Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le permis de construire tacite délivré le 14 juin 2015 par le maire de la commune de Cazevieille à la SCI de l'Aire et du Cros en vue de la régularisation d'un bâtiment situé sur un terrain cadastré section B n°497- 75- 76- 77- 78- 79- 80- 81- 82- 83 - 86-88- 89 -90 -91, domaine de la Figarède, sur le territoire de la commune.
Par un jugement n° 1600056 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ce permis de construire tacite.
Par un arrêt 16MA03877 du 9 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé ce jugement.
Par une décision 426160 du 5 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 9 octobre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille au motif que cet arrêt est entaché de dénaturation et a renvoyé l'affaire devant cette juridiction.
Procédure devant la Cour :
Par lettres du 14 mai 2020, les parties ont été invitées à produire, en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, un mémoire récapitulatif reprenant les conclusions et les moyens présentés en première instance et en appel qu'elles entendent maintenir devant la cour.
Par un mémoire récapitulatif enregistré le 27 mai 2020, la SCI de l'Aire et du Cros, représentée par Me C... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter le déféré du préfet de l'Hérault ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-le déféré du préfet de l'Hérault est tardif car la commune de Cazevieille a transmis le 15 juin 2015 aux services de la préfecture l'entier dossier de permis de construire de la SCI de l'Aire et du Cros, accompagné de la lettre de demande de réinstruction ;
- la notification du recours gracieux formé par le préfet de l'Hérault au titre de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme était incomplète car le courrier de notification ne comportait pas le recours gracieux, et ce recours n'a donc pu interrompre le délai de recours contentieux;
- le dépassement de la distance maximale imposée par le règlement du plan d'occupation des sols par rapport aux constructions existantes constitue une adaptation mineure.
Par un mémoire récapitulatif enregistré le 11 juin 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la SCI de l'Aire et du Cros et de Mme A..., représentant le préfet de l'Hérault.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le permis de construire tacite délivré le 14 juin 2015 par le maire de la commune de Cazevieille à la SCI de l'Aire et du Cros en vue de la régularisation d'un bâtiment situé sur un terrain cadastré section B n° 497- 75- 76- 77- 78- 79- 80- 81- 82- 83 - 86-88- 89 -90 -91, domaine de la Figarède, sur le territoire de la commune. Par un jugement du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ce permis de construire tacite. Par un arrêt du 9 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé ce jugement. Par une décision du 5 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 9 octobre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille au motif que cet arrêt est entaché de dénaturation et a renvoyé l'affaire devant la Cour.
Sur la recevabilité du déféré du préfet de l'Hérault :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage (...) ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-6 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Parmi les actes mentionnés par l'article L. 2131-2 de ce code figure, au 6° : " Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ". Par ailleurs, l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme prévoit que, à défaut d'une décision expresse dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire et l'article L. 424-8 dispose qu'un tel permis tacite est exécutoire à compter de la date à laquelle il est acquis. Enfin, aux termes de l'article R. 423-7 du même code : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ".
3. D'une part, dans le cas de la délivrance tacite d'un permis de construire, la commune est réputée avoir effectué la transmission prévue par l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales si le maire a, conformément aux dispositions de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme, transmis au préfet l'entier dossier de demande. Le délai dans lequel doit s'exercer le déféré prévu par l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l'hypothèse où la commune ne satisfait à l'obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la réception de cette transmission par le préfet.
4. D'autre part, le retrait par l'autorité compétente d'une décision refusant un permis de construire ne rend pas le pétitionnaire titulaire d'un permis de construire tacite. L'autorité administrative doit statuer à nouveau sur la demande, le délai de nature à faire naître une décision tacite ne courant qu'à compter de la confirmation de cette demande par le pétitionnaire. Dans une telle hypothèse, pour l'application des dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, il appartient à la commune d'informer le préfet de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire, en lui indiquant sa date de réception. Le délai de deux mois imparti au préfet par les dispositions de l'article L. 2131-6 du même code court alors, sous réserve que le préfet soit en possession de l'entier dossier de demande, à compter de la date du permis tacite si le préfet a eu connaissance de la confirmation de la demande avant la naissance du permis. Dans le cas contraire, sous la même réserve que le préfet soit en possession de l'entier dossier de demande, le délai court à compter de la date à laquelle le préfet est informé par la commune de l'existence du permis tacite, soit par la transmission du certificat délivré le cas échéant par le maire en application de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, soit par la transmission, postérieurement à la naissance du permis, de la confirmation de sa demande par le pétitionnaire.
5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a reçu l'entier dossier de demande de permis de construire le 17 juin 2015. Il soutient néanmoins n'avoir reçu que le 24 août 2015 la demande de la SCI de l'Aire et du Cros tendant au réexamen de sa demande de permis de construire suite au retrait du refus de permis de construire qui lui avait été opposé et que son recours administratif formé en septembre 2015 l'a été dans le délai de recours contentieux. Pour sa part, la SCI de l'Aire et du Cros soutient que la demande de réexamen a été adressée avec le dossier de demande de permis de construire et que le délai de recours a donc commencé à courir pour le préfet le 17 juin 2015.
6. Si la SCI de l'Aire et du Cros a produit l'attestation émanant de l'adjointe au maire de la commune de Cazevieille selon laquelle la commune a transmis au représentant de l'Etat dans un même envoi l'entier dossier de demande de permis de construire et la demande de réexamen de la demande, cette attestation est dépourvue de caractère probant en l'absence de bordereau qui aurait permis de distinguer l'envoi du dossier de la confirmation de la demande de permis de construire. Dès lors, la SCI de l'Aire et du Cros n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, que la demande de réexamen est parvenue en préfecture avant le 24 août 2015, date à laquelle le préfet admet avoir reçu cette demande. Elle n'est pas fondée à soutenir que le recours administratif formé par le préfet de l'Hérault en septembre 2015 a été formé après l'expiration du délai de recours contentieux.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. ...L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. ".
8. La SCI de l'Aire et du Cros allègue que le courrier recommandé du 18 septembre 2015 que lui a adressé le préfet de l'Hérault ne contenait pas la copie du recours administratif formé auprès du maire de la commune de Cazevieille et que la notification de ce recours administratif ne peut être regardée comme ayant été valablement effectuée au bénéficiaire du permis de construire. La SCI de l'Aire et du Cros produit le courriel adressé par Mme E... B... le 9 octobre 2015 aux services de l'Etat dans l'Hérault, dans lequel elle souligne que le recours administratif n'était pas joint à l'envoi. Alors même que Mme B... ne justifiait pas d'une qualité pour effectuer cette démarche pour le compte du bénéficiaire du permis de construire, elle mentionnait néanmoins dans son courriel intervenir pour le compte du gérant de la SCI de l'Aire et du Cros. Celle-ci, dans les circonstances de l'espèce, doit être regardée comme ayant effectué les diligences nécessaires pour être mise à même de prendre connaissance du contenu de l'envoi. En se bornant à produire le bordereau des envois effectués par la sous-préfecture de Lodève, le préfet de l'Hérault ne justifie pas que le courrier du 18 septembre 2015 comportait son recours gracieux. Le recours administratif ne pouvant dans ces conditions être regardé comme ayant été valablement notifié au bénéficiaire du permis de construire, il n'a pas été de nature à interrompre le délai de recours contentieux. Le déféré enregistré le 6 janvier 2016 au greffe du tribunal administratif de Montpellier l'a été dès lors après l'expiration du délai de recours contentieux. La SCI de l'Aire et du Cros est fondée par suite à soutenir que ce déféré était irrecevable et à demander l'annulation du jugement du 21 septembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier et le rejet du déféré du préfet de l'Hérault.
Sur les frais liés au litige :
9. Il a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 21 septembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Le déféré du préfet de l'Hérault devant le tribunal administratif de Montpellier est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI de l'Aire et du Cros la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI de l'Aire et du Cros et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et à la commune de Cazevieille.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade président,
- M. D..., président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
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N°20MA00554