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10/11/2020 | FRANCE | N°20MA01499

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 10 novembre 2020, 20MA01499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, des finances, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre.

Par un jugement n° 1607459, 1610064, 1703184 du 25 septembre 2017, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour avant renvoi :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 novembre 2017 et le 25 o

ctobre 2018, M. B..., représenté par Me F..., a demandé à la Cour :

1°) d'annuler le jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, des finances, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre.

Par un jugement n° 1607459, 1610064, 1703184 du 25 septembre 2017, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour avant renvoi :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 novembre 2017 et le 25 octobre 2018, M. B..., représenté par Me F..., a demandé à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2017 rejetant sa demande d'annulation de la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre ;

2°) d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé la sanction disciplinaire de révocation à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la société Orange, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de le réintégrer dans son emploi et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il a soutenu que :

- la procédure suivie est irrégulière, certaines propositions de sanction moins sévères n'ayant pas été mises au vote en méconnaissance de l'article 8 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- la décision de révocation est entachée d'erreur d'appréciation.

Par des mémoires, enregistrés les 28 mai, 11 octobre et 8 novembre 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il a fait valoir que les moyens soulevés par M. B... n'étaient pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 23 août 2018, la société Orange, représentée par Me D..., a conclu, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions à fin d'injonction et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle a fait valoir que les moyens soulevés par M. B... n'étaient pas fondés.

Par un arrêt n° 17MA04542 du 11 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et l'arrêté du 4 janvier 2016 du ministre de l'économie, des finances, de l'industrie et du numérique et a enjoint audit ministre et à la société Orange de réintégrer avec effet rétroactif M. B... et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux dans un délai de deux mois.

Par une décision n° 427868, 427985 du 27 mars 2000, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur pourvoi de la société Orange et du ministre de l'économie et des finances, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 décembre 2018 et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par des mémoires, enregistrés les 30 avril et 16 août 2020, la société Orange, représentée par Me D..., conclut à nouveau, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions à fin d'injonction et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de M B... une somme portée à 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2020, M. B..., représenté par Me F..., conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 23 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2004-980 du 17 septembre 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant M. B..., et de Me D..., représentant la société Orange.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 4 janvier 2016, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a prononcé à l'encontre de M. B..., assistant social d'entreprise à la direction d'Orange Sud-Est, la sanction disciplinaire de révocation. Par un jugement du 25 septembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 11 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement, ensemble l'arrêté du 4 janvier 2016, enjoint au ministre de l'économie et des finances et à la société Orange de réintégrer avec effet rétroactif M. B... et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux, dans un délai de deux mois. Par une décision n° 427868, 427985 du 27 mars 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur pourvoi de la société Orange et du ministre de l'économie et des finances, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 décembre 2018 au motif que, eu égard à la gravité du manquement commis par l'intéressé aux obligations de probité et d'intégrité requises dans l'exercice de ses fonctions, toutes les sanctions moins sévères que la sanction prononcée et susceptibles de lui être infligées en application de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, étaient, en raison de leur caractère insuffisant, hors de proportion avec les fautes qu'il avait commises et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 17 septembre 2004 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de France Télécom devenue la société Orange : " ... le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elles recueille un tel accord. (...) Dans l'hypothèse où aucune des propositions soumises au conseil de discipline, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n'obtient l'accord de la majorité des membres présents, le conseil est considéré comme ayant été consulté et ne s'étant prononcé en faveur d'aucune de ces propositions... ".

3. Il ressort des mentions claires et précises du procès-verbal de la commission administrative paritaire siégeant en matière disciplinaire qui s'est réunie le 8 juillet 2015, appelée à donner un avis sur le prononcé d'une éventuelle sanction à l'encontre de M. B..., que le président a mis aux voix successivement toutes les sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires, en commençant par la plus sévère, la " révocation pour abus sexuel, relation sexuelle dans l'exercice de ses fonctions d'Assistant Social d'Entreprise, au domicile d'une salariée en accompagnement social et en situation de faiblesse, ainsi que mise en danger de l'équilibre psychologique de cette personne ", qui a reçu trois voix pour et trois abstentions, ensuite la " révocation pour relation sexuelle dans l'exercice de ses fonctions d'Assistant Social d'Entreprise, au domicile d'une salariée en accompagnement social et en situation de faiblesse", qui a reçu trois voix pour et trois voix contre, puis " l'exclusion temporaire de fonction pour une durée de dix-huit mois pour relation sexuelle dans l'exercice de ses fonctions d'Assistant Social d'Entreprise, au domicile d'une salariée en accompagnement social et en situation de faiblesse" qui a également reçu trois voix pour et trois voix contre et enfin, toutes les autres propositions de sanctions y compris l'absence de sanction qui ont été rejetées à l'unanimité. Dans ces conditions, le requérant, qui se borne à soutenir que certaines propositions n'auraient pas été mises au vote sans produire aucun élément à l'appui de son allégation, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 4 janvier 2016 est entaché d'un vice de procédure.

4. En second lieu, en vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et, enfin, du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courriel adressé par M. B... à ses collègues le 9 mai 2015 et de ses déclarations devant le conseil de discipline, que l'intéressé, qui comme il a été dit au point 1 exerçait les fonctions d'assistant social d'entreprise au sein de la direction Orange sud-est, a eu le 16 décembre 2010 une relation sexuelle avec une salariée de l'entreprise, à son domicile. Cette salariée était alors en situation de vulnérabilité puisqu'elle se trouvait en attente de reprise d'activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, après avoir été placée en congé de longue maladie pendant seize mois pour un état dépressif suite au décès de ses parents, et qu'elle connaissait des difficultés financières dans la mesure où elle ne percevait qu'un demi-traitement l'ayant conduite à solliciter à cette époque auprès de son employeur le bénéfice d'une aide financière afin de régler sa taxe d'habitation. Un tel fait présente un caractère fautif, alors même qu'il s'agirait d'une relation sexuelle consentie qui aurait eu lieu en dehors des heures de service, eu égard à la nature de ses fonctions et à la situation de vulnérabilité de Mme G..., laquelle persistait quand bien même l'intéressée aurait effectivement obtenu le bénéfice de l'aide financière qu'elle sollicitait quelques jours avant cette relation. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... a, le 11 septembre 2012, essayé d'embrasser une collègue en accompagnement social dans son bureau, fait pour lequel il a été sanctionné par un blâme. En outre, nonobstant les attestations de collègues, y compris féminins, faisant état d'un comportement irréprochable à leur égard produit par le requérant, il est établi par les pièces du dossier et en particulier par le rapport établi le 1er juin 2015 par la responsable de son service que M. B... a eu à plusieurs reprises un comportement déplacé vis-à-vis de collègues de sexe féminin, ce qui a nécessité à plusieurs reprises une réorganisation du service. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité des manquements commis par M. B... aux obligations de probité et d'intégrité requises dans l'exercice de ses fonctions ainsi qu'à leur caractère répétitif, le ministre de l'action et des comptes publics n'a pas prononcé une sanction disproportionnée avec les fautes commises en infligeant à M. B... la sanction de la révocation.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Orange, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du requérant une somme de 1 000 euros à verser à la société Orange en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la société Orange une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la société Orange et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme A..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

N° 20MA01499 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01499
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SEMERIVA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-10;20ma01499 ?
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