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02/11/2020 | FRANCE | N°18MA04694

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 02 novembre 2020, 18MA04694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un premier acte introductif d'instance, Mme E... C... épouse K... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner solidairement l'Etat et la commune de Grasse à lui verser la somme de 136 560 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation d'intérêts, ainsi qu'un euro symbolique supplémentaire à la charge de la commune de Grasse, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du refus de renouveler l'autorisation de jeux du casino de Grasse.

Par un second acte intro

ductif d'instance, Mme K... a demandé au tribunal administratif de déclarer non...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un premier acte introductif d'instance, Mme E... C... épouse K... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner solidairement l'Etat et la commune de Grasse à lui verser la somme de 136 560 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation d'intérêts, ainsi qu'un euro symbolique supplémentaire à la charge de la commune de Grasse, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du refus de renouveler l'autorisation de jeux du casino de Grasse.

Par un second acte introductif d'instance, Mme K... a demandé au tribunal administratif de déclarer non avenu son jugement n° 1405204 du 3 octobre 2017 par lequel il a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par la SA du casino de Grasse à l'encontre de la décision du 29 décembre 2014 refusant de renouveler l'autorisation de jeux dont la société était titulaire.

Par un jugement nos 1601854 et 1704933 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de Mme K... après les avoir jointes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 novembre 2018 et le 20 septembre 2019, Mme K..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Grasse, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à lui verser la somme de 136 560 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation d'intérêts, ainsi qu'un euro symbolique supplémentaire à la charge de la commune de Grasse

2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Grasse la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire en s'appropriant les écritures du ministre en défense ;

- il a dénaturé certains passages de ses écritures ;

- son jugement est entaché d'une erreur matérielle ;

- le refus de renouvellement de l'autorisation de jeux est illégal, dès lors qu'il constitue en réalité une sanction qui aurait due être édictée sur le fondement de l'article R. 321-30 du code de la sécurité intérieure ;

- le ministre ne pouvait se fonder sur le rapport du service central des courses et jeux ;

- l'Etat a commis une faute en laissant le groupe Boucau abandonner la gestion du casino ;

- le service central des courses et jeux aurait du conduire une enquête sur l'origine des fonds d'un individu douteux s'étant impliqué dans la gestion de l'établissement ;

- l'absence d'un texte réglementaire permettant une telle enquête est également à l'origine d'une faute ;

- des procédures pénales ont été engagées pour banqueroute et pour la corruption d'une fonctionnaire de police ;

- la décision du 29 décembre 2014 est en réalité fondée sur des manquements reprochés à cet individu douteux ;

- la faute commise par la commune de Grasse dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de surveillance " tombe sous le sens ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de Mme K....

Il soutient que les moyens soulevés par Mme K... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2019, la commune de Grasse, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par Mme K... ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme K... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2019 par une ordonnance du 23 septembre 2019.

Un mémoire présenté pour Mme K... a été enregistré le 29 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. I...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Grasse.

Deux notes en délibéré présentées pour Mme K... ont été enregistrées les 13 et 19 octobre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 décembre 2011, le ministre de l'intérieur a accordé à la SA du casino de Grasse une autorisation d'exploitation de jeux d'argent et de hasard jusqu'au 31 décembre 2014. Le ministre a ensuite refusé de renouveler cette autorisation par une décision du 29 décembre 2014. La SA du casino de Grasse a formé un recours pour excès de pouvoir contre cette décision, que le tribunal administratif de Nice a rejeté par un jugement n° 1405204 du 3 octobre 2017.

2. Mme K..., qui travaillait au sein du casino depuis le 17 avril 1996, fait valoir qu'elle a été licenciée le 31 mars 2015 et admise à faire valoir ses droits à la retraite à la suite de la fermeture du casino. Par le jugement attaqué, en date du 25 septembre 2018, le tribunal administratif a rejeté la tierce opposition qu'elle a formée à l'encontre du jugement du 3 octobre 2017 et ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat et la commune de Grasse.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le tribunal administratif a statué au terme d'une procédure contradictoire sans se borner à s'approprier les écritures du ministre de l'intérieur en défense, contrairement à ce que soutient Mme K....

4. En deuxième lieu, si le jugement attaqué mentionne à une occasion dans ses visas la commune de Cannes en lieu et place de la commune de Grasse, cette erreur de plume est sans incidence sur sa régularité.

5. En troisième lieu, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les écritures de Mme K... en première instance, qui compte tenu de leur rédaction, nécessitaient un effort d'interprétation, en retenant notamment qu'elle faisait valoir que le ministre de l'intérieur aurait dû constater que la cession des parts de la SA du casino de Grasse n'aurait pas dû être enregistrée fiscalement, d'une part, et que l'autorité administrative aurait dû constater qu'un individu impliqué dans cette cession ne bénéficiait pas d'un agrément, d'autre part.

Sur le bien-fondé du rejet de la tierce opposition :

6. L'article R. 832-1 du code de justice administrative dispose que : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. "

7. Le jugement n° 1405204 du 3 octobre 2017 se limite à rejeter le recours pour excès de pouvoir formé par la SA Casino de Grasse à l'encontre de la décision ministérielle du 29 décembre 2014. Un tel jugement de rejet, qui laisse les choses en l'état, est insusceptible de préjudicier aux droits des personnes demeurées étrangères à l'instance. Ce motif suffit à lui seul pour rendre irrecevable la tierce opposition formée par Mme K... à l'encontre de ce jugement. En outre, le tribunal administratif, n'avait pas à informer les parties de ce qu'un moyen était susceptible d'être soulevé d'office sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative pour retenir l'irrecevabilité de la tierce opposition, dès lors qu'une fin de non-recevoir avait été soulevée sur ce point en défense.

Sur la responsabilité de l'Etat :

8. La décision ministérielle du 29 décembre 2014 est fondée sur cinq motifs : l'exercice illégal de la fonction de directeur responsable d'un casino par un cadre avant que celui-ci ait été agréé en tant que tel, l'intervention irrégulière des membres de la direction dans le fonctionnement des machines à sous, l'absence d'un membre du comité de direction pour assurer l'intérim du directeur responsable, le non respect des conditions de contrôle des entrées, y compris par des membres du comité de direction auquel il est prohibé de cumuler leurs fonctions avec celles d'employé de jeux, et le défaut d'enregistrement d'un joueur gagnant et du bon de paiement correspondant.

9. Le ministre de l'intérieur n'a pas suspendu ou révoqué, sur le fondement de l'article R. 321-30 du code de la sécurité intérieure, l'autorisation d'exploitation de jeux d'argent et de hasard dont la SA du casino de Grasse était titulaire jusqu'au 31 décembre 2014, mais refusé de délivrer une nouvelle autorisation pour la période courant à compter du 1er janvier 2015. Le ministre pouvait légalement se fonder sur des manquements à la réglementation des jeux pour refuser de renouveler une telle autorisation, sous réserve d'avoir mis le demandeur à même de faire valoir ses observations - ce que le ministre a fait par un courrier du 11 décembre 2014.

10. La circonstance que le rapport établi par le service central des courses et jeux le 20 novembre 2014 ait recommandé la " révocation " de l'autorisation de la société ne faisait pas obstacle à ce que le ministre s'appuie sur les faits relatés dans ce rapport pour refuser de renouveler cette même autorisation.

11. La légalité des motifs de la décision du 29 décembre 2014, rappelés au point 8 n'est pas contestée dans le cadre de la présente instance. Contrairement à ce que soutient Mme K..., il ne résulte pas de l'instruction que le ministre se soit fondé sur d'autres motifs que ceux énoncés, quand bien même d'autres faits auraient été évoqués dans le rapport précité du 20 novembre 2014. Les manquements retenus caractérisaient la déficience du fonctionnement général de l'établissement de jeux. Mme K... indique elle-même que le contexte de cet établissement était propice à la commission d'infractions de droit commun. Elle a d'ailleurs déposé une plainte auprès du tribunal de grande instance de Grasse faisant état de nombreux autres dysfonctionnements. Ces manquements à la réglementation des jeux, pris ensemble, justifiaient de refuser de renouveler l'autorisation dont bénéficiait la SA du casino de Grasse.

12. La SA Financière Michel Boucau, qui était propriétaire du casino, s'est engagée par un protocole d'accord du 17 mars 2014 à céder la totalité de ses actions à la Holding Family Finances, dont le gérant est M. B... H..., et à M. J... F.... Selon Mme K..., cette cession n'aurait pas été réalisée. Il résulte de l'instruction que M. H... et M. F... ont pris la direction de l'établissement au mois de juin 2014, en fait si ce n'est en droit. Contrairement à ce que soutient Mme K..., les pouvoirs que le ministre tient de la police administrative des jeux ne l'habilitaient pas à s'ingérer directement dans la gestion de l'établissement. L'Etat n'a ainsi pas commis de faute en " laissant le groupe Boucau abandonner la gestion de la SA Casino de Grasse ".

13. Mme K..., tout en faisant valoir que ce projet de cession des parts sociales n'aurait pas été réalisé, soutient que le service central des courses et jeux aurait dû conduire des investigations plus précoces en juin et en juillet 2014, ainsi que des investigations supplémentaires sur M. H..., sa société et l'origine de ses fonds. Il ne résulte cependant pas de l'instruction que de telles investigations auraient conduit à une autre décision sur le refus de renouvellement de l'autorisation dont la SA du casino de Grasse était titulaire. Le lien de causalité avec le préjudice dont l'indemnisation est demandée n'est donc en tout état de cause pas établi.

14. Enfin, le fait que des procédures pénales aient été initiées pour des faits de banqueroute et de corruption n'entraîne pas par lui-même l'illégalité de la décision ministérielle du 29 décembre 2014. Ni la commission d'agissements fautifs, ni le lien de causalité entre ces circonstances et les préjudices invoqués par Mme K... ne ressortent des pièces du dossier. La responsabilité de l'Etat n'est dès lors pas engagée.

Sur la responsabilité de la commune de Grasse :

15. Mme K... se borne à soutenir en appel que la faute qu'aurait commise la commune de Grasse dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de surveillance " tombe sous le sens ", sans assortir ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Elle se borne en réplique à polémiquer sur le contenu du mémoire en défense de la commune sans établir l'existence d'une faute, en reconnaissant même que son argumentation ne permet pas de fonder la condamnation de la commune. La responsabilité de la commune de Grasse n'est en conséquence pas engagée.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme K... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

17. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Mme K... le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Grasse au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

18. En revanche, l'Etat et la commune de Grasse ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme K... sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme K... est rejetée.

Article 2 : Mme K... versera à la commune de Grasse la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... épouse K..., à la commune de Grasse et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. I..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 novembre 2020.

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No 18MA04694


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04694
Date de la décision : 02/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

63-02 Sports et jeux. Casinos.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : GYUCHA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-02;18ma04694 ?
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