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12/10/2020 | FRANCE | N°18MA00823

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 12 octobre 2020, 18MA00823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... I... et la SARL Patchwork ont demandé au tribunal administratif de Bastia, par deux requêtes enregistrées sous les n° 1601083 et 1601185, d'annuler les arrêtés, respectivement pris les 26 septembre et 10 novembre 2016, par lesquels le maire de la commune de Porto-Vecchio a refusé de délivrer à M. I... un permis de construire un atelier d'imprimerie sur un terrain situé lieu-dit Matonara.

M. A... B... et Mme D... G... ont demandé au tribunal administratif de Bastia, par une première requê

te enregistrée sous le n° 1601140, de déclarer inexistant le permis tacite en dat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... I... et la SARL Patchwork ont demandé au tribunal administratif de Bastia, par deux requêtes enregistrées sous les n° 1601083 et 1601185, d'annuler les arrêtés, respectivement pris les 26 septembre et 10 novembre 2016, par lesquels le maire de la commune de Porto-Vecchio a refusé de délivrer à M. I... un permis de construire un atelier d'imprimerie sur un terrain situé lieu-dit Matonara.

M. A... B... et Mme D... G... ont demandé au tribunal administratif de Bastia, par une première requête enregistrée sous le n° 1601140, de déclarer inexistant le permis tacite en date du 10 septembre 2016 dont M. I... se considère titulaire et, par une seconde requête enregistrée sous le n°1700302, d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2017 par lequel le maire de la commune de Porto-Vecchio a délivré à M. I... le permis sollicité pour une surface de plancher créée de 741 mètres carrés.

Par un jugement n° 1601083, 1601140, 1601185 et 1700302 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2016 et du permis tacite en date du 10 septembre 2016, a rejeté les conclusions présentées reconventionnellement par M. I... et la SARL Patchwork dans l'instance n° 1601140 sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, a rejeté la demande présentée à l'encontre de l'arrêté du 10 novembre 2016 et a annulé l'arrêté du 25 janvier 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 février 2018 et 25 juillet 2019, M. I... et la SARL Patchwork, représentés par Me K..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés des 26 septembre et 10 novembre 2016 par lesquels le maire de la commune de Porto-Vecchio a refusé de délivrer à M. I... un permis de construire, de rejeter les demandes présentées par M. B... et Mme G... devant le tribunal administratif et de condamner ces derniers à leur verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio et de M. B... et Mme G... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté du 10 novembre 2016 est insuffisamment motivé ;

- un permis tacite est né du fait de l'injonction de réexamen prononcée par le tribunal administratif de Bastia le 9 juin 2016 et de l'application des dispositions de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme ; l'arrêté du 10 novembre 2016, portant retrait de ce permis implicite, a été pris sans procédure contradictoire préalable ;

- si tel n'était pas le cas, l'arrêté du 10 novembre 2016 ne pouvait procéder au retrait de ce permis inexistant ;

- le projet est situé en continuité d'un centre urbain existant ; le jugement attaqué et le refus de permis sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse qui est opposé est illégal et son application n'était prévue qu'au mois de novembre 2018 ;

- dès lors qu'ils étaient bien titulaires d'un permis tacite, M. B... et Mme G..., qui n'ont pas justifié que le projet portait atteinte à leurs droits, ont présenté des conclusions tendant à faire constater l'inexistence de ce permis qui excédaient la défense de leurs intérêts légitimes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, Mme G..., représentée par Me C..., conclut à la confirmation du jugement de première instance et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. I... et de la SARL Patchwork au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- l'arrêté du 25 janvier 2017 méconnait les dispositions des articles R. 111-27, R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2019, la commune de Porto-Vecchio, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. I... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 10 novembre 2016 est, en l'absence de toute circonstance nouvelle, purement confirmatif de celui du 21 janvier 2014 ; les conclusions tendant à son annulation sont irrecevables ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le retrait du permis de construire accordé et le refus opposé en dernier lieu à la demande de permis de M. I..., prononcés par arrêté du 25 septembre 2017, étaient devenus définitifs et qu'il n'y avait en conséquence plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 21 décembre 2017 en ce qu'il annule la décision du 25 janvier 2017, rejette la demande présentée à l'encontre de l'arrêté du 10 novembre 2016, et dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 26 septembre 2016 et le prétendu permis tacite du 10 septembre 2016, et d'autre part, à l'annulation des arrêtés des 26 septembre et 10 novembre 2016 ainsi qu'au rejet des conclusions d'annulation de M. B... et Mme G....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., substituant Me K..., représentant M. I... et la SARL Patchwork.

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., gérant de la SARL Patchwork, a demandé le 14 octobre 2013 la délivrance d'un permis de construire pour l'édification d'un atelier d'imprimerie sur un terrain cadastré section D 306, 307 et 308 au lieu-dit Matonara à Porto-Vecchio. Par un arrêté du 21 janvier 2014, le maire de la commune lui a opposé une décision de refus. Par un jugement du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Bastia a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 janvier 2014 et enjoint à l'administration de réexaminer la demande de permis de construire. Le maire a opposé à nouveau une décision de refus à l'intéressé par un arrêté du 26 septembre 2016, contesté devant le tribunal administratif de Bastia dans l'instance enregistrée sous le n° 1601083, puis, après des observations préfectorales, par un nouvel arrêté, en date du 10 novembre 2016, également contesté devant le tribunal administratif de Bastia, dans l'instance enregistrée sous le n° 1601185. Par une ordonnance du 16 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté du 10 novembre 2016 et enjoint au maire de Porto-Vecchio de réexaminer la demande de permis de construire de M. I.... Le 25 janvier 2017, le maire de Porto-Vecchio a accordé à ce dernier ledit permis en précisant que cette décision était prise pour l'exécution de l'ordonnance du 16 décembre 2016 et revêtait un caractère provisoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours en appel formé par la commune à l'encontre du jugement du 9 juin 2016. Cet arrêté du 25 janvier 2017 a été contesté par M. B... et Mme G... devant le tribunal administratif de Bastia, dans l'instance enregistrée sous le n°1700302. Ces derniers ont également demandé au même tribunal, dans une instance enregistrée sous le n°1601140, de constater l'inexistence du permis tacite dont M. I... entendait se prévaloir, en date du 10 septembre 2016.

2. M. I... et la SARL Patchwork relèvent appel du jugement n° 1601083, 1601140, 1601185 et 1700302 du 21 décembre 2017, par lequel le tribunal administratif de Bastia a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2016 et du permis tacite en date du 10 septembre 2016 dont M. I... se prévalait, a rejeté les conclusions présentées reconventionnellement dans l'instance n° 1601140 sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, a rejeté la demande présentée à l'encontre de l'arrêté du 10 novembre 2016 et a annulé l'arrêté du 25 janvier 2017.

Sur les conclusions relatives aux arrêtés des 26 septembre 2016, 10 novembre 2016 et 25 janvier 2017 et au permis tacite du 10 septembre 2016 :

3. Par un arrêt du 10 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement rendu le 9 juin 2016 par le tribunal administratif de Bastia et rejeté la demande présentée par M. I... et la SARL Patchwork tendant à obtenir l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2014, refusant la délivrance du permis de construire sollicité. A la suite de cet arrêt, le maire de Porto-Vecchio a, par un arrêté du 25 septembre 2017, retiré le permis de construire qui avait été accordé le 25 janvier 2017 et de nouveau opposé un refus à la demande de permis présentée par M. I... le 14 octobre 2013. Si les requérants ont contesté cet arrêté du 25 septembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a, par un jugement n° 1701209 du 16 mai 2019, rejeté leur demande. Ce jugement, qui n'a pas été frappé d'appel, est devenu définitif, de même par voie de conséquence, que le retrait du permis de construire accordé et le refus opposé en dernier lieu à la demande de permis de M. I.... Dès lors, sont devenues sans objet les conclusions tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 21 décembre 2017 en ce qu'il annule la décision du 25 janvier 2017, rejette la demande présentée à l'encontre de l'arrêté du 10 novembre 2016, et dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 26 septembre 2016 et le prétendu permis tacite du 10 septembre 2016, et d'autre part, à l'annulation des arrêtés des 26 septembre et 10 novembre 2016 ainsi qu'au rejet des conclusions d'annulation de M. B... et Mme G.... Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2019 : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. / (...) ". Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme dans sa version actuelle : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

5. D'autre part, il résulte des articles L. 123-6, L. 600-2, R. 423-23 et R. 424-1 du code de l'urbanisme et L. 911-2 du code de justice administrative que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision qui a refusé de délivrer un permis de construire impose à l'administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer. En revanche, un nouveau délai de trois mois de nature à faire naître une autorisation tacite ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de sa demande par l'intéressé.

6. Il résulte de ce qui précède, qu'ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, et alors même qu'il avait été enjoint à l'administration de réexaminer la demande dans un délai de deux mois, M. I..., qui n'avait pas confirmé sa demande à la suite du jugement du 9 juin 2016, n'était pas titulaire d'un permis de construire tacite le 10 septembre 2016. Il ne pouvait dès lors, dans l'instance enregistrée sous le n° 1601140 tendant à ce que le tribunal constate l'inexistence d'un tel permis, être regardé comme bénéficiaire d'un permis au sens des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme. Or, seuls les bénéficiaires d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager peuvent se prévaloir de ces dispositions. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme. Leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il rejette ces conclusions doivent par suite être rejetées, de même que celles tendant à ce qu'il en soit fait application dans la présente instance.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune de Porto-Vecchio, de M. B... et de Mme G..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'en faire application au bénéfice de la commune de Porto-Vecchio et de Mme G....

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 21 décembre 2017 en ce qu'il annule la décision du 25 janvier 2017, rejette la demande présentée à l'encontre de l'arrêté du 10 novembre 2016, et dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 26 septembre 2016 et le prétendu permis tacite du 10 septembre 2016, et d'autre part, à l'annulation des arrêtés des 26 septembre et 10 novembre 2016 ainsi qu'au rejet des conclusions d'annulation de M. B... et Mme G....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Porto-Vecchio et par Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... I..., à la SARL Patchwork, à M. A... B..., à Mme D... G... et à la commune de Porto-Vecchio.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 octobre 2020.

N° 18MA00823 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00823
Date de la décision : 12/10/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-05-05-02 Procédure. Incidents. Non-lieu. Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : RICHARD-LENTALI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-12;18ma00823 ?
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