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13/10/2020 | FRANCE | N°18MA03606

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 13 octobre 2020, 18MA03606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A..., agissant en son nom et en celui de la fromagerie Cabret, a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- à titre principal, de condamner la commune de Péret à lui verser la somme totale de 248 510 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité des arrêtés du 2 avril et 30 août 2012 portant opposition à déclaration préalable en vue de l'édification d'un abri de jardin, du refus implicite opposé à sa demande du 12 février 2013 portant sur la construct

ion d'un abri de jardin, ainsi que des arrêtés des 7 février 2011 et 21 janvier 2013 r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A..., agissant en son nom et en celui de la fromagerie Cabret, a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- à titre principal, de condamner la commune de Péret à lui verser la somme totale de 248 510 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité des arrêtés du 2 avril et 30 août 2012 portant opposition à déclaration préalable en vue de l'édification d'un abri de jardin, du refus implicite opposé à sa demande du 12 février 2013 portant sur la construction d'un abri de jardin, ainsi que des arrêtés des 7 février 2011 et 21 janvier 2013 refusant le permis de construire une bergerie, avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts,

- à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit, une expertise à fin d'évaluer les préjudices subis.

Par le jugement n° 1602758 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier, par l'article 1er du jugement, a condamné la commune de Péret à verser à M. A... la somme de 1 000 euros tous intérêts confondus en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis du fait de l'illégalité des décisions de refus d'autorisation d'urbanisme de la commune et, par l'article 3 du jugement, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2018, M. A..., agissant en son nom et en celui de la fromagerie Cabret, représenté par la SELARL d'avocats Phung, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de condamner la commune de Péret à verser la somme de 2 000 euros à M. A... et la même somme à la Fromagerie Cabret sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a statué ultra petita sur le moyen tiré du préjudice financier subi du fait de l'illégalité du refus de construire une bergerie ;

- l'abri de jardin destiné à la vente de produits fromagers, dont la construction a été illégalement refusée par le maire, n'est pas réalisé ni exploité ;

- la perte d'exploitation s'élève pour les années 2011 à 2015 à 173 347 euros ;

- le préjudice financier subi du fait de l'augmentation du coût des travaux de construction s'élève à 65 163 euros ;

- le préjudice moral subi doit être réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

La requête a été communiquée à la commune de Péret qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., éleveur caprin exploitant sous l'enseigne " Fromagerie Cabret ", est propriétaire depuis 2002 de plusieurs parcelles cadastrées section D n° 716, 717 et 120, sises lieu-dit Pioche Cal, situées en zone agricole, sur le territoire de la commune de Péret. Le 19 janvier 2012, la cour d'appel de Montpellier l'a condamné à remettre les lieux en l'état initial sur la parcelle n° 120, en démolissant toutes les constructions illicites, précisément une construction en bois de 20 m² environ réalisée en 2007 sur la parcelle n° 120 et un mobile home. Le requérant a déposé une déclaration de travaux pour régulariser la construction d'un abri de jardin d'une surface de 19,6 m² destiné à la vente et au dépôt de produits issus de son activité agricole sur la parcelle n° 120. Le maire s'est opposé à cette déclaration par arrêtés du 2 avril et 30 août 2012, qui ont été annulés par les jugements du 22 novembre 2012, du 31 décembre 2013 et du 11 juin 2015, devenus définitifs, du tribunal administratif de Montpellier. Sa demande du 12 février 2013 de délivrance d'un certificat de non-opposition aux travaux déclarés pour la construction de l'abri de jardin a fait l'objet d'une décision implicite de rejet par le maire. Le requérant a ensuite déposé auprès du maire de la commune un permis de construire pour édifier une bergerie sur la parcelle n° 716, dont la délivrance a été refusée par le maire par arrêtés des 7 février 2011 et 21 janvier 2013. Ce refus de permis de construire a été annulé par jugements devenus définitifs des 22 novembre 2012 et 2 octobre 2014 du tribunal administratif de Montpellier. Estimant que ces refus illégaux d'autorisation de construire du maire constituaient une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, M. A..., en son nom personnel et en celui de la Fromagerie Cabret, a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation de la commune de Péret à lui verser la somme totale de 248 510 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de ces différents refus d'autorisation de construire. Les premiers juges, par l'article 1er du jugement attaqué, ont condamné la commune de Péret à verser à M. A... la somme de 1 000 euros tous intérêts confondus en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis du fait de l'illégalité des décisions de refus d'autorisation d'urbanisme de la commune et, par l'article 3 du jugement, ont rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, à supposer même que le requérant entende soutenir que les premiers juges auraient statué ultra petita en affirmant au point 8 du jugement attaqué que la parcelle terrain d'assiette du projet n'étant pas raccordée au réseau d'eau potable, le requérant ne pouvait en tout état de cause pas exercer son activité d'éleveur caprin et donc invoquer une perte d'exploitation en raison de la faute de la commune, il relève de l'office du juge d'apprécier au regard de l'ensemble des éléments du dossier s'il existe un lien de causalité entre les fautes constatées et les préjudices allégués par le requérant ainsi que la réalité et l'étendue de ces préjudices. Par suite, le tribunal n'a pas soulevé d'office des moyens de défense et n'a pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué pour ce motif. En tout état de cause, il ressort du mémoire en défense de la commune, enregistré le 26 avril 2017 devant le tribunal administratif de Montpellier, que la commune a expressément soutenu que M. A... ne pouvait pas invoquer un préjudice de perte d'exploitation pour une activité qu'il ne pouvait en tout état de cause pas exercer en l'absence de raccordement de sa parcelle au réseau d'eau potable.

3. D'autre part, et pour les mêmes motifs tenant à l'office du juge, les premiers juges ont pu, sans statuer au-delà des conclusions dont ils étaient saisis, régulièrement retenir au point 9 du jugement attaqué que la surface trop restreinte de 20 m² prévue pour l'étable litigieuse ne permettait pas d'abriter l'entier cheptel de chèvres du requérant, en se fondant sur le " guide pratique pour l'élevage des chèvres laitières bio " établi par l'Agridea et l'institut technique de l'agriculture biologique et produit par la commune.

Sur la recevabilité de la demande de première instance de M. A... :

4. M. A..., en sa qualité de victime directe en ce qui concerne ses préjudices propres et de gérant de la Fromagerie Cabret, a intérêt pour agir dans la présente instance. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Péret devant les premiers juges doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Péret :

5. Les refus d'autorisation illégaux, énoncés au point 1 du présent arrêt, opposés par la commune de Péret aux différentes demandes de M. A... constituent une faute de la commune de nature à engager sa responsabilité et à ouvrir droit à indemnisation, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, ce que la commune, qui n'a pas produit en appel, ne conteste d'ailleurs pas.

En ce qui concerne les préjudices :

6. En premier lieu, les premiers juges ont estimé que le requérant ne pouvait pas se prévaloir d'un quelconque préjudice financier résultant de l'illégalité des décisions de la commune refusant d'autoriser la construction d'un abri de jardin d'une surface de 19,60 m² sur la parcelle n° 120, dès lors qu'à la date, le 2 avril 2012, du premier refus opposé par la commune pour ce projet, cet abri de jardin, dont la régularisation était en fait demandée, était déjà construit. En se bornant à soutenir en appel que l'abri de jardin déjà réalisé lui servait d'habitation et que cette construction n'était ni destinée ni utilisée pour vendre les produits fromagers issus de son exploitation, M. A... n'établit pas qu'il aurait subi un préjudice financier du fait de l'illégalité du refus de la commune d'autoriser la construction de cet abri de jardin.

7. En deuxième lieu, le requérant ne conteste aucunement en appel la réponse argumentée apportée par les premiers juges à ses demandes de réparation des préjudices qu'il aurait subis du fait de la perte d'exploitation et à l'augmentation des coûts de travaux de construction alléguées.

8. En troisième lieu, eu égard aux nombreuses démarches notamment contentieuses que le requérant a dû engager entre avril 2012, date de la première opposition illégale du maire aux travaux déclarés par le requérant et juin 2015 date du dernier jugement du tribunal administratif de Montpellier annulant le refus d'autorisation de construire tel qu'il est décrit au point 1, soit pendant plus de trois années, les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A... du fait du nombre de refus illégaux opposés par la commune en lui allouant à ce titre la somme de 1 000 euros tous intérêts confondus. Il y a lieu de porter cette somme à 3 000 euros tous intérêts confondus.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise pour évaluer les préjudices subis, que M. A... est seulement fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis en lui allouant la somme de 1 000 euros tous intérêts confondus.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Péret la somme de 500 euros à verser à M. A... agissant en son nom propre et en celui de la fromagerie Cabret au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 1 000 euros tous intérêts confondus que la commune de Péret a été condamnée, par l'article 1er du jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier, à verser à M. A... en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, est portée à 3 000 euros tous intérêts confondus.

Article 2 : Le jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Péret versera la somme de 500 euros à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la société Fromagerie Cabret et à la commune de Péret.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme B..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

4

N° 18MA03606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03606
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-06-02 Fonctionnaires et agents publics. Notation et avancement. Avancement.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : AUDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-13;18ma03606 ?
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