Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 septembre 2018 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision du 4 décembre 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé à la société Onyx Languedoc Roussillon l'autorisation de le licencier et a, d'autre part, autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1805283 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 3 septembre 2018 de la ministre du travail.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 février 2020 et le 27 août 2020, la société Onyx Languedoc Roussillon, représentée par la SCP Pechenard et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 novembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le manquement aux règles de sécurité survenu le 18 septembre 2017 lors de l'intervention sur la presse à balles est matériellement établi et constitue une faute suffisamment grave justifiant le licenciement du salarié ;
- d'autres manquements à ces mêmes règles ont été constatés le 25 septembre 2017 ainsi qu'il résulte de deux vidéos et d'un témoignage ;
- la ministre du travail pouvait légalement se fonder sur l'existence d'antécédents disciplinaires pour apprécier la gravité des fautes reprochés à l'intéressé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2020, M. F..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Onyx Languedoc Roussillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Onyx Languedoc-Roussillon ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges D..., président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la société Onyx Languedoc Roussillon.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 3 septembre 2018, la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision du 4 décembre 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé à la société Onyx Languedoc Roussillon l'autorisation de licencier M. F..., membre de la délégation unique du personnel et a, d'autre part, autorisé son licenciement pour faute. La société Onyx Languedoc Roussillon relève appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de M. F..., annulé la décision du 3 septembre 2018 de la ministre du travail.
Sur la légalité de la décision de la ministre du travail :
2. D'une part aux termes de l'article L. 4122-1 du code du travail : " Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. / Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir (...) ".
3. D'autre part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. Pour faire droit à la demande présentée le 12 octobre 2017 par la société Onyx Languedoc Roussillon en vue d'obtenir l'autorisation de licencier M. F..., la ministre du travail s'est fondée sur ce que le 18 septembre 2017 l'intéressé s'était délibérément abstenu d'appliquer la méthode de mise en sécurité par consignation d'une presse à balle du centre de tri sur laquelle il intervenait. Après avoir relevé qu'il avait été formé aux consignes de sécurité, s'était déjà vu rappeler ces consignes et qu'il avait déjà fait l'objet d'un avertissement en juin 2016 et d'une mise à pied en juillet 2017 en raison de la méconnaissance des règles de sécurité, elle a estimé que les faits, matériellement établis, étaient constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief invoqué par l'employeur.
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment de sa fiche de fonctions, que M. F..., en sa qualité d'agent de maintenance, était tenu d'appliquer " les règles de consignation " avant toute intervention sur le matériel de l'entreprise. Au nombre de ces règles figurait la procédure de consignation électrique au moyen d'un cadenas rendant impossible la remise sous tension du matériel, qui était précisément décrite dans une fiche de méthode adressée aux salariés concernés et notamment à M. F... en pièce jointe d'un courriel du 24 avril 2017. Il est par ailleurs constant que l'intéressé avait suivi des formations sur la consignation électrique du matériel en 2013 et mars 2017 et avait une parfaite connaissance de cette règle de sécurité et de l'importance de son respect. Il ressort du témoignage circonstancié de la responsable régionale prévention santé sécurité de la société qu'il a été constaté au cours de cette visite que M. F... était installé avec son matériel de soudure dans la zone arrière de la presse à balles du centre de tri et équipé de son matériel pour réaliser une soudure à l'intérieur de cet équipement sans qu'aucun cadenas de consignation n'ait été placé sur le sectionneur de l'armoire principale, qu'il lui a été expressément demandé de sortir de l'intérieur de l'équipement et de procéder à la mise en oeuvre de la procédure de consignation et qu'il a alors sollicité un collègue de travail pour lui procurer un cadenas. Ces faits sont corroborés par le compte-rendu de la visite de sécurité effectuée le 18 septembre 2017 établi par M. C..., présent au moment de l'incident, duquel il ressort que " la consignation de la presse durant l'intervention de l'agent de maintenance n'a pas été réalisée dans les règles, la clé étant toujours présente sur le tableau et le coupe circuit non sécurisé par cadenas ". Le même rapport insiste sur " les énormes progrès à réaliser dans le rappel et l'application des règles fondamentales " et souligne le fait que " certains collaborateurs semblent réfractaires à ces problématiques car n'en mesurant pas l'intérêt pour leur sécurité ". M. F... n'apporte aucun élément probant à l'appui de son allégation selon laquelle il se trouvait à l'extérieur du périmètre d'intervention lors de la visite de sécurité. A cet égard les déclarations qu'aurait faites M. B... lors de la réunion de la délégation unique du personnel le 10 octobre 2017, dont la teneur est au demeurant contestée par la société, ne constitue pas un tel élément de preuve dès lors qu'il ne peut s'en déduire ni la présence du salarié à l'extérieur du périmètre d'intervention ni un respect par celui-ci des consignes de sécurité. Si M. F... soutient que son poste à souder n'était pas branché, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence dès lors que, comme il a dit précédemment, il avait ouvert la porte d'accès à la table de ligaturage en y déposant son poste à souder après avoir sectionné le courant sans apposer de cadenas sur le sectionneur de l'armoire principale. S'il fait grief à son employeur de ne pas lui avoir remis de cadenas avant l'intervention en litige du 18 septembre 2017, il ressort des pièces produites qu'il était en possession d'un cadenas de consignation lors d'un inventaire de son matériel effectué en avril 2015, qu'il en disposait lors d'une intervention avec consignation effectuée le 22 septembre 2016 et que le cadenas qui lui a été attribué a été retrouvé lors d'une visite effectuée par l'inspecteur du travail le 10 novembre 2017. Les déclarations contradictoires de l'intéressé selon lequel le cadenas n'était pas nécessaire à la consignation, qu'il l'avait égaré ou encore qu'il ne lui a été remis que tardivement par son employeur ne sont pas de nature à remettre en cause les indices précis et concordants selon lesquelles il disposait de ce cadenas au moins depuis 2015 et donc au moment de l'intervention du 18 septembre 2017. Les faits retenus par la ministre du travail sont ainsi établis.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce qu'un doute subsistait sur l'exactitude matérielle des griefs formulés contre M. F... et que ce doute devait profiter au salarié, pour annuler la décision du 3 septembre 2018 de la ministre du travail.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif de Montpellier et devant la Cour.
8. Les faits mentionnés au point 5 constituent un manquement caractérisé aux consignes de sécurité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. F... avait déjà fait l'objet d'un avertissement en juin 2016 pour des manquements aux règles de sécurité concernant le travail en hauteur et des problèmes comportementaux ainsi que d'une mise à pied disciplinaire de cinq jours en juillet 2017 pour la méconnaissance de ces mêmes règles les 18 et 31 mai 2017. Si l'intéressé conteste les faits à l'origine de ces sanctions il n'apporte aucun élément circonstancié à l'appui de ses allégations. Par ailleurs, la ministre du travail pouvait tenir compte de ces fautes précédemment sanctionnées commises par M. F... pour apprécier si son comportement était de nature à justifier son licenciement. Dans les circonstances de l'espèce, le manquement constaté aux consignes de sécurité le 18 septembre 2017, s'ajoutant à de nombreux autres survenus dans les mois précédents, est constitutif d'une faute sans relation avec la qualité de salarié protégé de M. F... et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
9. Saisi de la légalité des décisions de l'inspecteur du travail et de la ministre du travail statuant sur des demandes de l'employeur, il appartient au juge administratif de se prononcer sur la régularité de ces décisions et sur le bien-fondé de leurs motifs, et non pas sur l'ensemble des faits reprochés au salarié par son employeur. En l'espèce, si le courrier du 12 octobre 2017, par lequel la société Onyx Languedoc Roussillon a demandé l'autorisation de licencier M. F..., énonçait que l'intéressé avait le 25 septembre 2017 soudé sur un portail du centre de tri sans respect des règles de sécurité, la ministre du travail ne s'est pas fondée sur ce grief pour autoriser le licenciement de l'intéressé, mais comme il a été dit précédemment, sur le manquement aux consignes de sécurité constaté le 18 septembre 2017. Par suite, si M. F... soutient que les faits qui lui ont été reprochés le 25 septembre 2017 ont été portés à la connaissance de l'employeur par des moyens de preuve illicites et que leur matérialité n'est pas établie, ces moyens qui ne sont pas dirigés contre un motif de la décision de la ministre du travail sont inopérants.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Onyx Languedoc Roussillon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 3 septembre 2018 de la ministre du travail.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Onyx Languedoc Roussillon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. F... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... une somme de 1 500 euros à verser à la société Onyx Languedoc Roussillon à ce même titre.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1805283 du tribunal administratif de Montpellier du 26 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : M. F... versera une somme de 1 500 euros à la société Onyx Languedoc Roussillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Onyx Languedoc Roussillon et à M. G... F....
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, où siégeaient :
- M. D..., président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
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N° 20MA00480
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