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15/10/2020 | FRANCE | N°19MA01805

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19MA01805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 27 janvier 2017, révélée par un communiqué de presse du 4 janvier 2017 puis confirmée par un arrêté du 20 mars 2017, par laquelle le maire de la commune d'Avignon a prononcé son licenciement à compter du 27 mars 2017, d'enjoindre à cette commune de le réintégrer et de procéder à l'examen de ses droits pour la période comprise entre le 27 mars 2017 et le jugement à intervenir ou, à défaut, la date d'échéance nor

male de son contrat, et de la condamner à lui verser la somme de 25 000 euros en répa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 27 janvier 2017, révélée par un communiqué de presse du 4 janvier 2017 puis confirmée par un arrêté du 20 mars 2017, par laquelle le maire de la commune d'Avignon a prononcé son licenciement à compter du 27 mars 2017, d'enjoindre à cette commune de le réintégrer et de procéder à l'examen de ses droits pour la période comprise entre le 27 mars 2017 et le jugement à intervenir ou, à défaut, la date d'échéance normale de son contrat, et de la condamner à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de ce licenciement.

Par un jugement n° 1700952 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2019, M. D..., représenté par Me Gardien, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2017, révélée par un communiqué de presse du 4 janvier 2017 puis confirmée par l'arrêté du 20 mars 2017, par laquelle le maire de la commune d'Avignon a prononcé son licenciement à compter du 27 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Avignon de le réintégrer et de procéder à l'examen de ses droits pour la période comprise entre le 27 mars 2017 et l'arrêt à intervenir ou, à défaut, la date d'échéance normale de son contrat ;

4°) de condamner la commune d'Avignon à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de ce licenciement ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Avignon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de licenciement est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle est intervenue dès la publication du communiqué de presse du 4 janvier 2017, sans qu'il ait eu la possibilité de prendre connaissance de son dossier et sans entretien préalable ;

- la date d'effet de la décision de licenciement est illégale en ce qu'elle est intervenue avant l'expiration du délai de congé rémunéré auquel il avait droit et du délai de transmission au préfet pour le contrôle de légalité ;

- la décision de licenciement est fondée sur des faits matériellement inexacts ;

- elle contrevient aux dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle constitue une mesure de rétorsion consécutive à la dénonciation de faits de harcèlement moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2019, la commune d'Avignon, représentée par Me Urien, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mars 2017, nouvelles en appel, sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Des mémoires présentés pour M. D... ont été enregistrés le 27 août 2020 après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°87-1004 du 16 décembre 1987 ;

- le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Urien, représentant la commune d'Avignon.

Une note en délibéré présentée pour la commune d'Avignon a été enregistrée le 17 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été recruté le 6 avril 2014 par la commune d'Avignon en qualité de collaborateur de cabinet afin d'exercer les fonctions de chef de cabinet. Il relève appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2017, révélée par un communiqué de presse du 4 janvier 2017 puis confirmée par un arrêté du 20 mars 2017, du maire de la commune d'Avignon ayant prononcé son licenciement à compter du 27 mars 2017, à ce qu'il soit enjoint à cette commune de le réintégrer et de procéder à la reconstitution de ses droits, et à l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il estime avoir subis du fait de cette décision illégale.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande présentée devant le tribunal et à la requête :

2. D'une part, les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 mars 2017 ne sont pas nouvelles en appel. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes des écritures de M. D... que celui-ci doit être regardé comme ayant contesté, dans sa demande présentée devant le tribunal comme dans sa requête, la légalité d'une décision de licenciement qui aurait été révélée par voie de communiqué de presse du 4 janvier 2017. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée du caractère purement confirmatif de la décision du 27 janvier 2017 et de l'arrêté du 20 mars 2017 en l'absence de contestation de la décision qui aurait été révélée le 4 janvier 2017 doit également être écartée.

3. D'autre part et en revanche, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de demande indemnitaire préalable opposée aux conclusions de M. D... tendant à la condamnation de la commune à lui verser les sommes de 10 000 et 15 000 euros en réparation de ses préjudices doit être accueillie en l'absence d'une telle demande contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. D'une part, aux termes de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984 : " L'autorité territoriale peut, pour former son cabinet, librement recruter un ou plusieurs collaborateurs et mettre fin librement à leurs fonctions ". Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le juge de l'excès de pouvoir contrôle que la décision mettant fin aux fonctions d'un collaborateur de cabinet ne repose pas sur un motif matériellement inexact ou une erreur de droit et n'est pas entachée de détournement de pouvoir.

5. D'autre part, en vertu des dispositions des articles 1er et 42 du décret du 15 février 1988, le licenciement d'un agent recruté en application de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984 ne peut intervenir qu'après que cet agent a été mis à même de consulter son dossier et à l'issue d'un entretien préalable.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir eu le 16 décembre 2016 avec M. D... un entretien au cours duquel elle lui a fait part de son intention de mettre fin à ses fonctions, la maire de la commune d'Avignon l'a, par courrier du 4 janvier 2017, convoqué à un entretien préalable de licenciement le 16 janvier 2017 et l'a informé de son droit à communication de son dossier. Toutefois, par un communiqué de presse du même jour émanant du service communication de la mairie d'Avignon, il a été fait état de ce que la maire avait " pris la décision de se séparer de M. D... (...) pour rupture de confiance ". L'intervention d'un tel communiqué de presse, dénué de toute ambiguïté et rendant publique non pas une intention mais une décision du maire de licencier M. D..., révèle, en dépit de la circonstance qu'il précisait que la fin de fonctions de celui-ci interviendrait officiellement au terme de l'accomplissement des obligations administratives liées à une telle procédure conformément aux dispositions de la loi du 26 janvier 1984, que cette décision a été prise dès le 4 janvier 2017, avant que l'intéressé eût été mis à même de prendre connaissance de son dossier et de bénéficier de l'entretien préalable prévu par les dispositions de l'article 42 ci-dessus du décret du 15 février 1988. Cette décision du maire révélée le 4 janvier 2017 ne peut être regardée ni comme inexistante ni comme ayant été retirée par le courrier du même jour adressé par la même autorité à M. D... ci-dessus mentionné. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure ayant privé M. D... d'une garantie doit être accueilli. Il y a donc lieu, pour ce seul motif, d'annuler le jugement attaqué ainsi que la décision contestée du maire d'Avignon.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... devant le tribunal et en appel :

7. Il résulte de l'instruction que les faits retenus par le maire d'Avignon pour licencier M. D... sont établis et de nature à justifier légalement la perte de confiance sur laquelle est fondé ce licenciement. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction que cette décision n'est entachée d'aucun des vices de légalité externe invoqués par l'intéressé autre que celui rappelé au point 6 ci-dessus. Il suit de là que, eu égard à la nature du motif d'annulation retenu et, en tout état de cause, à la circonstance que la durée de l'engagement de M. D... en qualité de collaborateur de cabinet était nécessairement liée à celle du mandat du maire d'Avignon, qui a pris fin le 28 juin 2020, l'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution particulière et notamment pas qu'il soit enjoint à la commune d'Avignon de réintégrer M. D... et de procéder à l'examen de ses droits pour la période comprise entre le 27 mars 2017 et l'arrêt à intervenir ou, à défaut, la date d'échéance normale de son contrat. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. D'une part, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune d'Avignon une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. D'autre part, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune d'Avignon demande au titre des frais de même nature.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 février 2019 est annulé.

Article 2 : La décision, révélée par communiqué de presse du 4 janvier 2017, du maire d'Avignon de licencier M. D..., ainsi que les décision et arrêté de la même autorité des 27 janvier et 20 mars 2017 sont annulés.

Article 3 : La commune d'Avignon versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande présentée par M. D... devant le tribunal est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune d'Avignon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune d'Avignon.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Lu en audience publique, le15 octobre 2020

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N° 19MA01805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01805
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET BREUILLOT et VARO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-15;19ma01805 ?
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