions susmentionnées du 3° de l'article 285 du code général des impôts. La SNC Domaine Aurélia n'a pas déclaré et acquitté la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette vente qu'elle a en revanche déduite, se prévalant d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée reporté sur les exercices suivants, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts. Si elle soutient que ce montant de taxe a été acquitté par la SAS JPR Invest et que cela constitue par conséquent un enrichissement sans cause de l'administration fiscale, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé du rappel de taxe mis à sa charge dès lors que la taxe litigieuse devait être établie à son nom en application de la loi fiscale et qu'il appartient à la SAS JPR Invest, si elle s'y croit fondée et dans le respect du délai de réclamation, d'en demander le remboursement.

8. En second lieu, dès lors qu'elle ne présente, par mémoire distinct, aucune demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, la SNC Domaine Aurélia ne saurait en tout état de cause valablement soutenir que l'imposition mise à sa charge conformément à la loi méconnaîtrait le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.

En ce qui concerne les intérêts de retard :

9. L'intérêt de retard institué par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Ils sont dus de plein droit sur la base de l'imposition à laquelle ils s'appliquent. Par suite, le moyen tiré du règlement de la taxe litigieuse par la SAS JPR Invest est sans influence sur l'application desdits intérêts.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Domaine Aurélia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Domaine Aurélia est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Domaine Aurélia et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme C..., présidente assesseure,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.

6

N° 18MA05313

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05313
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SELARL BPS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-03;18ma05313 ?
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