Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de deux ans.
Par un jugement n° 2002212 du 10 avril 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 27 mai 2020 sous le n° 20MA01923, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de renvoyer le dossier au tribunal administratif de Marseille ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que le jugement est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas visé et n'ayant pas répondu aux moyens figurant dans son mémoire ampliatif enregistré le 23 mars 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 27 mai 2020 sous le n° 20MA01924, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement rendu le 10 avril2020 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables, en rendant possible son éloignement ;
- les moyens d'annulation développés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 26 juin 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 9 mars 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a fait obligation à M. A..., ressortissant turc né en 1989, de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans. M. A... fait appel du jugement rendu le 10 avril 2020 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il présente également une requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui sont dirigées contre le même jugement, pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
2. Ainsi que le fait valoir le requérant, le tribunal administratif n'a pas visé le mémoire qu'il avait transmis le 23 mars 2020 et n'a pas répondu aux moyens qu'il comportait alors même qu'il était parvenu avant la clôture de l'instruction. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement du 10 avril 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.
3. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de ce que si M. A... demande à titre principal l'annulation du jugement pour irrégularité, le préfet des Bouches-du-Rhône présente des conclusions au fond, il y a lieu de traiter le litige par la voie de l'évocation et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mars 2020 :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions en litige :
4. L'arrêté attaqué a été signé par Mme G... F..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement du contentieux et de l'asile à la direction des migrations, de l'intégration et de la nationalité de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui a reçu par un arrêté du 28 février 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 13-2020-065 du même jour, délégation de signature à cet effet. Le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L.743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement (...) ". Aux termes du I de l'article L. 723-2 du même code : " L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de M. A... tendant au réexamen de sa demande d'asile, présentée le 10 octobre 2019, à l'issue de son instruction sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été rejetée comme irrecevable en application des dispositions du I et du 5° du III de l'article L. 723-2 du même code par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 octobre 2019, notifiée à l'intéressé le 12 novembre 2019 et, au demeurant, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 21 novembre 2019 notifiée à l'intéressé le 13 janvier 2020. Dès lors, à la date de la décision en litige à laquelle s'apprécie sa légalité, M. A... ne justifiait plus d'un droit à se maintenir sur le territoire français. D'une part, il entrait ainsi dans le champ d'application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel le préfet peut obliger le demandeur d'asile débouté à quitter le territoire. D'autre part, la décision en litige a implicitement mais nécessairement abrogé l'autorisation provisoire qui avait été délivrée à l'intéressé à seule fin de lui permettre de rester en France le temps de l'examen de cette demande. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il était titulaire d'une attestation de demandeur d'asile en cours de validité au jour où le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé de son éloignement.
7. En second lieu, si M. A... déclare être entré en France en 2008, il n'établit pas par les pièces produites l'ancienneté et les conditions de son séjour sur le territoire national alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement exécutée le 21 avril 2019. Il est célibataire et sans enfant à charge. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches en Turquie, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans et où résident son père ainsi que huit membres de sa fratrie, selon ses propres déclarations devant les services de la police aux frontières. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... n'est pas entachée d'une erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".
9. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé sur les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquels l'autorité administrative peut notamment décider qu'un étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français s'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation et que ce risque est regardé comme établi si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il n'est pas en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, M. A... n'était pas en mesure de justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, l'intéressé ayant indiqué lors de son audition par les services de police disposer d'un passeport au domicile de son frère chez qui il serait hébergé. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu sans entacher sa décision ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui accorder un délai pour quitter volontairement le territoire français.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
11. Eu égard à la durée de présence de M. A... sur le territoire français et aux conditions de son séjour en France, dès lors, notamment, qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, et en dépit du fait que sa présence sur le territoire français ne représenterait pas une menace pour l'ordre public, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressé d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2020. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
13. Le présent arrêt statue sur l'appel de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué. Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.
Sur les frais liés aux litiges :
14. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 10 avril 2020.
Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 10 avril 2020 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20MA01923 de M. A... et ses conclusions présentées dans la requête n° 20MA01924 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme E... et Mme D..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
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N° 20MA01923, 20MA01924
mtr