La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2020 | FRANCE | N°19MA05041

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 19MA05041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis du fait de la contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C dont il a été victime.

Par un jugement n° 1700568 du 20 septembre 2019, le tribunal admin

istratif de Nîmes a, d'une part, condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 2 50...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis du fait de la contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C dont il a été victime.

Par un jugement n° 1700568 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 2 500 euros, sous déduction de la somme de 15 000 euros versée à titre provisionnel en application du jugement avant dire droit du 8 février 2019 et, d'autre part, condamné M. A... B... à rembourser à l'ONIAM le surplus de cette indemnité provisionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, M. G... A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2019 ;

2°) de réformer ce jugement, en son article 1er, pour porter à la somme de 29 453 euros le montant de l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à lui verser en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

3°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu le principe de la réparation intégrale des préjudices ;

- sa contamination ayant contribué à l'aggravation de ses antécédents médicaux, elle est à l'origine d'une perte de chance de poursuivre son activité professionnelle jusqu'à l'âge légal du départ en retraite, dont il sera fait une juste réparation en lui allouant la somme de 10 000 euros ;

- il y a lieu de lui accorder la somme de 4 260 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- il peut prétendre au versement d'une somme de 2 000 euros en réparation des souffrances qu'il a endurées ;

- son préjudice d'anxiété doit être évalué à la somme de 12 833 euros.

Par un mémoire, enregistré le2 juin 2020, l'ONIAM, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il s'en remet à la sagesse de la cour quant à la matérialité de la transfusion de M. A... B... ;

- le tribunal a procédé à une juste indemnisation des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire de M. A... B... ;

- la demande présentée au titre du préjudice d'anxiété est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ; en tout état de cause, M. A... B... invoque les mêmes éléments que ceux dont il fait état au titre des souffrances endurées ;

- les premiers juges seront également confirmés en ce qu'ils ont rejeté la demande tendant à la réparation du déficit fonctionnel permanent, dont la réalité n'est pas établie, ainsi que du préjudice professionnel lié à la perte de l'emploi, qui ne résulte pas de la contamination mais de séquelles antérieures.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611- 7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles présentées par l'ONIAM devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à la condamnation de M. A... B... à rembourser la provision de 15 000 euros allouée par jugement avant-dire droit du 8 février 2019, eu égard à la possibilité pour l'office de poursuivre directement le recouvrement de sa créance par voie de titres exécutoires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement avant dire droit du 8 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à verser à M. A... B... une indemnité provisionnelle de 15 000 euros au titre des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C dont il a été victime, qui devait être regardée comme étant imputable aux transfusions de produits sanguins qui lui avaient été administrés en 1986 au cours d'une intervention chirurgicale au centre hospitalier de Pertuis. M. A... B... relève appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal a condamné l'ONIAM à lui verser une somme de 2 500 euros en réparation de ses préjudices, et l'a condamné à rembourser à l'ONIAM le surplus de l'indemnité provisionnelle allouée, soit 12 500 euros.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'ONIAM :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

3. Le chef de préjudice relatif au préjudice d'anxiété dont M. A... B... demande réparation en appel se rattache au même fait générateur que les conséquences dommageables dont il a demandé la réparation en première instance, pour un montant total de 60 000 euros. Par suite, et alors que ses prétentions indemnitaires en appel ne dépassent pas ce montant, la fin de non-recevoir opposée par l'ONIAM doit être écartée.

Sur les conclusions indemnitaires de M. A... B... :

4. Il résulte de l'instruction que c'est à bon droit que les premiers juges ont imputé l'hépatite C dont M. A... B... a souffert jusqu'au 7 mars 2017 aux transfusions dont il a bénéficié le 21 décembre 1986 au centre hospitalier de Pertuis.

5. En premier lieu, il résulte tant du rapport d'expertise du docteur Garban que des autres avis médicaux versés à l'instruction que l'hépatite C de M. A... B... n'est à l'origine d'aucune incapacité de travail et que l'intéressé n'a été contraint de cesser son activité professionnelle qu'à cause d'un accident de la voie publique subi au cours de l'année 1998, dont il conserve une incapacité permanente de 40%, et d'un syndrome dépressif sévère consécutif à cet accident. Il s'ensuit que M. A... B... n'est pas fondé à demander une indemnité au titre de l'incidence professionnel.

6. En deuxième lieu, il résulte du rapport d'expertise que M. A... B... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 4% jusqu'à la date de sa guérison, le 7 mars 2017. Ainsi, l'intéressé est fondé à soutenir qu'en fixant l'indemnité allouée à ce titre à la somme de 1 500 euros, les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de son préjudice. Il y a lieu de lui accorder, à ce titre une indemnité d'un montant de 4 000 euros.

7. En troisième lieu, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice résultant des souffrances temporaires endurées par M. A... B... en le fixant à la somme de 1 000 euros.

8. En dernier lieu, de la date de la révélation de sa contamination au mois d'octobre 2010, jusqu'à la date du constat de sa guérison le 7 mars 2017, M. A... B... a pu légitiment éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient en résulter. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi de ce fait en lui allouant une somme de 7 000 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à lui verser soit portée à la somme de 12 000 euros.

Sur les conclusions reconventionnelles présentées en première instance par l'ONIAM :

10. Il résulte des dispositions de l'article R. 1142-53 du code de la santé publique que l'ONIAM peut émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de toute créance dont le fondement se trouve dans les dispositions d'une loi, d'un règlement ou d'une décision de justice, ou dans les obligations contractuelles ou quasi-délictuelles du débiteur. Il suit de là que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'ONIAM n'est pas recevable à demander au juge administratif de condamner M. A... B... à lui rembourser le montant de l'indemnité provisionnelle allouée par le jugement avant dire droit du 8 février 2019, sous déduction des indemnités définitivement accordées par le jugement attaqué. M. A... B... est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont, par l'article 2 du jugement attaqué, condamné à rembourser à l'ONIAM une somme de 12 500 euros. Il y a lieu, dans ces conditions, d'annuler l'article 2 de ce jugement et, statuant par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter comme irrecevables les conclusions reconventionnelles présentées en première instance par l'ONIAM.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'ONIAM à verser une somme de 2 000 euros à M. A... B..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1700568 du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de l'ONIAM présentées à titre reconventionnel devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à la condamnation de M. A... B... à rembourser le montant de la provision allouée par le jugement avant dire droit du 8 février 2019 de ce même tribunal sont rejetées.

Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à M. A... B... une somme de 12 000 euros.

Article 4 : L'article 1er du jugement n° 1700568 du 20 septembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : L'ONIAM versera à M. A... B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... B... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme H..., présidente-assesseure,

- M. D..., conseiller.

Lu en audience public le 12 novembre 2020.

2

N° 19MA05041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05041
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELAS PHILAE ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-12;19ma05041 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award