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18/09/2020 | FRANCE | N°19MA02623

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 18 septembre 2020, 19MA02623


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour présentée au titre de la vie privée et familiale et, d'autre part, l'arrêté du 23 janvier 2019 par lequel le préfet du Gard a rejeté explicitement cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1900304, 1900516 du

24 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer sur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour présentée au titre de la vie privée et familiale et, d'autre part, l'arrêté du 23 janvier 2019 par lequel le préfet du Gard a rejeté explicitement cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1900304, 1900516 du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision implicite, a annulé l'arrêté du 23 janvier 2019 du préfet du Gard et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juin 2019 et le 16 juillet 2019, le préfet du Gard demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 mai 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est au prix d'une erreur de fait et d'une erreur de droit que le tribunal administratif a estimé que l'arrêté en litige méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2019, M. A..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2019 du préfet du Gard, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour la SELARL BS2A Bescou et Sabatier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le moyen tiré de ce qu'il entre dans la catégorie des étrangers qui relèvent du regroupement familial est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par le préfet du Gard ne sont pas fondés ;

- l'arrêté en litige méconnaît en outre dans ses différentes composantes les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité dont est entaché le refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité dont sont entachés le refus de séjour et la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 1er septembre 1976, a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Sa demande, d'abord implicitement rejetée, a fait l'objet d'une décision de rejet explicite prise par arrêté du 23 janvier 2019 du préfet du Gard, laquelle a été assortie d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision implicite, a annulé l'arrêté du 23 janvier 2019 et a enjoint au préfet du Gard de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois. Le préfet du Gard, qui fait appel de ce jugement, doit être regardé comme en demandant l'annulation de ses articles 2 et 3.

Sur l'appel principal du préfet du Gard :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser à un ressortissant étranger en situation irrégulière la délivrance d'un titre de séjour et de procéder à son éloignement d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entrée en France le 11 avril 2009 sous couvert d'un visa de long séjour pour rejoindre son épouse de nationalité française. Jusqu'à son divorce d'avec celle-ci, il a bénéficié en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", renouvelée en dernier lieu jusqu'au 3 février 2013. Le 13 septembre 2016, il a contracté mariage à Pont Saint-Esprit avec une compatriote titulaire d'une carte de résident qui avait, à la date de l'arrêté contesté, vocation à demeurer sur le territoire français, alors même qu'elle n'y aurait pas exercé d'activité professionnelle. De cette union sont nés deux enfants à Nîmes le 30 août 2017 et le 5 janvier 2019. Si l'intéressé ne justifie pas de sa résidence habituelle en France au cours de la période mai 2014-mai 2015, celle-ci est établie postérieurement à cette période, soit depuis presque quatre ans à la date de l'arrêté contesté. Le second mariage de M. A... étant postérieur à son entrée sur le territoire français, l'intéressé n'était pas au nombre des étrangers ne pouvant légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial sans le respect de cette procédure. Par ailleurs, comme il a été dit au point 2, la circonstance que M. A... relevait, à la date de l'examen de sa demande de titre de séjour, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Ainsi, alors même qu'il a fait l'objet le 30 avril 2014 et le 6 décembre 2016 de précédentes mesures d'éloignement, l'arrêté en litige du 23 janvier 2019 a porté au droit au respect de la vie familiale de M. A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Gard n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé, pour ce motif, son arrêté du 23 janvier 2019.

Sur les conclusions incidentes de M. A... :

5. Aux termes de l'article L. 4 du code de justice administrative : " Sauf dispositions législatives spéciales, les requêtes n'ont pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par la juridiction ". Aux termes de l'article L. 11 du même code : " Les jugements sont exécutoires ". Les articles L. 911-1 et L. 911-2 du même code reconnaissent à la juridiction saisie un pouvoir d'injonction. Saisi, après avoir annulé un refus de délivrance d'un titre de séjour, de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer le titre de séjour en question, il appartient au juge de statuer sur ces conclusions, en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

6. Le jugement du 24 mai 2019 du tribunal administratif de Nîmes, qui a annulé l'arrêté du 23 janvier 2019 du préfet du Gard et enjoint à celui-ci de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de sa notification, n'a pas fait l'objet d'une demande de sursis à exécution sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative. Il est donc exécutoire, sans qu'y fasse obstacle l'appel formé par le préfet du Gard. Il n'est ni soutenu ni même allégué que le préfet du Gard n'aurait pas exécuté l'injonction ainsi prescrite par ce jugement. Par suite, le présent arrêt, qui se borne à rejeter cet appel, n'implique pas que la Cour annule un acte déjà annulé par les premiers juges ni qu'elle prescrive de nouveau une injonction déjà ordonnée par ceux-ci. Au demeurant, il n'est nullement établi, qu'à la date du présent arrêt, M. A... remplirait encore les conditions pour bénéficier de la délivrance ou du renouvellement d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et que le préfet du Gard serait tenu d'y procéder. Les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2019 du préfet du Gard et à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sont manifestement irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Gard est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes de M. A... et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... A... et à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.

2

N° 19MA02623

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02623
Date de la décision : 18/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Voies de recours - Appel.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-18;19ma02623 ?
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