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12/10/2020 | FRANCE | N°18MA03570

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 12 octobre 2020, 18MA03570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Propriano à lui verser la somme de 2 285 041 euros en réparation des préjudices subis du fait de la perte de son navire.

Par un jugement n°1700304 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet et 26 octobre 2018, M. D..., représenté par la SCP Delamarre et Jehannin, demande à la Cou

r :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 juillet 2018 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Propriano à lui verser la somme de 2 285 041 euros en réparation des préjudices subis du fait de la perte de son navire.

Par un jugement n°1700304 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet et 26 octobre 2018, M. D..., représenté par la SCP Delamarre et Jehannin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 juillet 2018 ;

2°) de condamner la commune de Propriano à lui verser la somme de 3 086 669 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Propriano une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été répondu aux moyens tirés de ce que le délai de prescription ne pouvait être computé tant que l'étendue des préjudices n'était pas connue et de ce que les dispositions législatives applicables l'empêchaient de déplacer son navire ;

- il est entaché d'une contradiction de motifs ;

- le délai de prescription de la créance ne pouvait commencer à courir qu'à la date à laquelle les dommages étaient stabilisés et connus dans leur intégralité ;

- aucune faute de sa part n'est à l'origine des dommages ;

- la responsabilité pour faute de la commune est engagée ;

- le préjudice est constitué du coût de rachat d'un navire, de son convoyage, de son carénage et de son adaptation ainsi que du coût de déconstruction du navire perdu ;

- doit également être retenue la perte des profits attendus de l'exploitation du navire ;

- aucune indemnisation ne lui a été versée par son assureur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, la commune de Propriano, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance est prescrite ;

- M. D... a commis des fautes à l'origine de ses préjudices ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des douanes ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Propriano.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à voir la commune de Propriano condamnée à lui verser la somme de 2 285 041 euros en réparation des préjudices subis du fait de la perte de son navire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des points 3 et 4 du jugement attaqué que les premiers juges ont relevé, d'une part, que la nature et l'étendue des dommages causés le 17 décembre 2011 au navire de M. D... pouvaient être appréciés sans délai lors du sinistre, d'autre part, que le requérant, s'il soutenait avoir été empêché de déplacer son bien avant le sinistre, n'établissait pas que ce dernier faisait l'objet d'une mesure administrative d'immobilisation. Ce faisant, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par M. D... en réponse à l'exception de prescription et à la faute de la victime dont la commune de Propriano se prévalait en défense, a suffisamment répondu aux moyens invoqués par M. D....

Sur le bien-fondé de la demande de M. D... :

3. Par décision du 16 avril 2008, le maire de la commune de Propriano a refusé de renouveler l'autorisation dont bénéficiait M. D... d'occuper le poste d'amarrage n°14 du port de plaisance et de pêche. Par jugement du 28 mai 2009, le tribunal administratif de Bastia a enjoint à M. D..., à la demande de la collectivité, d'évacuer le poste d'amarrage en cause. L'intéressé ne s'étant pas exécuté, le maire de la commune de Propriano a fait procéder, le 13 avril 2010, au déplacement du navire amarré, l'installant dans un autre bassin du port, le long d'une structure faite de tubes métalliques. M. D... a alors saisi sans succès la juridiction judiciaire, invoquant une voie de fait pour solliciter la réintégration du navire au poste d'amarrage n°14. Le tribunal de grande instance d'Ajaccio, par ordonnance du 22 juin 2010, puis la cour d'appel de Bastia, par arrêt du 6 octobre 2010, ont rejeté sa demande. Toutefois, par un arrêt du 10 juin 2011, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 28 mai 2009, au motif que la décision portant refus de renouvellement de l'autorisation d'occupation du poste d'amarrage était insuffisamment motivée. La cour n'a cependant, eu égard à la nature de l'illégalité en cause, pas enjoint au maire de la commune d'autoriser M. D... à amarrer son navire à son emplacement antérieur, lequel est demeuré dans le bassin où il avait été déplacé malgré la demande de réintégration formulée par le requérant.

4. Le 17 décembre 2011, à l'occasion d'une tempête, les amarres du navire ont cédé et celui-ci a dérivé en heurtant le quai ainsi que d'autres embarcations. Le maire de la commune a alors fait déplacer ce navire dans un autre bassin, de trop faible profondeur, où le bateau a frotté le fond. A la suite de ces incidents, M. D... a fait remorquer le navire dans le port de Sète. Le 6 février 2012, une expertise d'assurance amiable a été réalisée, au cours de laquelle, outre les dommages induits par l'accident, ont été constatés des désordres à bord du navire, divers matériels ayant été dérobés ou endommagés par des tiers et un défaut de maintenance ayant également été relevé.

5. Si, comme indiqué au point 3 et ainsi que le relève aussi la commune de Propriano, la cour administrative de Marseille n'a pas, dans son arrêt du 10 juin 2011, enjoint au maire de la commune d'autoriser M. D... à amarrer son navire à son emplacement antérieur, la juridiction a jugé, dans les motifs de sa décision, que, compte-tenu de l'illégalité dont était entaché le refus de renouvellement d'autorisation d'occupation du domaine public, l'intéressé disposait du droit d'occuper le poste d'amarrage n°14 en vertu de ladite autorisation renouvelée tacitement. Dès lors, en s'abstenant tout à la fois de prendre une nouvelle décision refusant le renouvellement d'autorisation, purgée de l'irrégularité de forme censurée par la juridiction, et de répondre à la demande de M. D... tendant à ce que son navire, transféré vers un lieu d'amarrage provisoire non adapté, retrouve sa place, le maire de la commune de Propriano a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

6. Il n'est par ailleurs pas contesté que le navire a été, à la suite du premier accident, transféré dans un bassin d'une profondeur insuffisante, ce qui est constitutif d'une seconde faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité.

7. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. D... aurait été, postérieurement au 13 avril 2010 et avant la survenance de l'accident le 17 décembre 2011, empêché de déplacer son navire vers un autre port, afin de mettre un terme à l'amarrage provisoire choisi par la commune qu'il estimait inapproprié. D'une part, contrairement à ce qu'il soutient, l'accès au bateau demeurait matériellement possible, par l'usage d'une autre embarcation. D'autre part, il ressort des mentions non contestées de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 6 octobre 2010, que l'administration des douanes avait elle-même indiqué au maire de la commune que le navire avait " déjà pris la mer " au sens des dispositions de l'article 237 du code des douanes et que ce dernier n'était par conséquent pas immobilisé, même si une procédure judiciaire était en cours. Enfin, un tel déplacement n'était pas subordonné à une autorisation de l'autorité portuaire de Propriano en application de l'article L. 5331-7 du code des transports. D'ailleurs, le navire a pu sans difficulté juridique être transféré au port de Sète après l'accident, alors qu'il n'est pas allégué que l'incident du 17 décembre 2011 aurait changé sa situation au regard des dispositions de l'article 237 du code des douanes et de l'article L. 5331-7 du code des transports. Dans ces circonstances, et alors que dans son arrêt rendu le 6 octobre 2010, la cour d'appel de Bastia a rappelé que M. D... était " libre de déplacer son bateau y compris vers un autre port et que dès lors, il lui était loisible de le retirer du lieu d'amarrage dans les meilleurs délais et de quitter le port si cet amarrage provisoire lui paraissait inapproprié ou dangereux ", c'est à bon droit et sans contradiction de motifs que les premiers juges ont estimé que M. D... avait commis une faute en ne prenant pas l'initiative de déplacer son navire afin de le sécuriser et que celle-ci était, compte-tenu de sa gravité, de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité à son égard.

8. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Propriano, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Propriano sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Propriano en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune de Propriano.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 octobre 2020.

N°18MA03570 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03570
Date de la décision : 12/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Causes exonératoires de responsabilité. Faute de la victime.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP DELAMARRE ET JÉHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-12;18ma03570 ?
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