Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Colipays International a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules de sociétés qui lui ont été réclamés pour la même période, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1602024 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de la somme de 9 129 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 mai 2019 et le 21 août 2020, la SARL Colipays International, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 mars 2019 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a implicitement mis en oeuvre la procédure d'abus de droit concernant les rectifications relatives à la location des locaux situés à Carqueiranne, sans respecter les garanties prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- les sommes inscrites au crédit du compte courant de la SCI Fontbrun ont été inexactement qualifiées d'avances ;
- la dette inscrite au passif de la société correspond au solde restant dû à M. C... à la suite du rachat de ses parts sociales détenues dans la société Colipays Réunion ;
- l'activité de la société Colipays Réunion, membre du groupe Colipays International, rend nécessaires les nombreux déplacements en métropole de son dirigeant ;
- la société Colipays Réunion, qui exerce une activité constituant le prolongement d'une activité industrielle ou agricole, est éligible au dispositif de défiscalisation prévu aux articles 199 undecies, 217 undecies et 217 bis du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Colipays International ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Colipays International est la société mère d'un groupe fiscalement intégré auquel appartient la société Colipays Réunion, dont elle détient la totalité du capital. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2008 à l'issue de laquelle elle a été assujettie notamment à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Elle relève appel du jugement du 25 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 9 129 euros et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, alors applicable : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré les charges afférentes à la villa Fontbrun et à la villa Coteau Fleuri situées à Carqueiranne dans le résultat imposable de la SARL Colipays International, hormis 12 % des charges de la villa Fontbrun, considérant que M. A... était susceptible d'avoir ponctuellement assuré ses fonctions à partir d'un bureau de 40 m² implanté au sein de cette villa. Il résulte de la proposition de rectification du 30 novembre 2009 que le service a relevé l'absence d'activité professionnelle productive industrielle ou commerciale sur ces sites Fontbrun et Coteau Fleuri. L'administration a notamment indiqué que la villa Fontbrun, dotée d'un terrain de tennis et d'une piscine et située dans un quartier d'habitation a été acquise en avril 2005 pour un montant de 1 550 000 euros par la SCI Fontbrun, dont M. et Mme A... sont associés à 100 %, que d'importants travaux de transformation réalisés entre 2005 et 2008 ont été comptabilisés à l'actif de la société requérante et que cette villa est louée à la SARL Colipays International en vertu d'un bail commercial conclu le 1er octobre 2005 avec la SCI Fontbrun. L'administration a fait valoir, non pas que ce contrat de bail avait été conclu de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt, mais que les charges et travaux relatifs à cette villa n'ont pas été exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation. Il en est de même pour la villa Coteau Fleuri, louée par la société à l'agence Logis-Service, dans laquelle M. A... résidait avec sa famille jusqu'en 2008 lorsqu'il séjournait en métropole. Ce faisant, l'administration ne saurait être regardée comme s'étant placée, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit. Par suite, la SARL Colipays International n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été imposée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et qu'elle aurait été privée de la garantie prévue par ces dispositions dont notamment la saisine du comité de l'abus de droit fiscal.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, alors applicable : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Le fait pour une société commerciale de consentir des avances sans intérêts à un tiers constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
5. Il résulte de l'instruction que la société requérante a consenti à la SCI Fontbrun au cours des exercices en litige des avances en compte courant sans lui facturer d'intérêts. Si la société requérante fait valoir que ces sommes correspondaient au paiement de factures des travaux réalisés à la villa Fontbrun et contractuellement mis à sa charge, elle n'apporte aucun élément de nature à le justifier. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les résultats de la société requérante les intérêts, dont le montant n'est pas contesté, qui auraient dû être perçus en contrepartie de ces avances au titre des exercices en litige.
6. Par ailleurs, pour l'application du 2 de l'article 38, il appartient au contribuable de justifier de l'exactitude des écritures comptables passées, tant dans leur principe que dans leur montant. Si la société requérante soutient que la somme de 104 000 euros portée en comptabilité au 1er juillet 2005 correspond au paiement à M. C... des parts sociales qu'il détenait dans la société Colipays Réunion et produit l'acte de cession des actions daté du 1er août 2004 selon lequel M. C... cède à la société requérante ses parts pour un montant total de 914 200 euros, elle ne justifie pas que des paiements seraient intervenus à la suite dudit acte de cession et que la somme de 104 000 euros constitue le paiement du solde d'acquisition des parts sociales. En l'absence de justification de la dette qu'elle a inscrite au passif de son bilan, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré cette somme dans le résultat imposable de la société.
7. En deuxième lieu, la SARL Colipays International conteste la remise en cause par l'administration fiscale de la déduction des charges relatives à des frais de déplacement au titre des années 2006, 2007 et 2008. Si la société requérante fait valoir que l'activité de la société Colipays Réunion rendait nécessaire de nombreux déplacements en métropole où se trouve notamment son agence de communication et où des tests commerciaux sont réalisés, elle n'apporte cependant au soutien de ce moyen aucun élément nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal au point 12 de son jugement.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 217 undecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant des investissements productifs, diminuée de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'elles réalisent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion pour l'exercice d'une activité éligible en application du I de l'article 199 undecies B. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I de l'article 209 (...) ". Aux termes de l'article 217 bis du même code, dans sa rédaction applicable : " Les résultats provenant d'exploitations situées dans les départements d'outre-mer et appartenant aux secteurs éligibles mentionnés au I de l'article 199 undecies B ne sont retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés que pour les deux tiers de leur montant ". Le I de l'article 199 undecies B de ce code dispose que : " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. Toutefois, n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt les investissements réalisés dans les secteurs d'activité suivants : n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt les investissements réalisés dans les secteurs d'activité suivants : a) Commerce ; (...) i) Les services fournis aux entreprises, à l'exception de la maintenance, des activités de nettoyage et de conditionnement à façon et des centres d'appel ".
9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par les dispositions précitées.
10. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 30 novembre 2009 adressée à la société Colipays Réunion que l'administration a considéré que les investissements réalisés par cette société n'étaient pas éligibles au régime défini par les articles 199 undecies B, 217 undecies et 217 bis du code général des impôts aux motifs que son activité relevait du secteur du commerce, que la société accomplissait des opérations d'achat et de revente, sans transformation des produits, et que les matériels dits d'industrialisation servaient en réalité au conditionnement des produits dans les colis. Il résulte de l'instruction et notamment d'une brochure de présentation datée de l'année 2007 produite par la société requérante, que la société Colipays Réunion, qui se présente comme le premier exportateur de produits frais réunionnais et le premier site internet marchand de la Réunion et de l'Océan Indien, a pour principale activité la commercialisation de produits locaux réunionnais. Cette activité présente ainsi un caractère essentiellement commercial. Si la société requérante soutient que la société Colipays Réunion a développé un procédé industriel de conditionnement des fruits exotiques, notamment des letchis, pour lequel une subvention lui a été attribuée en septembre 2004 pour le " financement du programme visant l'acquisition d'une chaîne de production, conditionnement, convoyage et stockage de fruits " et qu'elle a d'ailleurs déposé à l'Institut national de la propriété industrielle un brevet d'invention, enregistré le 16 décembre 2004, portant sur le " conditionnement longue distance pour fruits frais ", la société Colipays Réunion ne peut pas être regardée comme exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant, son activité consistant essentiellement en une activité de conditionnement, pour son propre compte, de produits achetés auprès de producteurs locaux, et notamment de letchis, au sein de paniers garnis, puis à leur commercialisation, essentiellement par correspondance à des particuliers. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la société Colipays Réunion ne remplissait pas, au cours des années d'imposition en litige, les conditions permettant de bénéficier des dispositifs prévus aux articles 199 undecies B, 217 undecies et 217 bis du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que la SARL Colipays International n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Colipays International est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Colipays International et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 19MA02188
nc