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19/11/2020 | FRANCE | N°19MA05745

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 19 novembre 2020, 19MA05745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 9 mars 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1901752 en date du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2019 et le 16 juillet 2020, M. A... D... représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 9 mars 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1901752 en date du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2019 et le 16 juillet 2020, M. A... D... représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée ou familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande d'admission au séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit en passant sous silence le jugement du 25 janvier 2018 par lequel le juge des tutelles du tribunal d'instance de Nice l'a placé en curatelle renforcée ;

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne pourra pas bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 21 février 2020, M. A... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant tunisien, né le 28 décembre 1990, est entré en France en 2014 muni d'un visa C. Il lui a été délivré le 13 août 2015 un titre de séjour pour raisons médicales d'une durée de six mois renouvelé jusqu'au 4 janvier 2018. M. A... D... en a sollicité le renouvellement, toutefois, au vu de l'avis émis le 7 février 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet des Alpes-Maritimes a refusé, par un arrêté du 9 mars 2019, de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... D... relève appel du jugement du 20 novembre 2019, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. L'appelant ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit que les premiers juges auraient commise pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D... souffre de troubles psychiatriques chroniques. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 7 février 2018, au vu duquel le préfet des Alpes-Maritimes a pris l'arrêté contesté, mentionne que l'état de santé de M. A... D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Si le requérant fait valoir que son état de santé nécessite la poursuite de son traitement sur le territoire français dans la mesure où il ne peut accéder à une prise en charge adaptée de sa pathologie en Tunisie, et si il se prévaut de la délivrance d'un premier titre de séjour en raison de son état de santé, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis précité du collège des médecins du 7 février 2018, que l'offre de soins pour la pathologie dont M. A... D... est atteint existe dans son pays d'origine, nonobstant la circonstance qu'un titre de séjour pour raison médicale lui ait été délivré pour une durée de trente mois à compter du 13 août 2015. Si le requérant produit des certificats médicaux, notamment un certificat en date du 27 mars 2020 du Dr Z., médecin généraliste, selon lequel M. A... D... souffre d'une psychose chronique de type schizophrénique pour laquelle le traitement disponible en Tunisie n'est pas efficace, ces éléments sont insuffisants pour remettre en cause l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII. Au demeurant, il ressort des pièces produites par l'intéressé, et notamment des certificats médicaux établis à Bizerte les 19 septembre 2019 et 27 janvier 2020 par le Dr J, psychiatre, qu'il fait également l'objet d'un suivi médical dans son pays depuis l'année 2011. Par ailleurs, si M. A... D... souffre d'une affection qui a justifié sa mise sous curatelle aggravée par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Nice, qui a désigné par un jugement du 25 janvier 2018 la MSA, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de curateur pour l'assister, il n'est nullement établi qu'un membre de sa famille, qui réside en Tunisie, ou une tierce personne ne puissent lui apporter l'aide nécessaire et que son frère, résidant en France, serait seul en mesure de l'assister. Ainsi, il résulte de ce qui précède qu'en estimant que M. A... D... pourrait effectivement bénéficier de soins adaptés à son état de santé en Tunisie, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas fait une inexacte application du 11 de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Si M. A... D... fait valoir qu'il réside en France depuis mai 2015, que son frère est de nationalité française et qu'il a fait l'objet d'une mesure de curatelle renforcée depuis le mois de janvier 2018, il ressort des pièces du dossier qu'âgé de vingt-neuf ans à la date de cet arrêté, célibataire et sans enfant à charge, l'intéressé a toujours résidé en Tunisie où il faisait l'objet d'un suivi médical jusqu'à son arrivée récente sur le territoire français et y séjourne encore régulièrement. Par ailleurs, il n'y est pas dépourvu d'attaches familiales dans la mesure où ses parents y résident. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. M. A... D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'en fixant le pays de destination, le préfet aurait méconnu les stipulations précitées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Me F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme C... et Mme B..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

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N° 19MA05745

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05745
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CABINET CICCOLINI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-19;19ma05745 ?
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