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12/10/2020 | FRANCE | N°18MA05242-18MA05243

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 12 octobre 2020, 18MA05242-18MA05243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler, d'une part, les arrêtés nos 2009-311 et 2009-312 du 24 février 2009 et l'arrêté n° 2009-1177 du 16 juin 2009 par lesquels le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré insalubres les parties communes et les appartements dont il est propriétaire dans un immeuble situé 15 rue Pied de Ville à Digne-les-Bains, et, d'autre part, les titres de perception du 17 juillet 2015 par lesquels le préf

et a mis à sa charge la somme de 128 701,97 euros, correspondant aux frais d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler, d'une part, les arrêtés nos 2009-311 et 2009-312 du 24 février 2009 et l'arrêté n° 2009-1177 du 16 juin 2009 par lesquels le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré insalubres les parties communes et les appartements dont il est propriétaire dans un immeuble situé 15 rue Pied de Ville à Digne-les-Bains, et, d'autre part, les titres de perception du 17 juillet 2015 par lesquels le préfet a mis à sa charge la somme de 128 701,97 euros, correspondant aux frais des travaux exécutés d'office sur le fondement des arrêtés nos 2009-311 et 2009-1177, et celle de 155 557,91 euros, correspondant aux frais des travaux exécutés d'office sur le fondement de l'arrêté n° 2009-312.

Par deux jugements nos 1600369 et 1600370 du 15 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 13 décembre 2018, le 14 octobre et le 21 novembre 2019, sous le n°18MA05242, M. D..., représenté par la SCP Alpazur avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600369 du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler les arrêtés du 24 février et du 16 juin 2009, ainsi que le titre de perception d'un montant de 128 701,97 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'État et du département des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- il est recevable à invoquer l'illégalité des arrêtés nos 2009-311 et 2009-1177 par la voie de l'exception à l'encontre du titre de perception du 17 juillet 2015 ;

- les arrêtés nos 2009-311 et 2009-1177 sont illégaux, dès lors, d'une part, que l'immeuble visé est détenu en copropriété avec la SCI Laurali, et, d'autre part, le préfet aurait dû déclarer l'immeuble insalubre à titre irrémédiable compte tenu du coût des travaux destinés à remédier à son insalubrité ;

- ils n'ont pas été précédés de la mise en demeure prévue à l'article R. 1331-5 du code de la santé publique ;

- le titre de perception n'indique pas suffisamment les bases de la liquidation ;

- le coût des travaux est disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête de M. D....

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

II.- Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 13 décembre 2018, le 14 octobre et le 21 novembre 2019 sous le n°18MA05243, M. D..., représenté par la SCP Alpazur avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600370 du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler les arrêtés du 24 février et du 16 juin 2009, ainsi que le titre de perception d'un montant de 155 557,91 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'État et du département des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- il est recevable à invoquer l'illégalité des arrêtés nos 2009-311 et 2009-1177 par la voie de l'exception à l'encontre du titre de perception du 17 juillet 2015 ;

- l'arrêté n° 2009-312 n'a pas été notifié au syndicat de copropriétaires alors qu'il porte sur les parties communes de l'immeuble ;

- le préfet aurait dû déclarer l'immeuble insalubre à titre irrémédiable compte tenu du coût des travaux destinés à remédier à son insalubrité ;

- le titre de perception n'indique pas suffisamment les bases de la liquidation ;

- le coût des travaux est disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête de M. D....

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 65-667 du 10 juillet 1965 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés nos 2009-311 et 2009-312 du 24 février 2009 et un arrêté n° 2009-1177 du 16 juin 2009, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré insalubres les parties communes et les appartements dont M. D... est propriétaire dans un immeuble situé 15 rue Pied de Ville à Digne-les-Bains. L'arrêté n° 2009-311 vise les lots numéros 3, 6 et 7, l'arrêté n° 2009-1177 vise les lots numéros 4 et 5, et l'arrêté n° 2009-312 vise les parties communes. Le préfet a en outre prescrit les travaux destinés à remédier à leur insalubrité.

2. Par deux titres de perception du 17 juillet 2015, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a mis à la charge de M. D... la somme de 128 701,97 euros correspondant aux frais des travaux exécutés d'office sur le fondement des arrêtés nos 2009-311 et 2009-1177, et celle de 155 557,91 euros correspondant aux frais des travaux exécutés d'office sur le fondement de l'arrêté n° 2009-312.

3. M. D... fait appel des jugements nos 1600369 et 1600370 du 15 octobre 2018 par lesquels le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 24 février et du 16 juin 2009, ainsi que des titres de perception du 17 juillet 2015.

4. Les requêtes enregistrées sous les numéros 18MA05242 et 18MA05243 concernent un même requérant et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions dirigées contre les arrêtés du 24 février et du 16 juin 2009 :

5. Le tribunal administratif a rejeté pour tardiveté les conclusions dirigées contre les arrêtés du 24 février et du 16 juin 2009 par des motifs que M. D... ne conteste pas en appel. Les conclusions d'appel de M. D... sur ce point ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre les titres de perception du 17 juillet 2015 :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité des arrêtés du 24 février et du 16 juin 2009 :

6. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

7. Un arrêté pris sur le fondement du II de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique, par lequel le préfet prescrit les mesures adéquates pour remédier à l'insalubrité d'un immeuble, ne forme pas avec le titre de perception, émis par l'autorité administrative sur le fondement de l'article L. 1331-30 du même code en vue de recouvrer le coût des travaux qu'elle a exécutés d'office, une opération comportant entre ces décisions un lien tel que l'illégalité dont l'arrêté d'insalubrité serait entaché puisse, malgré son caractère définitif, être invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre le titre de perception. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'est pas contesté que les arrêtés du 24 février et du 16 juin 2009 sont devenus définitifs faute d'avoir été contestés avant l'expiration du délai de recours contentieux. Le tribunal administratif a ainsi écarté à juste titre comme irrecevables les moyens tirés de l'illégalité des arrêtés du 24 février et du 16 juin 2009 invoqués à l'appui des conclusions dirigées contre les titres de perception du 17 juillet 2015.

En ce qui concerne les autres moyens :

8. Selon le deuxième alinéa de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. " Les titres de perception contestés indiquent les références des arrêtés d'insalubrité prescrivant à M. D... la réalisation des travaux dont le coût est mis à sa charge, et se réfèrent à deux courriers des 16 avril 2014 et 27 mai 2015, qui lui avaient été préalablement notifiés, détaillant le coût de ces travaux. Le moyen tiré de l'absence d'indication des bases de la liquidation manque dès lors en fait.

9. Il résulte des articles L. 1331-27, 1331-28-1 et du II de l'article L. 1331-29 du code de la santé publique que l'arrêté prescrivant la réalisation des travaux destinés à remédier à l'insalubrité d'un immeuble ainsi que la mise en demeure précédent l'exécution d'office de ces travaux doivent être adressés au propriétaire de cet immeuble. En cas de copropriété, l'article L. 1331-28-1 prévoit en outre que " Lorsque les travaux prescrits ne concernent que les parties communes d'un immeuble en copropriété, la notification aux copropriétaires est valablement faite au seul syndicat des copropriétaires qui doit en informer dans les plus brefs délais l'ensemble des copropriétaires. " L'article R. 1331-5 dispose de même que : " Lorsque les mesures prescrites en application du II de l'article L. 1331-28 concernent des parties communes d'un immeuble en copropriété et n'ont pas été exécutées dans le délai imparti pour leur réalisation, la mise en demeure prévue par le II de l'article L. 1331-29 est adressée au syndicat des copropriétaires, pris en la personne du syndic de copropriété, qui, dans le délai de vingt et un jours à compter de la réception, la transmet à tous les copropriétaires. "

10. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas de travaux portant sur les parties communes, la notification prévue à l'article L. 1331-28-1 et la mise en demeure prévue à l'article L. 1331-29 doivent être adressées à l'ensemble des copropriétaires, propriétaires indivis des parties communes en application de l'article 4 de la loi n° 65-667 du 10 juillet 1965. Les dispositions précitées des articles L. 1331-28-1 et R. 1331-5 permettent cependant que ces mesures puissent être régulièrement adressées au syndicat de copropriétaires, à charge pour ce dernier de le transmettre à l'ensemble des copropriétaires.

11. S'agissant des travaux prévus pour les parties communes, il est constant que les copropriétaires de l'immeuble, dont M. D... possédait l'ensemble des lots à l'exception du lot 1, n'avaient pas organisé leur syndicat de copropriété ni désigné de syndic. Le préfet n'a pas commis d'irrégularité en s'abstenant de notifier l'arrêté n° 2009-312 au syndicat de copropriétaires par l'intermédiaire d'un syndic, ainsi que la mise en demeure qui lui a fait suite. Il a en outre mis M. D... en demeure de faire réaliser ces travaux par un courrier du 24 septembre 2009.

12. S'agissant des travaux prévus pour les lots privatifs, M. D... a été mis en demeure de réaliser les travaux concernés par des courriers des 24 septembre 2009 et 26 janvier 2010, dont la preuve de la notification est apportée.

13. Il suit de là que la procédure ayant précédé l'exécution d'office des travaux n'est pas irrégulière.

14. M. D... fait valoir que le coût des travaux destinés à remédier à l'insalubrité excède celui d'une reconstruction à l'identique, ainsi celui de la valeur vénale des biens immobiliers. Il fait en outre valoir que ces travaux, qui ne comprenaient pas le désamiantage, ne sont pas " de qualité " dans la mesure où ils ne lui permettaient pas de revendre au meilleur prix. Il ne conteste ainsi que le bien-fondé des arrêtés d'insalubrité du 24 février et du 16 juin 2009, devenus définitifs ainsi qu'il a été dit ci-dessus. La seule circonstance que le coût des travaux finalement réalisés se soit élevé à la somme de 308 914,21 euros dont 283 792,27 euros à la charge de M. D... alors qu'ils avaient été initialement évalués à 258 820,50 euros ne révèle pas que ce coût serait disproportionné, compte tenu des aléas affectant toute opération de travaux, en particulier pour un opération lourde portant sur un immeuble insalubre.

15. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 octobre 2020.

2

Nos 18MA05242 et 18MA05243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05242-18MA05243
Date de la décision : 12/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-002 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP ALPAZUR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-12;18ma05242.18ma05243 ?
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