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22/10/2020 | FRANCE | N°19MA00403

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 22 octobre 2020, 19MA00403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1602255 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure suivie devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2019, Mme E... épouse B..., repré

sentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2018 du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1602255 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure suivie devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2019, Mme E... épouse B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement contesté :

- le jugement procède d'une dénaturation des faits et des pièces du dossier ;

- il est entaché de diverses erreurs de droit ;

- ce jugement ne vise ni n'analyse le mémoire en défense de l'administration en violation des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; il est de ce fait insuffisamment motivé et entaché de défaut de réponse à des conclusions ; il ne permet pas au juge d'exercer son office ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- les articles L. 10 et L. 47 du livre des procédures fiscales ont été méconnus ainsi que les droits de la défense, dès lors qu'elle n'a pas été rendue destinataire de l'avis l'informant de son droit à se faire assister par un conseil de son choix ainsi que des informations contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

- en violation des articles L. 57, R. 57-1, L. 69 et L. 73 du livre des procédures fiscales et des droits de la défense, le service vérificateur a envoyé la demande d'éclaircissements et de justifications du 20 décembre 2011 à son domicile et non au cabinet de son mandataire, ce qui l'a empêchée de présenter en temps utile ses observations ;

- le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu, ainsi que ses droits de la défense, dès lors qu'elle a été privée de l'exercice d'un recours hiérarchique antérieurement à la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie puisque les rendez-vous proposés l'ont été avant que la décision de dégrèvement de ces cotisations ne soit suivie d'effet par l'abandon par le comptable du recouvrement forcé ; les dispositions du chapitre 5 de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont sur ce point opposables à l'administration ;

- le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu, ainsi que les dispositions combinées des articles L. 59 du livre des procédures fiscales et 1651 G du code général des impôts, dès lors que l'administration fiscale n'a pas fait droit à sa demande de délocalisation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et ce, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'elle n'a pas répondu à l'administration sur les raisons pour lesquelles elle a sollicité cette délocalisation ;

- la procédure est irrégulière comme non contradictoire dès lors que la proposition de rectification du 13 août 2012 ne mentionne pas la nature de la procédure d'imposition suivie pour procéder à la rectification des contributions sociales au titre des années 2009 et 2010 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- la prescription est acquise, s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, conformément aux dispositions des articles L. 57, R. 57 et L. 194 du livre des procédures fiscales, dès lors que la proposition de rectification du 13 août 2012, qui ne comporte pas les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde pour lui notifier les rectifications litigieuses, n'a pu interrompre le cours de cette prescription ;

- la prescription est acquise, s'agissant des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, pour le même motif qu'exposé ci-dessus ;

- elle doit être déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, dès lors que les opérations bancaires sur lesquelles les rectifications sont fondées ne sont pas identifiées, pas plus que le solde créditeur des balances " espèces " et que la décision d'imposition est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait ;

Sur les pénalités :

- les intérêts de retard et la majoration de 10 % appliqués sur le fondement respectivement des articles 1727 du code général des impôts et 1758 A du même code ne sont pas motivés en fait, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a appliqué aux impositions supplémentaires litigieuses la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts dès lors qu'elle n'a pas eu la volonté d'éluder ou de minorer l'impôt et que cette majoration ne doit pas être appliquée en cas de régularisation spontanée ou lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration, ainsi que cela résulte de la doctrine administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de Mme E... épouse B....

Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, Mme E... a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009 et 2010, selon la procédure contradictoire, s'agissant des revenus fonciers, et selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, s'agissant des revenus d'origine indéterminée. Mme E... relève appel du jugement du 21 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années précitées.

I. La régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme E... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et des dénaturations des faits que les premiers juges auraient commises pour contester la régularité du jugement attaqué.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un mémoire en défense se limitant à la réfutation des moyens présentés par le requérant peut être régulièrement visé et analysé par l'indication synthétique que ce mémoire fait valoir qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé, comme en l'espèce, s'agissant du mémoire en défense, produit le 2 septembre 2016 devant le tribunal administratif par l'administration fiscale. Dès lors, le tribunal administratif pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, viser ce mémoire en se bornant, sur ce point, à relever que le défendeur concluait au rejet de la requête, sans être tenu d'analyser chacun de ses moyens de défense. Par ailleurs, les premiers juges n'ont omis aucune conclusion énoncée dans ce mémoire. Ainsi, le jugement satisfait aux dispositions précitées. Doivent également être écartés, en tout état de cause, les moyens tirés du défaut de motivation du jugement dans cette mesure et de ce que les premiers juges n'auraient pas exercé leur office.

4. Il résulte de ce qui précède que les moyens soulevés par Mme E... relatifs à l'irrégularité du jugement contesté ne peuvent qu'être écartés.

II. Les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

5. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 10 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. ". Il résulte des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales que les agents de l'administration sont tenus, pour l'exécution d'une des vérifications qu'il vise, de respecter les règles qui, ne trouvant pas de fondement légal dans d'autres articles du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales, figurent néanmoins dans la charte à la date où ce document est remis au contribuable, dès lors que ces règles ont pour objet de garantir les droits du contribuable vérifié. Au cas où l'agent vérificateur méconnaîtrait ces règles, et notamment les formalités qu'elles comportent, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur ce point, d'apprécier si cette méconnaissance a eu le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte du contribuable vérifié.

7. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme E... a été destinataire d'un avis d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle du 18 juillet 2011, régulièrement notifié le 19 juillet suivant, des termes duquel il ressort qu'est " joint un exemplaire de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié (millésime mai 2011) " et précisant que l'intéressée disposait de " la faculté de [se] faire assister par un conseil de [son] choix ". Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularités aux motifs qu'elle n'aurait pas été destinataire de l'avis mentionné à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, et qu'elle n'aurait dès lors pas été informée de la faculté de se faire assister par un conseil de son choix, ni qu'elle n'aurait pas été destinataire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée à l'article L. 10 du même livre.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. ".

9. Lorsqu'un mandat de représentation a été porté à la connaissance du service en charge de la procédure diligentée à l'égard d'un contribuable, celui-ci est, en principe, tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de cette procédure. Toutefois, l'expédition de tout ou partie des actes de la procédure d'imposition au domicile ou au siège du contribuable sera réputée régulière et faire courir les délais de réponse à ces actes s'il est établi que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ou par l'un de ses préposés.

10. En l'espèce, à la date à laquelle la demande d'éclaircissements et de justifications a été adressée à Mme E..., soit le 20 décembre 2011, cette dernière ne justifiait pas avoir donné un mandat de représentation à son conseil, Me A.... L'administration fiscale soutient sans être contestée que l'avocat de Mme E... ne s'est prévalu d'un tel mandant que dans la réponse à la demande d'éclaircissements et de justifications qu'il a adressée aux services fiscaux. La requérante ne fournit pas davantage en appel un courrier informant l'administration de l'existence d'un mandat emportant élection de domicile de l'intéressée auprès de son conseil, avant l'envoi de la demande précitée. Au surplus, il résulte de l'instruction, notamment du rapprochement avec des signatures figurant sur d'autres plis contenant des actes de procédures dont il n'est pas contesté qu'elles émanent de Mme E..., que la signature apposée sur le pli contenant la demande d'éclaircissements et de justifications, envoyée par l'administration, et présenté le 23 décembre 2011 mais retiré le 24 janvier 2012 est bien celle de l'appelante. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir qu'en violation des articles L. 57, R. 57-1, L. 69 et L. 73 du livre des procédures fiscales et des droits de la défense, le service vérificateur a envoyé la demande d'éclaircissements et de justifications du 20 décembre 2011 à son domicile et non au cabinet de son mandataire, ce qui l'a empêchée de présenter en temps utile les justificatifs sollicités.

11. En troisième lieu et d'une part, aux termes de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, mentionnée à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa version de l'année 2011 remise à Mme E... avant l'engagement de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur départemental ou principal. Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, [le contribuable peut] faire appel à l'interlocuteur départemental spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur. ". Ces dispositions assurent aux contribuables la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rehaussement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, avec l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend ce dernier. Il en résulte que lorsque le contribuable sollicite régulièrement, avant la mise en recouvrement des impositions, un entretien en application de ces dispositions, l'administration ne peut, sans entacher la procédure d'irrégularité, procéder au recouvrement de ces impositions avant d'avoir satisfait à cette demande.

12. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " (...) Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59. (...) ". Le premier alinéa de cet article, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) ". Ces dispositions impliquent que le contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales bénéficie, en cas de désaccord sur les redressements notifiés et préalablement à la saisine éventuelle de la commission précitée, de la garantie telle qu'elle est prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur.

13. En l'espèce, dans son courrier du 13 septembre 2012 par lequel Mme E... sollicitait la prorogation du délai de trente jours pour présenter ses observations sur la proposition de rectification qui lui avait été notifiée, celle-ci a sollicité, dans le cas de la persistance des désaccords, " le recours hiérarchique et d'interlocution ". L'administration, qui a répondu à ses observations, a mis en recouvrement les impositions litigieuses les 25 janvier et 15 juillet 2013, sans procéder toutefois aux saisines sollicitées. Par un avis du 10 octobre 2013, elle en a prononcé le dégrèvement, au motif que le supérieur hiérarchique du vérificateur ainsi que l'interlocuteur départemental n'avaient pas été saisis alors que Mme E... en avait fait la demande. A supposer que l'appelante puisse utilement se prévaloir de ce que l'administration lui a proposé à plusieurs reprises la saisine du supérieur hiérarchique du vérificateur alors que le dégrèvement effectif des impositions litigieuses n'était pas encore intervenu, l'administration soutient sans être contestée que l'apurement comptable des impositions irrégulièrement recouvrées est intervenu le 13 décembre 2013 et qu'un entretien avec le supérieur hiérarchique lui a été proposé le 18 décembre suivant, à sa demande et notamment à la suite de l'envoi d'un courrier de son conseil du 5 décembre 2013. Il est constant que cette dernière a choisi de ne pas s'y rendre et en a informé l'administration par l'intermédiaire d'un courrier de son conseil en date du 16 décembre 2013. Ainsi, l'administration a pu considérer à bon droit qu'elle avait renoncé à l'exercice de ce droit. Par suite, Mme E... n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir qu'elle a été privée de l'exercice d'un recours hiérarchique antérieurement à la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie dès lors que les rendez-vous proposés l'ont été avant que la décision de dégrèvement de ces cotisations ne soit suivie d'effet par l'abandon par le comptable du recouvrement forcé.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...). ". L'article 1651 G du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition, prévoit en outre que : " Pour des motifs de confidentialité, le contribuable peut demander la saisine de la commission d'un autre département. Ce département est choisi par le président du tribunal administratif dans le ressort de ce tribunal ou, lorsque le ressort du tribunal administratif ne comprend qu'un seul département, par le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente, dans le ressort de cette cour. (...) ".

15. En l'espèce, il n'est pas contesté que le conseil de Mme E... a sollicité la saisine d'une commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires autre que celle du département des Bouches-du-Rhône pour des " motifs de confidentialité " sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1651 G du code général des impôts, sans toutefois indiquer même sommairement les motifs justifiant cette demande. Par courrier du 14 février 2014, notifié le 18 février suivant, l'administration a demandé à cet avocat de préciser les motifs de cette demande de dépaysement, courrier auquel ce dernier n'a pas donné suite. Ainsi, la contribuable ne peut être valablement regardée comme ayant demandé la saisine de la commission d'un autre département pour de tels motifs. La commission territorialement compétente s'est alors prononcée, dans son avis du 12 juin 2014, pour le maintien des rehaussements envisagés en matière de revenus d'origine indéterminée, après avoir relevé le défaut d'indication des motifs précités et l'absence de la requérante, dûment convoquée par courrier du 16 avril 2014, réceptionné le 22 avril suivant, laquelle n'a pas été représentée et n'a pas davantage fait usage de la faculté dont elle disposait de produire des observations écrites. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence territoriale de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires des Bouches-du-Rhône ne peut qu'en tout état de cause, être écarté.

16. En dernier lieu, Mme E... reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que la procédure est irrégulière comme non contradictoire dès lors que la proposition de rectification du 13 août 2012 ne mentionne pas la nature de la procédure d'imposition suivie pour procéder à la rectification des contributions sociales au titre des années 2009 et 2010. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 12 de son jugement.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant du moyen tiré de la prescription :

17. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...). ". Mme E... se prévaut également de l'article L. 57 de ce livre qui prévoit que la proposition de rectification adressée au contribuable " doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Pour produire un effet interruptif de prescription en application de ces dispositions, une proposition de rectification doit indiquer la catégorie d'impôt en cause, l'année d'imposition, la nature et le montant des rectifications envisagées, dans des termes suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations. Enfin, aux termes de l'article L. 76 du même livre applicable aux rehaussements notifiés selon la procédure de taxation d'office : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ".

18. D'une part, les dispositions de l'article L. 57 sont applicables aux rectifications relatives aux revenus fonciers dès lors que la procédure contradictoire leur a été appliquée, ainsi qu'il a été exposé précédemment. A cet égard, la proposition de rectification adressée respectivement le 9 juillet 2012 à Mme E... et le 13 août 2012 à son conseil mentionne la catégorie de revenus en cause, à savoir les revenus fonciers, les années d'imposition, 2009 et 2010, ainsi que la nature et le montant des rectifications envisagées, notamment la réintégration de loyers perçus et non déclarés sur ces deux années ainsi que de charges non justifiées et donc non déductibles, sur le fondement respectivement des articles 29 et 31 du code général des impôts. D'autre part, les dispositions de l'article L. 76 du même livre sont applicables aux rehaussements notifiés selon la procédure de taxation d'office, c'est-à-dire aux revenus d'origine indéterminée. En l'espèce, la proposition de rectification précitée rappelle à ce titre que la contribuable n'a pas répondu aux demandes de justifications qui lui ont été adressées et comporte, s'agissant des crédits bancaires retenus, leur indication par année, par compte bancaire et par nature, et s'agissant du solde créditeur de la balance " espèces ", les liquidités employées et les espèces disponibles ainsi que l'ensemble des éléments retenus pour l'évaluation du train de vie de la requérante. Enfin, s'agissant des contributions sociales, cette même proposition de rectification énonce avec suffisamment de précision celles dont était passible Mme E... au titre des rehaussements opérés en matière d'impôt sur le revenu en énonçant les dispositions du code général des impôts en l'espèce applicables, les taux sur la base desquels les calculs ont été effectués et les montants correspondants au titre des années 2009 et 2010. Leur application étant automatique, l'administration n'avait pas à énoncer les motifs pour lesquels ces contributions trouvaient à s'appliquer. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme E... n'est donc pas fondée à soutenir qu'en raison d'une motivation insuffisante de la proposition de rectification, le droit de reprise de l'administration était prescrit.

S'agissant de la contestation du bien-fondé des revenus d'origine indéterminée :

19. A titre liminaire, la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge incombe à Mme E... dès lors qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé, elle a été régulièrement taxée d'office sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales à raison des crédits injustifiés et du solde créditeur de la balance des " espèces ".

Quant aux crédits injustifiés :

20. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a imposé, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, des crédits injustifiés constatés sur les divers comptes bancaires de Mme E... et correspondant à des virements en provenance de sa mère et de son demi-frère ainsi qu'à des remises de chèques, pour un montant total de 49 271 euros en 2009 et 42 557 euros en 2010. Dans sa réponse aux observations de Mme E..., l'administration a toutefois abandonné les rectifications portant sur les virements effectués par sa mère et son demi-frère et n'a maintenu que les crédits bancaires résultant des remises de chèques injustifiées d'un montant respectif de 36 612 euros en 2009 et de 25 468 euros en 2010. Le détail des chèques concernés, avec la date et le compte de Mme E... sur lesquels ils ont été encaissés, figurait bien en annexe de la proposition de rectification, de sorte que l'intéressée ne peut valablement soutenir que " les opérations bancaires sur lesquelles les rectifications sont fondées ne sont pas identifiées ". En outre, Mme E... se borne, en appel comme en première instance, à faire valoir que ces rectifications ne sont pas fondées, en reprenant les arguments déjà avancés devant le service vérificateur, dans sa réponse à la mise en demeure faisant suite à une demande d'éclaircissements ou de justifications qui lui a été adressée le 14 mai 2012. Cependant, la requérante n'apporte en appel, comme devant l'administration et les premiers juges, aucun justificatif permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, Mme E..., qui supporte la charge de la preuve, ne démontre pas le caractère exagéré des impositions résultant de la réintégration dans ses revenus de crédits bancaires injustifiés correspondant aux remises de chèques précitées.

Quant au solde créditeur de la balance des espèces :

21. Il résulte de l'instruction que l'administration a imposé dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, le solde créditeur de la balance des espèces, après avoir évalué d'office les dépenses du train de vie de Mme E... sur les années 2009 et 2010 d'un montant respectif de 11 319 euros et 22 135 euros. L'appelante conteste l'évaluation de son train de vie, en se prévalant des arguments qu'elle a développés dans sa réponse à la mise en demeure précitée au point 20. Cependant, la requérante n'apporte en appel, comme devant l'administration et les premiers juges, aucun élément justificatif permettant de remettre valablement en cause l'évaluation par le service de ses frais d'alimentation, de coiffeur, de voiture, d'habillement, de produits d'entretien et de ménage ainsi que de loisirs. Par suite, l'intéressée ne justifiant ni de l'origine ni du caractère non imposable du solde créditeur de la balance des espèces, l'administration a pu à bon droit imposer ce solde créditeur injustifié au titre des deux années en litige.

III. Les pénalités :

En ce qui concerne les intérêts de retard :

22. L'unique moyen tiré du défaut de motivation des intérêts de retard issus des dispositions de l'article 1727 du code général des impôts, invoqué dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 18 de leur jugement.

En ce qui concerne la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts :

23. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la majoration de 10 % au regard des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, invoqué dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 20 de leur jugement.

24. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. (...) ".

25. Il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme E... a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ont été assorties de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. La double circonstance que Mme E... n'a ni régularisé spontanément sa déclaration, ni corrigé celle-ci dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration, était de nature à justifier légalement l'application de cette majoration, qui est exclusive de toute appréciation de la bonne ou mauvaise foi du contribuable. Par ailleurs, si la requérante invoque la " doctrine administrative ", elle n'en précise nullement les références et ne peut donc utilement s'en prévaloir. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a appliqué aux rectifications litigieuses cette majoration de 10 %.

26. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige sont rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... épouse B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme F..., présidente assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

4

N° 19MA00403

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00403
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Examen de la situation fiscale personnelle (ex VASFE).

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office - Pour défaut de réponse à une demande de justifications (art - L - 16 et L - 69 du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : ANDRE ANDRE et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-22;19ma00403 ?
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