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26/11/2020 | FRANCE | N°19MA03097

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 26 novembre 2020, 19MA03097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une expertise complémentaire et de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à lui verser une provision de 70 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital Nord et, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections n

osocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 55 000 euros à titre de provi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une expertise complémentaire et de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à lui verser une provision de 70 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital Nord et, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 55 000 euros à titre de provision.

Par un jugement n° 1706138 du 6 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais de l'expertise médicale.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2019, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mai 2019 ;

2°) d'ordonner une expertise ;

3°) de condamner, à titre principal, l'AP-HM à lui verser la somme provisionnelle de 70 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et la capitalisation de ces intérêts et, à titre subsidiaire, l'ONIAM à lui verser la somme provisionnelle de 55 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Elle soutient que :

- une expertise complémentaire présente une utilité dès lors que l'expert ne s'est pas prononcé sur le caractère erroné de la lecture des résultats cytologiques et pour évaluer les préjudices ;

- la responsabilité de l'AP-HM est engagée du fait, d'une part, d'un choix erroné de classification de la cytologie et, d'autre part, d'un dosage mal adapté de l'hormonothérapie substitutive ;

- elle n'a pas été informée de la possibilité que le résultat de la ponction soit faussement positif ;

- les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale sont remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2019, l'ONIAM, représenté par la SELARL de La Grange et Fitoussi Avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies ;

- la demande d'expertise ne présente pas d'utilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2019, l'AP-HM, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- aucune faute n'a été commise lors de l'analyse cytologique ;

- l'indication opératoire était justifiée malgré l'absence de tumeur maligne ;

- l'hormone thyroïdienne n'a pas été surdosée ;

- le défaut d'information n'a pas été à l'origine pour la patiente d'une perte de chance de renoncer à l'exérèse totale de la tumeur dès lors que l'intervention était impérieusement requise ;

- l'information sur l'éventualité d'une irathérapie en cas de confirmation de la suspicion de cancer par l'analyse histologique a été donnée ;

- l'expert s'est prononcé sur l'analyse de la conduite thérapeutique et le classement de la cytologie.

La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 6 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté sa demande tendant à prescrire une mesure d'expertise complémentaire et à condamner l'AP-HM à lui verser une somme provisionnelle de 70 000 euros ou, à défaut, l'ONIAM à lui verser la somme de 55 000 euros à titre de provision et, d'autre part, mis à sa charge les frais de l'expertise médicale.

Sur la responsabilité :

2. Le I de l'article L. 11421 du code de la santé publique prévoit que la responsabilité de tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peut être engagée en cas de faute.

3. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, que l'expert a répondu à un dire du médecin-conseil de Mme C... selon lequel " rien ne permet d'affirmer que le classement en catégorie 6 était licite ", que la classification Bethesda était une technique limitée dont les résultats devaient être confirmés par l'analyse des pièces chirurgicales. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la requérante, l'expert a porté une appréciation sur la lecture faite de la ponction cytologique par le service d'anatomo-pathologie, interprétée par ce service comme évoquant un carcinome papillaire et classée, en conséquence, en catégorie 6 de la classification Bethesda.

4. Il y a lieu, d'autre part, d'écarter le moyen tiré de ce que l'AP-HM aurait commis une faute dans l'analyse de la lame à l'origine d'une erreur de classement par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 du jugement dès lors que la requérante reprend l'argumentation soumise à ceux-ci sans apporter d'élément nouveau ou déterminant.

5. Il résulte en outre du rapport de l'expert que selon la littérature médicale, la cytoponction sous échographie a pour but de déterminer le risque de malignité du nodule et que seule l'ablation totale de la glande peut donner une certitude diagnostique sur l'ensemble des nodules. L'expert indique en outre que même en l'absence de cancer thyroïdien, le geste chirurgical pratiqué était justifié par les caractéristiques et l'ancienneté du goitre dont souffrait Mme C.... L'avis médical du médecin-conseil produit par la requérante, peu précis, peu circonstancié et qui n'est pas documenté, n'est pas susceptible de remettre en cause les conclusions de l'expert. Il suit de là que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'intervention chirurgicale était inutile.

6. Il résulte en outre du rapport d'expertise que si le traitement substitutif thyroïdien administré à Mme C... après l'exérèse totale de la thyroïde le 14 septembre 2015 a été sur-dosé puis sous-dosé avant d'être parfaitement adapté à la suite de son hospitalisation le 20 avril 2016 au centre hospitalier d'Aix, le lien de causalité entre les doléances de la patiente - perte des dents, douleurs musculaires, asthénie - et le surdosage thyroïdien n'est pas établi dès lors qu'elle présentait aussi des troubles dus à un déficit vitamino-calcique pérenne et que les symptômes décrits étaient similaires à ceux ayant conduit de nombreuses années avant l'intervention en litige à la reconnaissance d'une invalidité pour " poly-pathologie ". La requérante ne produit aucun avis médical critique de nature à remettre en cause ces conclusions. La responsabilité de l'AP-HM n'est dès lors pas davantage susceptible d'être engagée pour faute dans le dosage de l'opothérapie substitutive thyroïdienne.

Sur l'obligation d'information :

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que peut être déniée l'existence d'une perte de chance. La preuve de la délivrance de l'information peut être apportée par tout moyen.

8. Il résulte du rapport d'expertise qu'une information sur les risques inhérents à l'ablation totale de la glande thyroïdienne a été délivrée à Mme C.... Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, le chirurgien lui a indiqué que si la suspicion de cancer était confirmée par l'analyse histologique définitive, l'intervention serait suivie d'une irathérapie. En l'absence de tout élément de nature médicale susceptible de remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire sur ce point, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été informée de la probabilité que la tumeur qu'elle présentait soit bénigne. C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré, aux points 8 et 9 de son jugement, que la responsabilité de l'AP-HM n'était pas engagée du fait d'un manquement à son obligation d'information.

Sur la solidarité nationale :

9. Il résulte des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 que la requérante n'a pas été victime d'un accident médical ou d'un aléa au sens du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que les conditions d'intervention de la solidarité nationale n'étaient pas réunies et a mis hors de cause l'ONIAM.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise complémentaire, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille de laisser à la charge de Mme C... le montant des frais de l'expertise tels que liquidés par le président de ce tribunal.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme E..., présidente-assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2020.

2

N° 19MA03097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03097
Date de la décision : 26/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : ROSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-26;19ma03097 ?
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