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08/10/2020 | FRANCE | N°19MA02589

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 08 octobre 2020, 19MA02589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H..., M. K... H..., M. B... H..., Mme E... H..., Mme G... H...-N..., Mme D... H...-O..., M. C... H... et Mme J... H..., en qualité d'ayants droit de Mme M... F..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 1 586 269,98 euros en réparation des préjudices subis par leur mère du fait de sa prise en charge par l'hôpital de la Conception

dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H..., M. K... H..., M. B... H..., Mme E... H..., Mme G... H...-N..., Mme D... H...-O..., M. C... H... et Mme J... H..., en qualité d'ayants droit de Mme M... F..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 1 586 269,98 euros en réparation des préjudices subis par leur mère du fait de sa prise en charge par l'hôpital de la Conception dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.

Par un jugement n° 1705279 du 8 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le versement à la succession de Mme F... de la somme de 986 681,64 euros ainsi que les frais d'expertise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2019 et le 18 février 2020, l'ONIAM, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi Avocats, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2019 en tant qu'il a mis à sa charge le versement de la somme de 213 000 euros en réparation des préjudices personnels permanents subis par Mme F... ;

2°) de minorer l'indemnisation mise à sa charge en tenant compte de la date à laquelle est intervenu le décès de Mme F....

Il soutient que :

- le décès de la victime a une incidence sur le montant des sommes allouées au titre de ses préjudices personnels permanents ;

- la durée entre la date de la consolidation de l'état de santé et celle du décès doit être prise en compte pour calculer le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ;

- les autres préjudices ont été suffisamment évalués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2019, MM. et A... H..., en qualité d'ayants droit de Mme F..., représentés par le cabinet d'avocats Preziosi et Ceccaldi, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de l'ONIAM ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement du 8 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 986 681,64 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices subis par Mme F... ;

- de porter à la somme de 1 724 385,98 euros le montant de l'indemnité due à la succession de Mme F... ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les frais d'assistance à expertise et le déficit fonctionnel permanent ont été justement chiffrés ;

- la durée de l'aide par une tierce personne doit être fixée à 24 heures par jour et son coût à 23,89 euros de l'heure ;

- les frais d'assistance d'une tierce personne, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et les préjudices esthétique, d'agrément et sexuel ont été insuffisamment évalués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'ONIAM relève appel du jugement du 8 avril 2019 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge le versement à la succession de Mme F... de la somme de 213 000 euros au titre des préjudices personnels permanents subis par cette dernière. Les ayants droit de la victime demandent, par la voie de l'appel incident, une meilleure indemnisation des préjudices subis par leur mère.

2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le bronchospasme avec hypoxie réactionnelle, consécutif à une allergie au curare, dont a été victime Mme F... lors de la tumorectomie pratiquée le 3 janvier 2011 au sein du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital de la Conception dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, constituait un accident anaphylactique non fautif dont les conséquences dommageables, compte tenu du taux de déficit fonctionnel permanent de la victime, évalué à 80%, devaient être prises en charge au titre de la solidarité nationale.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme F... a eu besoin du 2 juin 2011 au 31 mars 2018 de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de vingt-trois heures par jour tous les jours. Cette aide a été apportée à Mme F... par ses enfants. Les ayants droit de la victime ne justifient pas d'un besoin supérieur, dès lors qu'elle bénéficiait de l'assistance d'une infirmière pour les soins à raison d'une heure par jour. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 31331 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours et d'un taux horaire de 13 euros, fixé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales et non, comme le demandent les requérants, à 23,89 euros dès lors que, comme il a été dit, il ne s'agit pas d'une aide spécialisée. Pour la détermination du montant de l'indemnité due à ce titre, la période de six ans et dix mois qui s'est écoulée entre le 2 juin 2011 et le 31mars 2018, doit être réputée comporter, à raison de 412 jours par an, 2 815 jours et non 2 494 jours, qui est le nombre exact de jours calendaires entre ces deux dates, retenu à tort par les premiers juges qui ont pris en compte une année de 365 jours. Les frais liés à l'assistance par une tierce personne doivent donc être évalués à la somme totale de 841 685 euros, dont il y a lieu de déduire la prestation de compensation du handicap versée par le département des Bouches-du-Rhône à Mme F... du mois d'août 2011 à la fin du mois de mars 2018, d'un montant de 92 456,78 euros. Il suit de là que la somme totale qui doit être mise à la charge de l'ONIAM à ce titre s'élève à 749 228,22 euros.

4. Mme F... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total du 3 janvier au 2 juin 2011 et une période de déficit fonctionnel temporaire au taux de 80 % du 3 juin 2011 au 2 janvier 2013. Le tribunal administratif a fait une évaluation insuffisante de ce préjudice en fixant le montant de sa réparation à la somme de 8 100 euros, qu'il y a lieu de porter à 10 000 euros.

5. Le tribunal administratif n'a pas indemnisé de manière suffisante les souffrances endurées par Mme F... dont l'intensité a été estimée par l'expert à 5 sur une échelle de 1 à 7 en lui allouant la somme de 13 500 euros. Il y a lieu d'apprécier ce préjudice à la somme de 15 600 euros.

6. Mme F... a présenté un déficit fonctionnel permanent au taux de 80%. Il y a lieu pour évaluer ce préjudice de tenir compte, ainsi que le soutient l'ONIAM, du décès intervenu le 11 juillet 2018, cinq ans et demi après la date de consolidation. Il sera, dans ces conditions, fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 30 000 euros.

7. Enfin, compte tenu de la durée effective de sa vie, après consolidation de son état, il sera fait une juste appréciation des préjudices esthétique, d'agrément et sexuel de Mme F... évalués à la date de son décès en lui allouant la somme globale de 1 000 euros.

8. Il suit de là que le montant total des préjudices subis par Mme F... s'élève à la somme de 808 638,22 euros. Cette somme portera intérêt sur sa totalité à compter du 21 juillet 2017, date d'enregistrement de sa requête au tribunal administratif lors de laquelle ils ont été demandé pour la première fois, et jusqu'à la date de paiement de la provision. Pour le surplus de l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM, les intérêts seront calculés à partir du 21 juillet 2017. Ces intérêts seront capitalisés le 21 juillet 2018, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts.

9. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de ramener la somme qui a été mise à la charge de l'ONIAM à 808 638,22 euros, sous déduction de la provision de 521 239 euros qui a été accordée à Mme F... par l'ordonnance du 25 avril 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les ayants droit de Mme F... demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 986 681,64 euros mise à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2019 est ramenée à 808 638,22 euros, dont sera déduite, le cas échéant, la provision de 521 239 euros accordée par l'ordonnance du 25 avril 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017. Ces intérêts seront capitalisés le 21 juillet 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire euxmêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du 8 avril 2019 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions des ayants droit de Mme F... présentées par la voie de l'appel incident et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à M. I... H..., représentant unique des requérants

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,

- M. Sanson, conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

2

N° 19MA02589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02589
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-08;19ma02589 ?
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