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29/09/2020 | FRANCE | N°19MA03379

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 29 septembre 2020, 19MA03379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 19 avril 2019 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ou, subsidiairement, de suspendre l'exécution de cette obligation de quitter le territoire français jusqu'à la

décision de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un jugement n° 1901961 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 19 avril 2019 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ou, subsidiairement, de suspendre l'exécution de cette obligation de quitter le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un jugement n° 1901961 du 4 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a fait droit à sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2019, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice.

Il soutient que :

- le recours formé par M. A... devant la Cour nationale du droit d'asile est dénué d'effet suspensif et ce recours est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement en litige ;

- il appartenait à l'intéressé de solliciter la suspension de l'exécution de cette mesure d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions du 19 avril 2019 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si (...) l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ". L'article L. 743-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...), le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Selon le I de l'article L. 723-2 auquel il est ainsi renvoyé : " L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Enfin, le premier alinéa de l'article L. 743-3 de ce code prévoit que : " L'étranger (...) qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile déposée par M. A..., ressortissant albanais, a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 mars 2019 statuant en procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est constant que cette décision a été notifiée à l'intéressé le 3 avril 2019. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que M. A..., ressortissant d'un pays d'origine sûr dont la situation entrait dans le champ des dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du même code, ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice, faire l'objet d'une mesure d'éloignement, quand bien même il avait déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a retenu ce moyen pour annuler les décisions litigieuses.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif de Nice.

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

6. En premier lieu, si M. A... indique être titulaire d'un passeport biométrique albanais en cours de validité, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que soit prise à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français fondée sur les dispositions citées ci-dessus du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut (...) décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui est hébergé par une association, disposerait d'un lieu de résidence stable en France. Dès lors, sa situation entre dans le champ des dispositions citées ci-dessus du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.

9. En troisième et dernier lieu, aux termes du III de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. D'une part, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont elle découle ne peut qu'être écarté compte tenu de ce qui précède.

11. D'autre part, M. A..., qui ne dispose d'aucune attache en France où il est entré récemment, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français à son encontre. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes aurait fait une inexacte application des dispositions citées au point 9 en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour prise à son encontre.

Sur les conclusions subsidiaires de première instance de M. A... :

12. Aux termes du second alinéa de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".

13. M. A... n'ayant fait état d'aucun élément sérieux de nature à justifier son maintien en France durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile, ses conclusions, présentées devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice, tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ne pouvaient qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à demander l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2019.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme C..., première conseillère,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

5

N° 19MA03379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03379
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-29;19ma03379 ?
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