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29/09/2020 | FRANCE | N°19MA03608

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 29 septembre 2020, 19MA03608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge et la restitution des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 1701759 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2019 du tribunal adminis

tratif de Nice ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge et la restitution des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 1701759 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la différence de traitement fiscal entre les résidents et non-résidents affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou de Suisse, et les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un Etat tiers induit une restriction aux mouvements des capitaux incompatible avec les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- les prélèvements sociaux mis à sa charge constituent une atteinte au principe de libre circulation des capitaux qui ne saurait être neutralisée par la " clause de gel " prévue à l'article 64 du traité de fonctionnement de l'Union européenne ;

- cet assujettissement méconnaît les stipulations de la convention franco-monégasque signée le 28 février 1952.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., résidant à Monaco, a été assujetti à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale, au prélèvement social, à la contribution additionnelle à ce prélèvement et au prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine dont il a bénéficié au titre des années 2012 à 2014 provenant de biens immobiliers situés en France. M. C... relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge et la restitution de ces cotisations.

2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, applicable depuis le 1er mai 2010 : " Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 11 du même règlement, reprenant le principe antérieurement posé par l'article 13 du règlement 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 : " Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre ". Ce règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une personne affiliée à la sécurité sociale dans un Etat tiers à l'Union européenne autre que la Suisse ou les Etats membres de l'Espace économique européen soit soumise à ces mêmes prélèvements.

3. La circonstance, alléguée par le requérant, que des liens importants existent entre la Principauté de Monaco et l'Union européenne est également sans incidence, dès lors que si l'application du règlement susmentionné a été étendue aux Etats membres de l'Espace économique européen et à la Confédération suisse, elle ne l'a pas été à Monaco. Par suite, M. C..., résidant à Monaco, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de ce règlement qui ne lui sont pas applicables.

4. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes du 1 de l'article 64 de ce traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national (...) en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers (...) ". Les stipulations du 1 de l'article 65 du même traité disposent que : " L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) ".

5. Par l'arrêt du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin contre Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé, C-45/17, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'une législation telle que la législation française relative à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et à la contribution additionnelle à ce prélèvement qui réserve un traitement plus favorable aux ressortissants de l'Union qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre, d'un Etat membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse qu'à ceux qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers, qui est, en principe, interdite par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

6. Elle a cependant jugé qu'une telle restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers était susceptible d'être justifiée, au regard des stipulations du a) du paragraphe 1 de l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, par la différence de situation objective qui existe entre une personne physique, ressortissant d'un Etat membre, mais résidant dans un Etat tiers à l'Union européenne autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l'Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre.

7. Il s'ensuit que la circonstance qu'une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers à l'Union européenne, autre que les Etats membres de l'Espace économique européen ou la Suisse soit soumise, comme les personnes affiliées à la sécurité sociale en France, aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française entrant dans le champ du règlement du 29 avril 2004, alors qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre autre que la France ne peut, compte tenu des dispositions de ce règlement, y être soumise, ne constitue pas une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination des pays tiers, au sens de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, M. C..., résidant à Monaco, n'est pas fondé à soutenir que les contributions en litige ont été mises à sa charge en méconnaissance du principe de libre circulation des capitaux. En outre, s'agissant de restrictions justifiées au regard des stipulations du a) du paragraphe 1 de l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le requérant ne peut utilement soutenir qu'en application du 1 de l'article 64 du traité, seules les restrictions existant au 31 décembre 1993 et concernant des investissements directs seraient admises.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de la convention franco-monégasque de sécurité sociale susvisée : " § 1. Les ressortissants français ou monégasques, salariés ou assimilés aux salariés par les législations de sécurité sociale énumérées à l'article 2 de la présente convention, sont soumis respectivement auxdites législations applicables dans la Principauté de Monaco ou en France, et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces pays. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " § 1. Les travailleurs français ou monégasques salariés ou assimilés aux salariés par les législations applicables dans chacun des pays contractants, occupés dans l'un de ces pays, sont soumis aux législations en vigueur au lieu de leur travail. (...) § 3. Les ressortissants français ou monégasques autres que les travailleurs salariés ou assimilés sont soumis à la législation française concernant les prestations familiales s'ils exercent en France une activité professionnelle. Au cas où ils n'exercent aucune activité professionnelle, ils sont soumis à la législation des prestations familiales françaises s'ils ont en France leur résidence habituelle. (...) ".

9. Contrairement à ce que soutient le requérant, les stipulations de l'article 3 de cette convention n'ont, en tout état de cause, ni pour objet, ni pour effet, de faire obstacle à ce que des revenus du patrimoine perçus par un ressortissant monégasque affilié au régime de sécurité sociale de la Principauté soient imposés aux prélèvements sociaux en cause.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

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N° 19MA03608

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03608
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ASKESIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-29;19ma03608 ?
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