Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 ainsi que la mainlevée des saisies conservatoires prises en application d'une ordonnance du juge de l'exécution de Tarascon le 11 décembre 2014.
Par un jugement n° 1604641 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2019, le 17 janvier 2020 et le 12 février 2020, Mme D... représentée par la SCP d'avocats SAMH et Leperre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration n'établit ni l'existence d'un écart significatif entre le prix de vente convenu et la valeur vénale du bien cédé, ni l'intention pour la société Acanthe Immo de lui consentir une libéralité ;
- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, il n'est pas établi que les travaux réalisés par la société Acanthe Immo auraient concouru à transformer l'immeuble en immeuble neuf, au sens de l'article 257-7° du code général des impôts ;
- la majoration de base de 1,25 ne pouvait être appliquée, compte tenu des décisions rendues par le conseil constitutionnel les 10 février et 7 juillet 2017 ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas suffisamment motivées et ne sont pas fondées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2019, le 24 janvier 2020 et le 18 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que :
- conformément à la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, un dégrèvement a été prononcé en cours d'instance concernant la majoration de base de 1,25 appliquée aux contributions sociales ;
- pour le surplus, les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Acanthe Immobilier a cédé le 3 mars 2009 à la SCI Le Hangar, dont Mme D... était l'associée unique, un ensemble immobilier sis sur la commune de Saint-Rémy-de-Provence pour un montant total de 400 000 euros. Dans le cadre d'une vérification de comptabilité de la SARL Acanthe Immobilier, l'administration a estimé que le prix de vente de cet ensemble immobilier était sous-évalué pour un montant total porté à 1 525 529 euros TTC, soit un écart de 1 125 529 euros. L'administration a également procédé à un examen de situation fiscale personnelle de Mme D... portant notamment sur l'année 2009. A l'issue de ces contrôles, par proposition de rectification du 19 décembre 2012, établie selon la procédure contradictoire, l'administration a estimé que la SARL Acanthe Immobilier avait consenti une libéralité à Mme D... qu'elle a en conséquence imposée en tant que revenu distribué entre ses mains sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. Ces rehaussements ont été assortis des intérêts de retard et des pénalités de 40 % pour manquement délibéré. En réponse aux observations du contribuable, la valeur vénale des droits immobiliers retenue par l'administration a été réduite à la somme de 700 000 euros, ramenant ainsi l'écart à 300 000 euros TTC. Mme D... fait appel du jugement du 23 novembre 2018 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009.
Sur les conclusions aux fins de décharge des droits et pénalités correspondant à la majoration de coefficient de 1,25 appliquée aux prélèvements sociaux :
2. Par décision du 3 avril 2019, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé le dégrèvement des sommes de 11 135 euros en droits et 4 719 euros en pénalités au titre de l'année 2009, correspondant à la majoration de coefficient de 1,25 appliquée aux prélèvements sociaux. Les conclusions de la requête de Mme D... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :
En ce qui concerne l'existence d'une libéralité consentie à la SCI Le Hangar :
3. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions, citées ci-dessus, du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
4. L'administration fait valoir que le bâtiment en litige, initialement à usage d'atelier et de bureau, comportait neuf appartements, dont celui occupé par la requérante d'une surface de 250 m², et qu'il a fait l'objet de travaux, en partie financés par la SARL Acanthe Immobilier portant notamment sur ce dernier appartement. Pour déterminer la valeur vénale du bien cédé, le vérificateur a utilisé une méthode comparative en se référant à quatre cessions, intervenues entre janvier 2007 et décembre 2008 sur la commune de Saint-Rémy-de-Provence, de biens immobiliers dont il a estimé qu'ils présentaient des caractéristiques similaires aux biens en litige et a constaté que le prix moyen au m² auquel ces ventes étaient intervenues s'établissait à 2 253 euros, soit un prix nettement supérieur à celui de la cession litigieuse réalisée à un prix de 364 euros le m² compte tenu d'une surface pondérée de 1 100 m². Il a également procédé à une réfaction de 653 505 euros afin de tenir compte des travaux restant à réaliser au moment de la vente sur les lots 2 à 9, aboutissant à une valeur vénale TTC retenue de 1 824 795 euros, soit un prix de 1 659 euros le m². Enfin, afin de tenir compte de l'avis rendu par la commission départementale des impôts le 26 juin 2014, sur saisine de la SARL Acanthe Immobilier en ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à la charge de cette dernière du fait de cette cession, qui a relevé le caractère atypique de l'immeuble en litige, ses contraintes et les incertitudes liées aux diverses autorisations administratives et au déroulement des travaux à venir, la valeur vénale du bien a été ramenée à une somme de 700 000 euros TTC, soit 636 euros le m².
5. Mme D... soutient qu'à la date de la cession, seul un appartement de 150 m² - et non de 250 m² - était déjà aménagé, le reste de l'immeuble demeurant un vaste hangar qui n'a été transformé qu'à la suite des travaux pris en charge ultérieurement par la SCI Le Hangar. Elle soutient, en conséquence, que les termes de comparaison choisis par l'administration ne sont pas pertinents dès lors qu'ils se rapportent à des appartements d'habitation achevés, non comparables en termes de type, de superficie et de composition.
6. Il résulte de l'instruction que la SARL Acanthe Immobilier a vendu le 3 mars 2009 à la SCI Le Hangar, ainsi que cela ressort de l'acte de vente, un ensemble immobilier composé d'" un bâtiment à usage d'atelier et de bureaux divisé en volumes en parfait état d'usage " sis avenue de la Libération à Saint-Rémy-de-Provence, d'une surface de 1 196 m² pour un montant total de 400 000 euros. Il ressort également de la proposition de rectification, non utilement contredite sur ce point, que le permis de construire sollicité par la SCI Le Hangar le 23 avril 2008, accordé en septembre 2008, pour transformer cet immeuble portait sur la réalisation de sept logements sur deux niveaux en duplex, dont six logements locatifs et un destiné au maître d'ouvrage, et que dès mai 2008, des procès-verbaux d'infraction étaient dressés par les services municipaux pour début des travaux sans autorisation, notamment la pose de menuiseries extérieures. Mme D... soutient qu'à la date de la cession, seul un appartement de 150 m² et non de 250 m² était déjà aménagé, en vue de son installation, le reste de l'immeuble demeurant un vaste hangar qui n'a été transformé qu'à la suite des travaux pris en charge ultérieurement par la SCI Le Hangar. Toutefois, d'une part, elle ne justifie pas avoir réalisé des travaux supplémentaires dans l'appartement en cause, en sus de ceux pris en charge par la SARL Acanthe Immobilier et qui auraient eu pour effet de porter sa superficie de 150 m² à 250 m². L'administration fait par ailleurs valoir, sans être utilement contredite par la seule production d'une attestation d'assurance et d'une facture d'équipement électrique qui ne permettent pas d'établir la surface de cet appartement, que Mme D... a déclaré auprès du service du centre des impôts fonciers une superficie de 250 m². D'autre part, il ressort de la réponse aux observations du contribuable, non utilement contredite, que dès janvier 2009, il était facturé des travaux de pose de douze velux, trente-cinq portes de communication, neuf portes palières, tuiles chatières, neuf baies vitrées, neuf fenêtres notamment, impliquant que les travaux sur les ouvertures extérieures et les huisseries avaient déjà été réalisés. Enfin, si Mme D... fait valoir que l'ensemble immobilier en litige a été mis en vente sans succès pendant six ans, les pièces produites ne sont pas datées. Dans ces conditions, alors que le prix au m² retenu pour un appartement à Saint-Remy-de-Provence en 2009 n'est pas utilement contesté, eu égard à la valeur vénale de l'appartement occupé par la requérante localisé en plein centre-ville dans une impasse tranquille, valorisée à 628 587 euros, et aux autres éléments de cet ensemble immobilier, dans lequel la SARL Acanthe Immobilier avait réalisé a minima des travaux de transformation sur les ouvertures, l'administration établit l'existence d'une sous-estimation du prix de cession convenu avec la SCI Le Hangar. En outre, cette sous-estimation constitue un écart significatif, soit 57 % du prix de cession, entre le prix convenu et la valeur vénale des biens cédés, telle que retenue en dernier lieu à hauteur de 700 000 euros TTC. Enfin, alors que la SCI Le Hangar et la SARL Acanthe Immobilier, dans laquelle était notamment associé le compagnon de la requérante à hauteur de 20 % et gérée par la mère de ce dernier, sont en relation d'intérêt, M. E... ayant par ailleurs été associé de la SCI jusqu'au 12 février 2009, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence d'une libéralité consentie au profit de Mme D....
En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :
7. L'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. / Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. / 1. Sont notamment visés : / b) Les ventes d'immeubles (...) / 2. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables : / aux opérations portant sur des immeubles ou parties d'immeubles qui sont achevés depuis plus de cinq ans (...) ". Aux termes de l'article 258 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur : " Pour l'application du 7° de l'article 257 du code général des impôts, un immeuble ou une fraction d'immeuble est considéré comme achevé lorsque les conditions d'habitabilité ou d'utilisation sont réunies ou en cas d'occupation, même partielle, des locaux, quel que soit le titre juridique de cette occupation. La date de cet achèvement et la nature de l'événement qui l'a caractérisé sont obligatoirement mentionnées dans les actes constatant les mutations. ".
8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'absence d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.
9. Mme D... n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du 7° 1 c) de l'article 257 du code général des impôts dans leur rédaction applicable, qui se rapportent à une opération de livraison à soi-même dont ne relève pas la cession en litige. En outre, aucune taxe sur la valeur ajoutée ne lui étant réclamée, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit précédemment, il résulte de l'instruction qu'à la date de cette cession, l'immeuble acquis par la SCI Le Hangar avait fait l'objet d'une partie des travaux de transformation destinés à la réalisation d'appartements d'habitation et était en état d'être habité. Dès lors, la cession en litige ayant porté sur des parties d'immeubles achevées depuis moins de cinq ans, elle devait être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition restant en litige au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur les pénalités :
11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ".
12. La proposition de rectification adressée à la requérante mentionne expressément, dans un paragraphe spécifiquement consacré aux pénalités, le fondement juridique de la majoration appliquée, les motifs de fait et de droit qui la fondent ainsi que son taux de 40 %. Elle précise que le contrôle a permis de mettre en évidence une minoration significative du prix de vente de l'immeuble qui, compte tenu de sa nature et de son importance, ne peut être la conséquence d'une simple erreur matérielle et implique, pour la SCI Le Hangar et son associée unique, la connaissance des faits. Par suite, l'administration fiscale a suffisamment motivé les pénalités appliquées à Mme D....
13. Enfin, en faisant valoir que Mme D... ne pouvait ignorer que la SARL Acanthe Immobilier lui a vendu l'immeuble en litige à un prix anormalement bas, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de la volonté de Mme D... d'éluder l'impôt. Dans ces conditions, le caractère intentionnel de la minoration et la volonté d'éluder l'impôt sont établis. Par suite, l'administration fiscale justifie l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la requête de Mme D... à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration et précisés au point 2 du présent arrêt.
Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme F..., présidente assesseure,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.
8
N° 19MA00383