Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... M'A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande du 23 janvier 2018 tendant à la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 1803208 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019, M. M'A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étranger malade " ou " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige méconnaît tant les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celles des articles L. 313-11 11° et L. 313-14 du même code ;
- elle méconnaît les énonciations des circulaires n° NOR INTKI1229185 C du 28 novembre 2012 et n° NOR INTV1631686J du 2 novembre 2016 ;
- elle est contraire à l'accord entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. M'A..., ressortissant sénégalais né le 22 octobre 1987, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour par courrier du 23 janvier 2018 reçu par le préfet des Alpes-Maritimes le 25 janvier 2018, en se prévalant de son état de santé. M. M'A... relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite né du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur leur fondement, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. D'autre part, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire.
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment de plusieurs certificats médicaux établis par le chef du service d'hépatologie du centre hospitalier universitaire de Nice dont celui en date du 23 janvier 2018 que M. M'A... souffre d'une hépatite chronique liée au virus B ayant entraîné des lésions de fibrose sévère au niveau du foie et qu'il bénéficie depuis le 12 juillet 2017 d'un traitement antiviral ainsi que d'une surveillance médicale réitérée tous les six mois pour assurer le suivi de ce traitement. Il ressort également de ces mêmes pièces et notamment du certificat médical établi le 22 septembre 2017 par un praticien hospitalier que le défaut de prise en charge médicale de cette pathologie peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé. Alors que M. M'A... fait valoir qu'à supposer qu'un traitement adapté à sa pathologie existe au Sénégal il ne pourra pas se voir administrer effectivement les soins nécessaires à son état de santé en raison de leur coût, le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a produit ni en première instance ni en appel, n'a versé aux débats aucun document permettant d'établir ni qu'il existerait des possibilités de traitement approprié de l'hépatite B au Sénégal, ni que si tel était le cas, M. M'A... aurait effectivement accès au traitement et à la surveillance médicale adaptée à sa pathologie. Il s'ensuit que le refus implicite né du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur la demande de M. M'A... a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. M'A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite du préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour à raison de son état de santé.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie le cas échéant d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, qui est le seul fondé, en l'état du dossier, et qui n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre une carte de séjour temporaire à M. M'A..., il y a lieu d'enjoindre à cette autorité de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé et de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour au titre de son état de santé dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. M'A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1803208 du 30 avril 2019 et la décision implicite née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur la demande formée le 23 janvier 2018 par M. M'A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. M'A... au titre de son état de santé dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. M'A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... M'A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
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N° 19MA02933
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