Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... de la Croix E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 février 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 juin 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 11 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision, confirmée à tort par les premiers juges, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas d'interruption des soins ; il ne pourrait poursuivre un traitement approprié en urologie au Gabon ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- en confirmant la légalité de la décision préfectorale obligeant le requérant à quitter le territoire français, le tribunal a commis une erreur de droit ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- en confirmant la légalité de la décision préfectorale fixant le Gabon comme pays de destination, le tribunal a commis une erreur de droit.
La requête et le mémoire complémentaire ont été communiqués au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant gabonais né en 1958, a bénéficié, en qualité d'étranger malade, d'une autorisation provisoire de séjour valable du 29 février au 28 août 2016, puis d'une carte de séjour temporaire valable du 11 juillet 2017 au 10 juillet 2018. Le 15 juin 2018, il en a sollicité, sans succès, le renouvellement. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2019 ayant rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 11 avril 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens invoqués dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. E... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit que les premiers juges auraient commises en confirmant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le Gabon comme pays à destination duquel il devra être reconduit.
Sur le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, de sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort de l'avis émis le 25 novembre 2018 que le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvant voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contredire cet avis, le requérant précise qu'il a été victime en 2011 d'un accident vasculaire cérébral ayant entraîné, d'une part, une incontinence urinaire chronique nécessitant le port de couches malgré la pose d'un neurostimulateur vésical en février 2017 et, d'autre part, une altération cérébrale sévère se traduisant par des troubles importants de la mémoire, de la déglutition, de la parole et de la marche. Il ajoute que l'ensemble du suivi médical spécialisé en urologie, en neurologie, ainsi que les traitements médicamenteux et les soins paramédicaux visant à stabiliser son état de santé, et notamment son état de dépendance avérée, démontrent qu'un défaut de prise en charge adapté aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. A cet égard, il produit plusieurs certificats médicaux, dont ceux du docteur C., neurologue à l'hôpital européen de Marseille datés de 2018 et 2019, relevant une dépendance majeure, celui de son médecin généraliste du 29 avril 2019 décrivant l'ensemble de ces séquelles qualifiées de " sévères ", et celui d'un orthophoniste daté du 30 avril 2019 relevant la nécessité d'un suivi orthophonique. Cependant, de tels éléments ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par l'avis du collège précité sur les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale sur son état de santé, dès lors qu'aucun des certificats précités ne permet d'établir qu'en cas d'interruption de cette prise en charge médicale, son état de santé se dégraderait de telle sorte qu'il encourrait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, l'intéressé produit également un certificat daté du 25 juillet 2018 du docteur G., urologue à l'hôpital de la Conception de Marseille se bornant à établir que l'intéressé nécessite une consultation en urologie tous les six mois pendant deux ans. Enfin, si le requérant verse un certificat médical du 10 juin 2020 par lequel le chef de service du centre hospitalier universitaire de Libreville indique qu'il doit faire l'objet d'un suivi en France au plan urologique, en raison de l'absence de plateau technique suffisant au Gabon, ce certificat n'apporte aucun élément sur les conséquences encourues par l'appelant s'il devait poursuivre son suivi urologique dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. E... ne peut utilement se prévaloir de l'absence de traitement approprié effectif dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que l'appelant répond aux conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. En l'espèce, si M. E..., entré en France en février 2016, se prévaut de la présence de cinq de ses sept enfants, tous en situation régulière, dont sa fille Anixe, de nationalité française, qui l'héberge et l'assiste quotidiennement, il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales au Gabon, pays où il a vécu, selon ses dires, jusqu'à l'âge de cinquante-six ans et où résident son épouse et ses deux autres enfants. Si l'intéressé soutient que les liens entre lui-même et son épouse ainsi que ses deux enfants demeurés au Gabon se sont distendus depuis son arrivée en France, ni les attestations de son épouse, de son fils et de sa fille, ni les certificats de travail de ces derniers, ne sont de nature à démontrer que ceux-ci ne seraient pas à même de lui apporter le soutien nécessaire qu'exige son état. Par suite, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur les autres décisions :
8. Si M. E... soutient, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, que les premiers juges ont commis une erreur de droit en confirmant tant la décision portant obligation de quitter le territoire français que celle fixant le Gabon comme pays de destination, il n'apporte aucune précision sur l'erreur de droit ainsi invoquée à l'égard de chacune de ces décisions.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'allocation à son conseil de frais liés à l'instance doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... de la Croix E..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme C..., présidente assesseure,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
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N° 20MA00902
mtr