Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 1604713 en date du 9 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2019, Mme B..., représentée par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pacta Juris, doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 janvier 2019 ;
2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la direction générale des finances publiques, direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer, les entiers dépens, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- la vérification de comptabilité n'a pas donné lieu à un débat oral et contradictoire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a méconnu son obligation de respect du secret professionnel du contribuable dans la mesure où quatre procédures de vérification de comptabilité ont été menées en même temps ;
- la vérificatrice, contrairement à ce qui est mentionné dans la proposition de rectification, n'est intervenue sur place, dans les locaux de l'expert-comptable, qu'à deux reprises, les 7 et 27 septembre 2011 et non le 29 septembre ;
- à aucun moment au cours de ces deux interventions, elle n'a été présente en sa qualité de représentante légale de la SCI ;
- l'administration s'est abstenue de communiquer à la SCI Tardi les documents obtenus par elle dans l'exercice de son droit de communication ;
- la SCI Lucle, qui a vendu à la SCI Tardi le bien litigieux a été déchargée des impositions supplémentaires mises à sa charge en raison de l'absence de débat oral et contradictoire au cours des opérations de vérification dont elle a fait l'objet ;
- la proposition de rectification envoyée à la SCI Tardi est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ;
- la réponse aux observations formulées par la SCI laisse apparaître de nombreuses erreurs de droit et d'appréciation des faits, ainsi qu'une violation de l'obligation incombant au service de communiquer au contribuable les détails des bases d'imposition qu'il retient ;
- l'avis de mise en recouvrement a été notifié à une adresse erronée en violation des dispositions des articles R. 256-6 et R. 256-7 du livre des procédures fiscales ;
- l'absence de notification de cet avis de mise en recouvrement dans le délai de reprise qui courait jusqu'au 31 décembre 2014 n'a pu interrompre le délai de prescription du droit de reprise et d'établissement de l'impôt, ainsi que cela résulte de la documentation administrative de base publiée sous la référence BOI-CF-PGR-10-10 le 12 septembre 2012 ;
Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :
- elle n'a pas été personnellement destinataire d'une proposition de rectification, consécutive à la proposition de rectification adressée à la SCI Tardi, de sorte que le délai de reprise de l'administration n'a pas été interrompu ;
- la plus-value réalisée en 2010 à l'occasion de la vente de la propriété située 40, avenue de la Jarre à Marseille (13009) n'est pas imposable, dès lors qu'elle constituait sa résidence principale au jour de la cession, au sens de l'article 150 U II 1° du code général des impôts ;
- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article 150 V du code général des impôts en procédant à une évaluation intrinsèque de la valeur du lot cédé ;
- la majoration pour manquement délibéré n'a jamais été évoquée lors des opérations de vérifications ;
- elle n'est pas suffisamment motivée dans la proposition de rectification ;
- elle n'est pas justifiée ;
- la charge de la preuve du caractère délibéré des manquements constatés incombe à l'administration en vertu des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales ainsi que de la documentation administrative de base publiée sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20 le 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de Mme B....
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre dans des termes identiques les arguments développés en première instance ;
- les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Tardi, dont le siège social est situé 454, rue Paradis à Marseille, exerce une activité de location d'immeubles nus. Mme B... est associée de la SCI Tardi, à hauteur de 50 % de son capital social, qui en est la représentante légale depuis janvier 2009. Cette société a cédé, le 6 mai 2010, pour un prix de 190 000 euros, un des deux appartements situés 40, avenue de la Jarre à Marseille (13009), qu'elle avait acquis de la SCI Lucle, le 27 mars 2009 et a placé cette cession sous le régime d'exonération de plus-value prévue au II de l'article 150 U du code général des impôts, au motif que cette propriété constituait la résidence principale de Mme B.... Dans le cadre d'un contrôle de comptabilité de la SCI Tardi, l'administration a remis en cause cette exonération et a chiffré la plus-value imposable à 102 303 euros. La SCI Tardi n'ayant pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et relevant, par conséquent, du régime des sociétés de personnes prévu à l'article 8 du code général des impôts, l'administration a adressé à chacun des deux associés une proposition de rectification mettant à leur charge l'imposition résultant de cette plus-value, au prorata de leurs droits dans le capital social. Les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu résultant de cette rectification, assorties de la majoration pour manquement délibéré, mises à la charge de Mme B..., ont été mises en recouvrement le 3 janvier 2013. La SCI Tardi a présenté une réclamation préalable le 30 décembre 2015, rejetée par décision du 23 mars 2016. Mme B... relève appel du jugement du 9 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'imposition auxquels elle a ainsi été assujettie.
Sur la fin de non-recevoir opposée en cause d'appel par le ministre de l'action et des comptes publics :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a présenté, dans le délai de recours, devant la cour administrative d'appel un mémoire d'appel qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonce à nouveau, de manière différente, les moyens justifiant, selon lui, la réformation du jugement. Une telle motivation répond ainsi aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics doit, dès lors, être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) " et aux termes de l'article R. 256-6 du même livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l' " ampliation " prévue à l'article R. * 256-3. (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". L'article L. 275 du même livre prévoit que " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'avis de mise en recouvrement, qui constitue un titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration qui, d'une part, interrompt la prescription de l'action en répétition et, d'autre part, ouvre le délai de la prescription de l'action en recouvrement pour les sommes qui sont énoncées sur ce titre, ne produit ses effets qu'à compter de la date à laquelle il a été régulièrement notifié au contribuable concerné. En outre, un avis de mise en recouvrement doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié dès lors qu'il a été envoyé à la dernière adresse que lui a communiquée le contribuable et que le pli qui la contenait lui a été régulièrement présenté par les services postaux.
6. Mme B... soutient que le pli contenant l'avis de mise en recouvrement ne lui est pas parvenu dès lors qu'il a été adressé au " 167, avenue Paradis à Marseille ", adresse qui n'est ni celle de son domicile, ni celle du siège social de la SCI Tardi. Il résulte de l'instruction que, l'avis de mise en recouvrement établi au nom de Mme B... a été adressé le 8 janvier 2013, par pli recommandé, au " 167, rue Paradis à Marseille ", qui correspond à l'adresse d'imposition qu'elle aurait fait connaître à l'administration au titre de cette période. L'accusé de réception a été retourné au service avec la mention " boîte non identifiable ". Cet avis de mise en recouvrement a été ensuite, selon l'administration, notifié une nouvelle fois le 14 mars 2013 à Mme B... à l'adresse située " 40, avenue de la Jarre à Marseille " l'accusé de réception mentionnant " destinataire inconnu à l'adresse ". Cependant, si l'administration soutient que l'adresse du " 167, rue Paradis " a été déclarée comme résidence principale au 1er janvier 2012 par l'intéressée dans ses déclarations de revenus de l'année 2011 déposées au printemps 2012, elle n'en justifie pas, pas plus qu'elle ne justifie que l'avis d'imposition sur le revenu 2012 mis en recouvrement le 31 juillet 2012 lui a été envoyée à cette même adresse. Par ailleurs, si l'administration indique avoir régulièrement procédé à la notification de cet acte au " 40, avenue de la Jarre à Marseille ", elle n'en justifie pas, alors que cette preuve lui incombe. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que l'avis de recouvrement des impositions litigieuses n'a pas été régulièrement notifié. La notification de ce titre exécutoire n'étant pas régulièrement intervenue dans le délai de prescription de l'action en répétition, la requérante est également fondée à demander la décharge des suppléments d'impôts en litige.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, a rejeté la demande de Mme B... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010.
Sur les frais de procédure :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1604713 du 9 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : Mme B... est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
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N° 19MA01093
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