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03/12/2020 | FRANCE | N°18MA03316

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 18MA03316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., Mme I... C... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier à réparer les préjudices résultant de la prise en charge de M. A... B... par cet établissement de santé le 1er février 2010, à hauteur de 5 010 184,38 euros pour M. A... B..., 124 018,09 euros pour sa mère et 120 000 euros pour son père, et d'assortir les sommes versées des intérêts de droit à compter de leur demande préalab

le et de la capitalisation de ces intérêts.

La caisse primaire d'assurance mal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., Mme I... C... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier à réparer les préjudices résultant de la prise en charge de M. A... B... par cet établissement de santé le 1er février 2010, à hauteur de 5 010 184,38 euros pour M. A... B..., 124 018,09 euros pour sa mère et 120 000 euros pour son père, et d'assortir les sommes versées des intérêts de droit à compter de leur demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Hérault a demandé la condamnation du CHRU de Montpellier à lui verser les sommes de 163 226,95 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1601784 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le CHRU de Montpellier à verser à M. A... B..., sous déduction de la provision de 250 000 euros versée en application de l'ordonnance du juge des référés du même tribunal du 21 juillet 2017, la somme de 714 080,03 euros, ainsi que les sommes de 1 800 euros au titre des dépens de l'instance et de 2 320 euros au titre des frais d'assistance à l'expertise, et, à compter de ce jugement, par trimestre échu, soit, par défaut, une indemnité au titre des frais d'assistance par tierce personne d'un montant annuel de 32 433 euros revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, soit les frais réellement engagés au titre de l'assistance par tierce personne en cas de recours à un prestataire sur présentation du contrat et de facture afférents. Le tribunal a également condamné le CHRU de Montpellier à verser à la CPAM de l'Hérault la somme de 63 219,69 euros au titre de ses débours, une rente d'un montant annuel de 2 455,94 euros et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le tribunal a encore condamné le CHRU de Montpellier à verser à Mme I... C..., sous déduction de la provision de 69 500 euros versée en application de l'ordonnance du juge des référés du même tribunal du 31 août 2017, la somme de 69 030,70 euros et à M. D... B... la somme de 55 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 juillet, 19 septembre et 13 décembre 2018 et le 10 octobre 2019, le CHRU de Montpellier, représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 mai 2018 ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des condamnations prononcées à son encontre.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence de visa et d'analyse de l'ensemble des écritures des parties ;

- le tribunal a méconnu son office et a insuffisamment motivé son jugement en le condamnant à payer à M. A... B... " les frais réellement engagés au titre de l'assistance par une tierce personne en cas de recours à un prestataire sur présentation du contrat et des factures afférentes ", ce qui correspond à une condamnation non déterminable et non définitivement fixée ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé de tenir compte de l'état antérieur de la victime ;

- c'est également à tort que le tribunal a retenu le besoin d'une assistance spécialisée avec un taux horaire majoré six heures par jour et n'a pas subordonné l'indemnisation de cette assistance au maintien effectif au domicile familial ;

- les différents postes de préjudice ont été surévalués ;

- les demandes incidentes présentées par M. B... au titre de l'assistance par une tierce personne, des pertes de gains professionnels futurs et du préjudice d'agrément doivent être rejetées ;

- aucune condamnation ne saurait être prononcée à son encontre au profit de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 novembre 2018 et 26 septembre 2019, M. A... B..., Mme I... C... et M. D... B... représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 mai 2018 en tant qu'il a limité l'indemnité au versement de laquelle le CHRU de Montpellier a été condamné afin que celle-ci soit portée à 550 euros au titre du remboursement du logiciel " zoom text ", 128 708 euros au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation, 227 010 euros au titre de l'assistance par une tierce personne de la date de consolidation au 1er janvier 2018, à parfaire jusqu'à l'arrêt à intervenir à raison de 138 euros par jour, 2 305 636,38 euros au titre de l'assistance par une tierce personne à compter de l'arrêt à intervenir, 1 460 220 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts.

3°) de mettre à la charge du CHRU de Montpellier la somme de 3 000 euros au profit de chacun d'entre eux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par le CHRU de Montpellier ne sont pas fondés ;

- l'utilisation du logiciel est nécessitée par les séquelles ophtalmologiques qu'il conserve ;

- il y a lieu d'appliquer le coût horaire de l'assistance par une tierce personne avec recours à un service prestataire, intégrant les périodes de congés légaux et les majorations pour travail les week-ends et les jours fériés, qui s'élève à 23 euros ;

- il a droit à l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futures ;

- l'évaluation de son préjudice d'agrément effectuée par le tribunal est insuffisante.

Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2019, l'ONIAM, représenté par Me F..., conclut à sa mise hors de cause et à la mise à la charge du CHRU de Montpellier d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et que les fautes commises par le CHRU de Montpellier excluent toute intervention de sa part au titre de la solidarité nationale.

Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2019, la CPAM de l'Hérault, représentée par Me H... et Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 mai 2018 en tant qu'il a limité l'indemnité au versement de laquelle le CHRU de Montpellier a été condamné à la somme de 63 219,69 euros assortie d'une rente annuelle de de 2 455,94 euros ;

3°) de porter à la somme de 163 226,95 euros à parfaire, avec intérêts au taux légal, le montant de cette indemnité ;

4°) de mettre à la charge du CHRU de Montpellier la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a droit au remboursement des prestations imputables à la faute commise.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme L...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me K..., substituant Me G... représentant le CHRU de Montpellier, et de Me J..., représentant les consorts B....

Considérant ce qui suit :

1. Le CHRU de Montpellier relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à payer à M. A... B..., sous déduction de la provision de 250 000 euros versée en application de l'ordonnance du juge des référés du même tribunal du 21 juillet 2017, la somme de 714 080,03 euros, ainsi que les sommes de 1 800 euros au titre des dépens de l'instance et de 2 320 euros au titre des frais d'assistance à l'expertise, et, à compter de ce jugement, par trimestre échu, soit, par défaut, une indemnité au titre des frais d'assistance par tierce personne d'un montant annuel de 32 433 euros revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, soit les frais réellement engagés au titre de l'assistance par tierce personne en cas de recours à un prestataire sur présentation du contrat et de facture afférents, à la CPAM de l'Hérault la somme de 63 219,69 euros au titre de ses débours, une rente d'un montant annuel de 2 455,94 euros et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, à Mme I... C..., sous déduction de la provision de 69 500 euros versée en application de l'ordonnance du juge des référés du même du 31 août 2017, la somme de 69 030,70 euros et à M. D... B... la somme de 55 000 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, le moyen tiré par le CHRU de Montpellier de l'absence de visa et d'analyse de l'ensemble des écritures des parties, soulevé dans la requête sommaire et non repris dans le mémoire ampliatif, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il doit donc être écarté.

3. D'autre part, il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont retenu, s'agissant des frais futurs d'assistance par une tierce personne, que le coût annuel de l'assistance par une tierce personne non spécialisée devait être fixé à 32 433 euros et faire l'objet d'une rente versée par trimestre échu et revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, mais également qu'en cas de prise en charge spécialisée avec recours à un prestataire, le montant afférent devrait être versé par le CHRU de Montpellier sur présentation d'un contrat et de factures, par trimestre échu. En condamnant le CHRU de Montpellier à verser à M. A... B... soit une telle rente soit le remboursement des frais réellement engagés au titre de l'assistance spécialisée par une tierce personne, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement et n'ont pas méconnu leur office.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité :

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier le 27 juillet 2016, que le CHRU de Montpellier a procédé le 1er février 2010 au traitement chirurgical de M. A... B... après avoir posé prématurément le diagnostic d'un craniopharyngiome alors que le patient, âgé de 19 ans, présentait une hémianopsie temporale, un déficit thyréotrope et gonadotrope endocrinien discret et une volumineuse tumeur intra et supra sellaire, sans hypertension intracrânienne, pouvant évoquer un craniopharyngiome ou un adénome hypophysaire, et que le résultat du dosage de prolactine effectué le 19 janvier 2010 permettant de poser le diagnostic d'un adénome à prolactine, pour le traitement duquel le geste chirurgical ne doit être envisagé qu'en dernier recours, en cas d'échec d'un traitement médical par l'administration d'agonistes dopaminergiques, n'était pas encore connu, puis que le patient n'a pas bénéficié d'un suivi adéquat. Comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la responsabilité de cet établissement est ainsi engagée du fait d'une faute dans l'organisation du service tenant au retard de délivrance du résultat du dosage de prolactine mais également d'une erreur de diagnostic, d'un choix thérapeutique non conforme aux données actuelles de la science et d'un défaut de suivi adapté.

En ce qui concerne les préjudices :

5. Les moyens tirés par le CHRU de Montpellier de ce que les premiers juges n'auraient pas tenu compte de l'état antérieur de la victime et de ce que les différents postes de préjudices auraient été surévalués, soulevés dans la requête sommaire et non repris dans le mémoire ampliatif, ne sont pas assortis des précisions permettant d'un apprécier le bien-fondé et doivent être écartés.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. B... subit un préjudice d'agrément relatif à l'impossibilité de pratiquer le tennis et le squash. Les premiers juges n'ont pas, en retenant que ce préjudice serait justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros, insuffisamment réparé celui-ci.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé :

7. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'attestation d'imputabilité et du décompte définitif des débours produits par la CPAM de l'Hérault, qu'ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, celle-ci, d'une part, a engagé avant la date de consolidation de l'état de santé de M. B... le 1er juillet 2013 des frais hospitaliers à hauteur de 43 819,60 euros, des frais médicaux à hauteur de 2 384 euros, des frais pharmaceutiques à hauteur de 15 877,84 euros et de frais d'appareillage à hauteur de 1 138,25 euros, soit un montant total de 63 219,69 euros, et justifie, d'autre part, de la nécessité d'engager des frais futurs occasionnels et viagers pour un montant annuel de 2 455,94 euros. La CPAM de l'Hérault n'invoque aucun moyen à l'appui de ses prétentions tendant à ce que le CHRU de Montpellier soit condamné à lui verser au titre des frais futurs occasionnels et viagers la somme de 100 007,06 euros en capital en lieu et place d'une rente annuelle d'un montant de 2 455,94 euros. Ses conclusions incidentes doivent, dès lors, être rejetées.

Quant aux frais relatifs à l'acquisition d'un logiciel d'agrandissement pour malvoyants :

8. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. B... justifie l'utilisation d'un logiciel d'agrandissement pour malvoyants. Toutefois, si la facture qu'il produit à l'appui de sa demande relative à l'acquisition d'un tel logiciel comporte la mention de l'achat d'un ordinateur portable, elle ne fait pas état de celui d'un tel logiciel. Dans ces conditions, il y a seulement lieu de condamner le CHRU de Montpellier à rembourser, le cas échéant, à M. B..., sur présentation d'une preuve d'achat, le montant qu'il exposera pour l'acquisition de ce logiciel.

Quant à l'assistance par une tierce personne :

9. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

10. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 31331 du code du travail, il y a lieu de retenir pour l'indemnisation la base d'une année de 412 jours et un taux horaire, calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales, de 13 euros jusqu'à la fin de l'année 2017 puis de 14 euros à compter de 2018.

11. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, qu'avant la consolidation de son état de santé, M. A... B... a eu besoin d'une assistance non spécialisée par une tierce personne 8 heures par jour du 26 février au 30 août 2010, puis 6 heures par jour du 1er septembre 2010 au 1er septembre 2011, et 6 heures par jour uniquement pendant les week-ends et les vacances scolaires du 2 septembre 2011 au 30 juin 2013. Le préjudice subi au titre de cette période, calculé selon les bases de liquidation indiquées au point 10, s'élève donc à 63 670,35 euros, sous déduction des sommes éventuellement perçues par M. B... au titre de la prestation de compensation du handicap ou de la majoration pour tierce personne et dont il lui appartiendra de justifier auprès du CHRU de Montpellier.

12. Il résulte encore de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'à compter de la date de la consolidation de son état de santé et de façon viagère, M. B... a besoin d'une assistance par une tierce personne durant 6 heures par jour, dont 4 heures d'assistance de vie sociale et 2 heures d'intervention sociale et familiale, et que jusqu'à la date du présent arrêt, cette aide lui a été apportée par un membre de sa famille. Le préjudice subi au titre de cette période, calculé selon les bases de liquidation indiquées au point 10, s'élève donc à 243 922,05 euros, sous déduction des sommes éventuellement perçues par M. B... au titre de la prestation de compensation du handicap ou de la majoration pour tierce personne et dont il lui appartiendra de justifier auprès du CHRU de Montpellier.

13. Pour la période postérieure au présent arrêt, le coût annuel de l'assistance par une tierce personne non spécialisée, calculé selon les bases de liquidation indiquées au point 10, doit être fixé à 34 608 euros. Il apparaît que le versement d'une rente trimestrielle d'un montant de 8 652 euros revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale constitue, dans les circonstances de l'espèce, la modalité de réparation la plus équitable, sous réserve du maintien à domicile et sous déduction des sommes éventuellement perçues par M. B... au titre de la prestation de compensation du handicap ou de la majoration pour tierce personne et dont il lui appartiendra de justifier auprès du CHRU de Montpellier. En cas de prise en charge effective par un prestataire à hauteur de quatre heures par une assistante de vie sociale et de deux heures par un technicien d'intervention sociale et familiale, dont il appartiendra à M. B... de justifier, le cas échéant, auprès du CHRU de Montpellier par la présentation des contrats et factures afférents, par trimestre échu, les éventuels frais complémentaires correspondants devront, outre cette rente, être également versés par ce dernier, dans la limite d'un complément de rente d'un montant trimestriel de 2 472 euros, calculé sur la base d'un taux horaire de 18 euros et également revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Quant aux pertes de gains professionnels futurs :

14. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que M. B... présente un déficit fonctionnel permanent de 75 %. Si l'expert fait par ailleurs état d'une incidence professionnelle certaine, en rapport avec les troubles neuropsychologiques, accentuée par la malvoyance, avec, en particulier, l'impossibilité de conduire, l'état du dossier ne permet pas à la cour de déterminer la nature et l'importance des répercussions professionnelles de l'état de santé après consolidation de M. B... telles qu'elles résultent des fautes commises, en particulier si celui-ci est privé de toute possibilité d'exercer un jour une activité professionnelle. La cour n'étant, ainsi, pas en mesure d'évaluer son préjudice relatif aux pertes de gains professionnels futurs, il y a lieu, avant de statuer sur ce préjudice, d'ordonner une expertise dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt.

D É C I D E :

Article 1er : La somme en capital que le CHRU de Montpellier a été condamné à verser à M. A... B... au titre de l'assistance par une tierce personne est portée à 307 592,40 euros, sous déduction des sommes éventuellement perçues au titre de la prestation de compensation du handicap ou de la majoration pour tierce personne et dont il lui appartiendra de justifier auprès du CHRU de Montpellier.

Article 2 : Le CHRU de Montpellier versera à M. A... B..., à compter de la date du présent arrêt, par trimestre échu, une rente de 8 652 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne, revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sous réserve du maintien à domicile et sous déduction des sommes éventuellement perçues au titre de la prestation de compensation du handicap ou de la majoration pour tierce personne et dont il lui appartiendra de justifier auprès du CHRU de Montpellier. En cas de prise en charge effective par un prestataire à hauteur de quatre heures par une assistante de vie sociale et de deux heures par un technicien d'intervention sociale et familiale, dont il appartiendra à M. B... de justifier, le cas échéant, auprès du CHRU de Montpellier par la présentation des contrats et factures afférents, par trimestre échu, les éventuels frais complémentaires correspondants devront, outre cette rente, être également versés par ce dernier, dans la limite d'un complément de rente d'un montant trimestriel de 2 472 euros, calculé sur la base d'un taux horaire de 18 euros et également revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le CHRU de Montpellier est condamné à rembourser à M. B..., sur présentation d'une preuve d'achat, les frais d'acquisition d'un logiciel d'agrandissement pour malvoyants.

Article 4 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt en ce qui concerne l'assistance par une tierce personne et les frais d'acquisition d'un logiciel d'agrandissement pour malvoyants.

Article 5 : Les conclusions incidentes présentées par les consorts B... concernant le préjudice d'agrément, ainsi que les conclusions incidentes présentées par la CPAM de l'Hérault, sont rejetées.

Article 6 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions incidentes des consorts B... relatives aux pertes de gains professionnels futurs de M. A... B..., procédé à une expertise médicale contradictoire avec celui-ci et le CHRU de Montpellier, avec mission pour l'expert de :

1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. A... B... et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués sur lui en particulier depuis le dépôt du précédent rapport ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. B... ainsi qu'éventuellement à son examen clinique ;

2°) dire si l'état de santé de M. A... B... à compter de la date de sa consolidation intervenue le 1er juillet 2013 tel que résultant des fautes commises a entraîné des répercussions sur sa vie professionnelle et en préciser la nature et l'importance, en particulier dire si M. A... B... est privé de toute possibilité d'exercer un jour une activité professionnelle, ou s'il peut travailler à temps partiel et dans l'affirmative, dans quelle quotité et sur quel type de poste ;

3°) fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utile à la solution du litige et de nature à permettre d'apprécier l'étendue du préjudice relatif aux pertes de gains professionnels futurs.

Article 7 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 8 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 9 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, à M. A... B..., Mme I... C... et M. D... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme L..., présidente assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

9

N° 18MA03316

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03316
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Choix thérapeutique.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : PREZIOSI et CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-03;18ma03316 ?
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