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01/12/2020 | FRANCE | N°19MA03666

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 19MA03666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 et de la contribution sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1703220 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a prononcé un nonlieu

à statuer sur les conclusions de leur demande à hauteur du dégrèvement prononcé en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 et de la contribution sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1703220 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a prononcé un nonlieu à statuer sur les conclusions de leur demande à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2019 et le 4 novembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 juin 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- c'est à tort que les sommes versées sur le compte de la société civile (SC) Insitu, qui correspondent à un prêt consenti par la société à responsabilité limitée (SARL) Résidence Hôtelière du Golf de Mougins, ont été regardées comme un avantage, et donc comme un revenu distribué imposable entre les mains de Mme B... ;

- selon la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-40-30-70, les infractions aux dispositions du 3 de l'article 242 du code général des impôts entraînent seulement l'application des sanctions prévues par l'article 1729 B du même code ;

- l'administration ne pouvait démontrer l'existence d'un acte anormal de gestion commis par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins au bénéfice de la SC Insitu, et donc l'existence d'un revenu distribué au profit des associés communs en se bornant à constater des versements de sommes provenant de la première sur le compte bancaire ouvert au nom de la seconde ;

- les sommes versées par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins à la SC Insitu ne peuvent être regardées comme distribuées sur le fondement de l'article 109, 1-2° du code général des impôts, dont les dispositions ne s'appliquent pas aux sociétés qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés ;

- Mme B... n'a pas appréhendé les sommes versées par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins à la SC Insitu ;

- il résulte de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10, n° 280 que l'administration doit apporter la preuve que des sommes ou valeurs ont été mises à disposition des associés ou ont été appréhendées par eux ;

- c'est à tort que l'administration a imposé entre les mains de M. B... une somme de 742 698 euros regardée comme désinvestie par la société civile immobilière (SCI) Home Invest ;

- M. B... n'a pas appréhendé la somme de 742 698 euros ;

- la somme regardée comme un revenu distribué par la SCI Home Invest fait l'objet d'une double imposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2012 et 2013, à l'issue duquel l'administration les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 et 2013, ainsi qu'à la contribution sur les hauts revenus au titre de l'année 2012, à raison de revenus regardés comme distribués par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins et par la SCI Home Invest. M. et Mme B... ont contesté ces impositions et les pénalités correspondantes devant le tribunal administratif de Nice, qui par jugement du 7 juin 2019 a constaté le nonlieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge de la demande à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. et Mme B... font appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. L'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

3. A supposer que M. et Mme B..., en soutenant que la proposition de rectification est insuffisamment motivée au motif qu'un certain nombre d'éléments ont été noircis sans explication, aient entendu viser la proposition de rectification qui leur a été adressée le 27 juillet 2015, cette proposition les informait des rectifications qui étaient envisagées à la suite de la vérification de la comptabilité de la SCI Home Invest et de la SC Insitu, et les copies des propositions de rectification adressées à ces sociétés y étaient annexées. La circonstance que dans le tableau récapitulatif des revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la case correspondant aux revenus distribués par la SCI Home Invest au titre de l'année 2013 est noircie, alors qu'aucune rectification n'a été proposée à ce titre, ne saurait avoir d'incidence sur le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus distribués par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins :

4. En premier lieu, l'article 109 du code général des impôts dispose que : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ".

5. L'administration, dans le cadre du contrôle sur place de la SC Insitu, dont Mme B... est associée, a constaté l'encaissement sur le compte bancaire ouvert au nom de cette société de chèques provenant de la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins, dont l'intéressée est également associée, pour des sommes globales de 120 000 euros et 75 000 euros au cours, respectivement, des années 2012 et 2013. La société n'ayant pas indiqué l'objet de ces versements malgré la demande de l'administration, ils ont été regardés comme des avantages consentis par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins à la SC Insitu, et comme des revenus distribués imposables entre les mains des associés communs de la société commerciale et de la société civile, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article 109 du code général des impôts.

6. La conclusion alléguée d'un prêt entre la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins et la société Insitu portant sur les sommes en cause n'est pas démontrée par les requérants, qui ne produisent aucun élément à l'appui de leurs affirmations, alors que l'administration fait valoir sans être contredite qu'il ressort de la déclaration de résultat de la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins déposée au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 qu'elle n'a pas comptabilisé un tel prêt. Les requérants soutiennent par ailleurs que les sommes prêtées à la SC Insitu auraient été remboursées au cours de l'année 2015 par le reversement des sommes à la société Axe Cash, à laquelle la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins aurait avancé des fonds par le biais de ce remboursement et d'un apport en compte courant réalisé par Mme B..., associée des trois sociétés en cause, après remboursement des sommes qu'elle lui avait apportées en compte courant. Toutefois, les requérants, qui se bornent à produire des copies de chèques dont il ressort que la SC Insitu n'a versé que 72 000 euros à la société Axe Cash, soit un montant global inférieur aux sommes prétendument prêtées, ne démontrent pas, en tout état de cause, que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil relatif à l'opposabilité des cessions de créances auraient été respectées. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme démontrant l'existence d'avantages consentis à la SC Insitu par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance qu'elle n'a pas opéré de rectification des résultats de cette dernière à raison de l'acte anormal de gestion. De même, ne saurait avoir d'incidence sur la qualification des distributions provenant de la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins la circonstance que la SC Insitu, qui n'est pas la société distributrice, n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés. Ainsi, et dès lors que les avantages versés par une société commerciale à une société de personnes dont les associés sont par ailleurs actionnaires de la société commerciale doivent être regardés comme appréhendés par ces associés, c'est à bon droit qu'elle a imposé l'avantage consenti par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins entre les mains de Mme B... à hauteur de sa quotepart dans le capital de la SC Insitu.

7. En second lieu, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

8. M. et Mme B... ne sont fondés à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-40-30-70, ni le paragraphe n° 280 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10, qui ne comportent pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

En ce qui concerne les revenus distribués par la SCI Home Invest :

9. En premier lieu, l'article 111 du code général des impôts dispose que : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

10. L'administration, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SCI Home Invest, a constaté que cette société avait encaissé sur son compte bancaire, au cours de l'année 2012, des chèques pour un montant total de 745 075,79 euros, et que deux chèques et un virement avaient été émis au cours de l'année au profit de la SARL Cannes Live Agency, de la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins et de la SC Insitu, pour des montants respectifs de 80 000 euros, 114 000 euros et 548 000 euros, de sorte que le solde du compte au 31 décembre 2012 ne s'élevait plus qu'à 2 377,47 euros. En l'absence de comptabilité et de justification de l'existence alléguée de prêts correspondant aux chèques et au virement portés au débit du compte bancaire de la société, elle a considéré que la différence entre les sommes encaissées et le solde du compte, soit 742 698 euros, constituait une distribution occulte au profit de M. B..., regardé comme le maître de l'affaire, en raison de l'existence d'une confusion entre le patrimoine privé de M. et Mme B... et les patrimoines sociaux des sociétés en cause.

11. Le remboursement allégué d'un apport précédemment consenti par M. et Mme B... à la SCI Home Invest permettant la conclusion de prêts consentis à la SARL Cannes Live Agency, la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins et la SC Insitu n'est pas démontré par les requérants, qui ne produisent aucun élément à l'appui de leurs affirmations. Les requérants soutiennent par ailleurs que les sommes de 80 000 euros, 114 000 euros et 548 000 euros auraient été remboursées au cours de l'année 2015 par le reversement des sommes à la société Axe Cash, dont Mme B... est associée, et à laquelle elle aurait avancé des fonds par le biais de ce remboursement. Toutefois, les requérants, qui se bornent à produire des copies de chèques dont il ressort que les sociétés Cannes Live Agency, Résidence Hôtelière du Golf de Mougins et Insitu n'ont versé, respectivement, que 42 000 euros, 58 500 euros et 72 000 euros à la société Axe Cash, soit un montant global inférieur aux sommes prétendument prêtées, ne démontrent pas, en tout état de cause, que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil relatif à l'opposabilité des cessions de créances auraient été respectées. Dans ces conditions, et alors que les requérants ne contestent ni l'existence d'une confusion entre leur patrimoine privé et les patrimoines sociaux des sociétés en cause, ni la qualité de maître de l'affaire de M. B..., l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'une distribution occulte de la SCI Home Invest au profit de M. B....

12. En second lieu, M. et Mme B..., qui n'ont pas été imposés à raison de revenus distribués par la SARL Résidence Hôtelière du Golf de Mougins et la SC Insitu correspondant aux sommes de 114 000 euros et 548 000 euros qui leur ont été versées par la SCI Home Invest, ne sont pas fondés à soutenir qu'ils subiraient à cet égard une double imposition. Par ailleurs, la circonstance que M. et Mme B... ont été imposés, sur un autre fondement légal, à raison de revenus distribués par la SARL Cannes Live Agency correspondant à la somme de 80 000 euros qui lui a été versée par la SCI Home Invest, ne saurait, en tout état de cause, caractériser une double imposition de la somme.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2020.

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N° 19MA03666

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