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27/10/2020 | FRANCE | N°19MA01405

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 27 octobre 2020, 19MA01405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Gîtes de France Service Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800161 du 14 février 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 25 mars 2019 et le 19 septembre 2019, l'EURL Gîtes de France Service Corse, r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Gîtes de France Service Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800161 du 14 février 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2019 et le 19 septembre 2019, l'EURL Gîtes de France Service Corse, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 14 février 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la proposition de rectification a été signée par un inspecteur des impôts qui n'est pas identifiable, et qui n'est pas l'agent qui a réalisé le contrôle sur pièces ;

- la proposition de rectification aurait dû porter la signature de l'agent chargé de sa rédaction, ainsi que l'indication de son nom et de son grade, ainsi que le précise la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40, n° 240 ;

- elle était en droit de bénéficier du taux réduit d'impôt sur les sociétés, dès lors qu'elle remplit la condition relative à la détention de son capital, dans la mesure où il est détenu par une association ;

- il résulte de la doctrine référencée BOI-IS-LIQ-20-10, n° 20, que les associations peuvent bénéficier du taux réduit d'impôt sur les sociétés sans remplir la condition relative à la détention de leur capital social ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause le crédit d'impôt pour investissement en Corse dont elle a bénéficié, dès lors qu'elle remplit la condition relative à la détention de son capital, dans la mesure où il est détenu par une association ;

- l'administration ne démontre pas que la condition de détention n'était pas remplie lorsqu'elle a réalisé les investissements qui lui avaient permis de bénéficier du crédit d'impôt pour investissement en Corse.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juillet 2019 et le 1er octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes public conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle constitue la reproduction littérale du mémoire de première instance, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4111 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par l'EURL Gîtes de France Service Corse ne sont pas fondés.

Une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a été émise le 9 octobre 2019.

Un mémoire présenté pour l'EURL Gîtes de France Service Corse a été enregistré le 9 octobre 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Gîtes de France Service Corse a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2014 à 2017, à l'issue duquel l'administration fiscale a estimé que son capital n'est pas détenu directement ou indirectement à hauteur de 75 % au moins par des personnes physiques, et qu'elle a par conséquent bénéficié à tort du taux réduit d'impôt sur les sociétés et de remboursements de crédit d'impôt pour investissement en Corse. L'EURL Gîtes de France Service Corse fait appel du jugement du 14 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des années 2014 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ". Aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe II au code général des impôts : " I. - (...) seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (...) II. - Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification datée du 19 septembre 2017 qui a été adressée à l'EURL Gites de France Service Corse comporte la signature de l'inspecteur des finances publiques qui l'a établie, et qui, affecté au pôle contrôle et expertise de la direction régionale des finances publiques de Corse et Corse-du-Sud, était compétent pour proposer des rectifications à l'égard de la société requérante. Si le nom de cet inspecteur n'est pas mentionné dans la proposition de rectification, cette circonstance n'a pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition dès lors que la signature manuscrite et le titre de cet agent figuraient dans la proposition et que ces mentions permettaient ainsi de l'identifier.

4. En second lieu, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

5. L'EURL Gîtes de France Service Corse ne saurait se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40 dès lors que, relative à la procédure d'imposition, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le taux réduit d'impôt sur les sociétés :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 219 du code général des impôts, relatif au calcul de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Pour le calcul de l'impôt, le bénéfice imposable est arrondi à l'euro le plus proche. (...) Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. / Toutefois : / (...) a bis. Les moins-values à long terme existant à l'ouverture du premier des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1994 sont imputées sur les plus-values à long terme imposées au taux de 19 % (...). / f. Les sociétés mentionnées aux 1 à 3 de l'article 206, soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (...) peuvent bénéficier, pour une série comprenant un exercice bénéficiaire et les deux premiers exercices bénéficiaires suivant celui-ci, du taux fixé au a bis (...). / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La société a réalisé un chiffre d'affaires de moins de 7 630 000 euros (...) ; / 2° Le capital de la société, entièrement libéré, est détenu de manière continue, pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux conditions visées au 1° dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques (...) ".

7. Il est constant que le capital de l'EURL Gîtes de France Service Corse était détenu en totalité, au cours de la période considérée, par une association. Ainsi, cette société ne répondait pas aux conditions de détention à 75 % par des personnes physiques ou par une société dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. La société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplirait ces conditions au motif que l'association comprendrait pour l'essentiel des personnes physiques. Ainsi elle ne peut bénéficier, au regard de la loi fiscale, du taux réduit d'impôt sur les sociétés prévu par le f du I de l'article 219 du code général des impôts.

8. En second lieu, la société requérante, qui est distincte de l'association qui détient son capital, n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-IS-LIQ-20-10, n° 20, selon laquelle les associations peuvent bénéficier du taux réduit d'impôt sur les sociétés sans remplir la condition relative à la détention de leur capital social, dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas.

En ce qui concerne le crédit d'impôt pour investissement en Corse :

9. Aux termes du 1° du I de l'article 244 quater E du code général des impôts : " Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés (...) et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole (...). / Le capital des sociétés doit être entièrement libéré et être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions (...) ".

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'EURL Gîtes de France Service Corse ne remplissait pas les conditions de détention à 75 % par des personnes physiques ou par une société dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques au cours des années au titre desquelles elle a obtenu des remboursements de crédit d'impôt pour investissement en Corse. Par ailleurs, la société requérante, en se bornant à alléguer que " les titres de l'EURL auraient pu être cédés avant la période vérifiée " et que " rien n'indique (...) que les conditions d'obtention du crédit d'impôt n'aient pas été remplies aux dates où le crédit d'impôt a été généré ", n'apporte aucun élément de nature à démontrer que, contrairement à ce que fait valoir l'administration, son capital n'aurait pas déjà été détenu en totalité par une association lorsque les investissements au titre desquels elle a bénéficié du crédit d'impôt ont été réalisés. Par suite, elle ne pouvait bénéficier du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que l'EURL Gîtes de France Service Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'EURL Gîtes de France Service Corse au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Gîtes de France Service Corse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Gîtes de France Service Corse et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 octobre 2020.

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N° 19MA01405

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01405
Date de la décision : 27/10/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : ISAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-27;19ma01405 ?
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