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01/12/2020 | FRANCE | N°19MA03668

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 19MA03668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Cannes Live Agency a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703001 du 7 juin 2019, le tribunal

administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Cannes Live Agency a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703001 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2019 et le 3 novembre 2020, la SARL Cannes Live Agency, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 juin 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle n'était pas justifiée ;

- en remettant en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle n'était pas justifiée, l'administration a méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-DED-10-10, n° 1 ;

- la minoration de la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait être regardée comme un profit sur le Trésor ;

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ;

- la somme de 80 000 euros portée au crédit de son compte bancaire correspondait à un prêt qui lui a été consenti, et non à une recette imposable ;

- cette somme fait l'objet d'une double imposition ;

- il résulte de la doctrine référencée BOI-CTX-DG-20-20-40 n° 80 que pour établir la réalité des faits qu'il invoque, le contribuable a en principe la possibilité de faire appel à tous les modes de preuve de droit commun ;

- une somme de 50 000 euros correspondant à la rémunération attribuée à son ancien gérant aurait dû être déduite de ses résultats au titre de l'exercice clos en 2012 ;

- selon la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-50-20 n° 200 et 210, le service des impôts doit s'attacher à faire une évaluation aussi exacte que possible des éléments qui concourent à la détermination des bases d'imposition ;

- c'est à tort que l'administration a fait application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1728-b du code général des impôts en cas de défaut de déclaration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Cannes Live Agency ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SARL Cannes Live Agency.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SARL Cannes Live Agency, qui exerce une activité de sous-location de logements meublés, l'administration fiscale, faute de présentation de la comptabilité, a procédé notamment à la reconstitution de ses bénéfices, et l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ainsi qu'à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013. La SARL Cannes Live Agency fait appel du jugement du 7 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

I. L'étendue du litige :

2. Par une décision du 17 octobre 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement du supplément d'impôt sur les sociétés en litige au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de 5 333 euros en droits et 2 773 euros en pénalités. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

II. La régularité du jugement :

3. Les premiers juges ont omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la méthode de reconstitution des bénéfices de la SARL Cannes Live Agency est excessivement sommaire. Ils ont ainsi entaché d'irrégularité leur jugement, qui doit dès lors être annulé.

4. Il y a lieu pour la Cour de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL Cannes Live Agency devant le tribunal par la voie de l'évocation.

III. Les conclusions tendant à la décharge des impositions et pénalités restant en litige :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession (...) desdites factures (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que la SARL Cannes Live Agency n'a produit aucune des factures sur lesquelles figurerait la taxe acquittée au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et afférente aux postes " autres biens et services " et " immobilisations ", qu'elle a déduit de la taxe due au titre de la période considérée. La société requérante, en se bornant à faire état de la disparition de ses " dossiers " après le décès de son ancien avocat, ne justifie pas que les conditions d'exercice du droit à déduction de cette taxe sont satisfaites. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur les postes " autres biens et services " et " immobilisations ", sans que la SARL Cannes Live Agency puisse utilement se prévaloir du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.

7. En second lieu, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

8. La SARL Cannes Live Agency n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures, le paragraphe n° 1 de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-DED-10-10, qui ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés :

9. En premier lieu, lorsqu'un contribuable a fait l'objet de rectifications en matière d'impôt sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un profit sur le Trésor chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la SARL Cannes Live Agency n'est pas fondée à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée opérés par le service vérificateur ne sont pas justifiés et qu'en conséquence, le profit sur le Trésor correspondant aurait été réintégré à tort à son bénéfice imposable.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

12. La SARL Cannes Live Agency, dont les suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ont été régulièrement établis selon la procédure de taxation d'office, supporte la charge de la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition.

13. Faute de présentation de la comptabilité, le vérificateur a reconstitué les recettes et les charges de location de la SARL Cannes Live Agency à partir des encaissements et des débits constatés sur son compte bancaire, après avoir demandé à son représentant d'identifier ses recettes et charges. Cette méthode de reconstitution fondée sur les encaissements et décaissements tient nécessairement compte des conditions de fonctionnement de l'entreprise, eu égard à la nature de l'activité de la société. La circonstance qu'elle méconnaîtrait les principes de la comptabilité d'engagement, alors que la requérante ne précise d'ailleurs pas les conséquences sur le résultat reconstitué de l'application de ces principes, ne suffit pas à faire regarder la méthode suivie comme étant excessivement sommaire.

14. En troisième lieu, une somme de 80 000 euros, portée au crédit du compte bancaire de la SARL Cannes Live Agency le 25 juin 2012, et versée par la société civile immobilière (SCI) Home Invest, a été regardée comme une recette imposable. La conclusion alléguée d'un prêt consenti par son gérant, M. A..., portant sur la somme en cause, n'est pas démontrée par la requérante, qui ne produit aucun élément à l'appui de ses affirmations. La requérante soutient par ailleurs que la somme de 80 000 euros aurait été remboursée au cours de l'année 2015 par le reversement des sommes à la société Axe Cash, dont Mme A... est associée, et à laquelle elle aurait avancé des fonds par le biais de ce remboursement. Toutefois, la requérante, qui se borne à produire des copies de chèques dont il ressort qu'elle n'a versé que 58 500 euros à la société Axe Cash, soit un montant global inférieur à la somme prétendument prêtée, ne démontre pas, en tout état de cause, que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil relatif à l'opposabilité des cessions de créances auraient été respectées. Dans ces conditions, elle ne démontre pas que la somme de 80 000 euros ne constituerait pas une recette imposable.

15. En quatrième lieu, la circonstance que M. et Mme A... auraient été imposés à raison de revenus distribués correspondant à la somme de 80 000 euros ne saurait caractériser une double imposition de la SARL Cannes Live Agency.

16. En cinquième lieu, l'administration a refusé de retenir parmi les charges déductibles de l'exercice clos en 2012 une somme globale de 50 000 euros, versée à l'ancien gérant de la SARL Cannes Live Agency. Au cours de l'instance d'appel, elle a admis le caractère déductible de ce versement à hauteur de 16 000 euros. La SARL Cannes Live Agency ne produit aucun élément de nature à justifier que le surplus, soit 34 000 euros, correspondrait à une rémunération, et donc à une charge déductible.

17. En sixième lieu, la SARL Cannes Live Agency n'est fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures, ni le paragraphe n° 80 de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-DG-20-20-40, ni les paragraphes n° 200 et 210 de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-50-20, dès lors qu'ils ne comportent pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

En ce qui concerne les pénalités :

18. Aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".

19. Il est constant que la SARL Cannes Live Agency n'a pas déposé ses déclarations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé. La société ne démontre pas, en tout état de cause, que l'absence de dépôt de ces déclarations procèderait de la disparition de ses " dossiers " après le décès de son ancien avocat. Par suite, c'est à bon droit que les rehaussements d'impôt sur les sociétés en litige ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par le b) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Cannes Live Agency n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

IV. Les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Cannes Live Agency présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL Cannes Live Agency a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 et des pénalités correspondantes à hauteur de 8 106 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1703001 du 7 juin 2019 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la SARL Cannes Live Agency devant le tribunal administratif de Nice et le surplus de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cannes Live Agency et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2020.

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N° 19MA03668

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