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05/11/2020 | FRANCE | N°19MA00381

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 05 novembre 2020, 19MA00381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ainsi que la mainlevée des saisies conservatoires prises en application d'une ordonnance du juge de l'exécution de Tarascon le 11 décembre 2014.

Par un jugement n° 1704762 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille après avoir c

onstaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande à hauteur des dégrèvemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ainsi que la mainlevée des saisies conservatoires prises en application d'une ordonnance du juge de l'exécution de Tarascon le 11 décembre 2014.

Par un jugement n° 1704762 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance par l'administration, a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 janvier 2019, le 11 août 2019 et le 10 septembre 2019, Mme E... représentée par la SCP d'avocats SAMH et Leperre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne pouvait être regardée comme seule maître de l'affaire ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 juin 2019 et le 5 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL La Prod, qui exploitait une brasserie à Saint-Rémy-de-Provence et dont Mme E... était associée à hauteur de 2 %, portant notamment sur l'exercice clos en 2011, l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité de l'établissement comme non probante, a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de cet exercice. Il en est résulté un rehaussement du bénéfice imposable de la société. Le service, qui a estimé que Mme E... était gérante de fait de la société et seule maître de l'affaire, a tiré les conséquences de ce contrôle en regardant les rehaussements de recettes comme des revenus distribués entre ses mains sur le fondement des dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts. Mme E... fait appel du jugement du 23 novembre 2018 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

3. En cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Est qualifiée de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds.

4. Pour apporter la preuve, qui lui incombe dès lors que Mme E... a refusé les rectifications en litige, de ce que cette dernière devait être regardée comme seule maître de l'affaire, l'administration fait valoir qu'elle formait une communauté d'intérêts avec son compagnon M. F..., qui détenait 49 % des parts sociales de la SARL La Prod, qu'elle a exercé des fonctions analogues à celles d'un gérant statutaire en étant désignée comme représentante légale de la SARL sur les documents bancaires rédigés par la banque LCL, en ayant la signature sur les comptes bancaires de la SARL et sur les documents l'engageant comme un contrat bancaire du 5 janvier 2011, en recevant les relevés bancaires, en disposant d'un pouvoir de gestion (règlement des factures fournisseurs, versement des espèces, chèques en banque), en signant seule la lettre de mission du cabinet comptable le 17 janvier 2011 et en étant son interlocuteur par la suite, en établissant les tableaux Excel mensuels de recettes et de solde de caisse pour transmission au cabinet comptable, en rédigeant et signant les déclarations fiscales au nom de la SARL, en signant seule des déclarations d'aide à l'embauche de Pôle Emploi le 3 août 2012, en disposant du pouvoir de décision sur les salariés de la SARL La Prod (convocation de quatre salariés, rédaction de contrats de travail, règlement des salaires des employés), en étant destinataire des courriers et messages adressés à la SARL La Prod par différents organismes (message du 14 mars 2011 adressé par gestion@gpam.fr, avis de versement de régularisation Pôle Emploi, Groupe Mornay du 3 octobre 2011), en procédant au dépôt au greffe du tribunal de commerce des documents liés aux comptes annuels clos le 31 décembre 2011 pour la SARL La Prod, certifiés conformes à l'original et avec la signature imitée du gérant statutaire. L'administration a également tenu compte de l'absence d'implication du gérant de droit, M. D..., dans la gestion de l'affaire.

5. Il ressort toutefois de la proposition de rectification du 22 avril 2014 adressée à la SARL La Prod que M. D... a reconnu que M. F... comme lui-même géraient les embauches et les licenciements et possédaient une " clé manager ", permettant d'accéder à toutes les fonctionnalités de caisse, y compris celle permettant de revenir sur une note. M. D... précisait devant le service avoir travaillé durant la période contrôlée le jeudi soir, le vendredi et le week-end. En outre, Mme E... produit pour la première fois en appel plusieurs attestations de salariés de la SARL La Prod confirmant que M. D... gérait les embauches ainsi que le paiement des salaires ainsi que des attestations de fournisseurs de matériels et de boissons indiquant que Mme E... n'a jamais participé aux négociations et à l'acceptation des produits. Il résulte en outre de l'instruction que M. D... était le seul titulaire de la carte bancaire associée aux comptes de la société. Enfin, Mme E... fait valoir sans être contredite que M. D... disposait des recettes en numéraires de l'établissement et produit à cet égard un procès-verbal de gendarmerie de 2011 mentionnant qu'il s'était fait dérober à son domicile des billets de banque pour une valeur totale de 8 000 euros. Par suite, M. D... ne peut être regardé comme s'étant totalement désintéressé de la gestion de l'affaire, ni comme ayant renoncé à exercer ses droits dans la société. Dans ces conditions, les autres éléments dont fait état l'administration ne suffisent pas à établir que Mme E... disposait sans contrôle des fonds sociaux. Dès lors, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve que la requérante se comportait en maître de l'affaire et devait ainsi être présumée comme seule bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme E... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : Mme E... est déchargée des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à Mme E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme G..., présidente assesseure,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

4

N° 19MA00381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00381
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SCP SAMH et LEPERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-05;19ma00381 ?
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