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17/09/2020 | FRANCE | N°20MA00931

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 septembre 2020, 20MA00931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un mois ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1905425 du 14 octobre 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpel

lier l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un mois ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1905425 du 14 octobre 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 26 février et 29 juin 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 octobre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 9 octobre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me C..., qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la somme contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle, soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;

Sur la légalité des décisions contestées :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un mois et l'assignant à résidence pendant quarante-cinq jours méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- s'agissant de la décision d'assignation à résidence, le préfet ne pouvait déduire de son refus de signer le procès-verbal d'audition une volonté de se soustraire à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2020, le préfet de l'Hérault demande à la Cour de rejeter la requête de M. A....

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité sénégalaise, né le 2 octobre 1982, relève appel du jugement du 14 octobre 2019 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un mois ainsi que celle de l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. (...) ".

3. Il résulte des visas et motifs mêmes du jugement attaqué que la magistrate désignée a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'obligation de quitter le territoire français eu égard aux conséquences d'une telle décision sur sa situation personnelle en faisant valoir ses études entreprises en France, lequel était soulevé par M. A... dès sa requête introductive d'instance et n'était pas inopérant. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement du 14 octobre 2019 est entaché d'irrégularité pour n'avoir pas visé ce moyen et ne pas y avoir répondu, et à en demander l'annulation pour ce motif en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la décision du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions du requérant.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il appartient par ailleurs au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Si M. A... déclare être entré régulièrement sur le territoire national le 17 décembre 2018 et s'y être maintenu depuis cette date, il n'était en toute hypothèse, à la date de la décision contestée, présent en France que depuis environ dix mois. L'intéressé, célibataire et sans enfant, soutient sans toutefois l'établir qu'il serait dépourvu d'attaches familiales au Sénégal où il a vécu la majeure partie de son existence et où réside encore sa mère. Si le requérant affirme être titulaire d'un master I en " Gestion informatisée ", il n'en justifie pas, et s'être inscrit au titre de l'année 2019/2020 en Master I " Métiers de l'enseignement, de l'éduction et de la formation ", il produit pour en attester un certificat de scolarité daté du 30 septembre 2019, lequel a été établi moins de dix jours avant la décision contestée. S'il verse au dossier d'appel une convention de stage et une attestation de stage, ces derniers documents sont datés de novembre 2019 et janvier 2020, et donc postérieurs à l'arrêté litigieux. Par ailleurs, le préfet soutient sans être contesté que M. A... n'a jamais sollicité un titre de séjour en qualité d'étudiant ni d'ailleurs à aucun autre titre. Si l'appelant invoque également son inscription à des concours de recrutement des personnels enseignants du 2nd degré pour la session 2020 pour lesquels il a reçu des convocations en mars et avril 2020, il ne produit que son inscription au concours au " CAFEP CAPLP (privé) ", section " économie et gestion option commerce et vente " laquelle n'a été enregistrée que le 10 octobre 2019, soit postérieurement à l'arrêté litigieux. Il n'apporte en outre aucun élément de nature à établir une particulière intégration socio-économique ni le développement de liens personnels et sociaux en France. Par suite, eu égard notamment au caractère particulièrement récent de l'entrée sur le territoire national de M. A... et aux conditions dans lesquelles il a entrepris des études en France, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le centre de ses intérêts privés et familiaux aurait été fixé dans ce pays et que l'arrêté préfectoral contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre et pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait entaché son appréciation de la situation personnelle de l'appelant d'une erreur manifeste.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. Le préfet de l'Hérault ayant refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A..., il pouvait légalement prononcer, en application des dispositions, précitées au point 8 du présent arrêt, du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une interdiction de retour sur le territoire français, en l'absence de circonstances humanitaires invoquées par le requérant, ce qui est le cas en l'espèce.

10. En outre, compte tenu de ce qui a été exposé au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

11. Aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er mars 2019 : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 561-1 du même code, également applicable aux mesures d'assignation à résidence prises sur le fondement de l'article L. 561-2 : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. ".

12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai prise par le préfet de l'Hérault concomitamment à la mesure d'assignation à résidence. Il ressort également des motifs de la décision attaquée que le préfet de l'Hérault a considéré que M. A... justifiait de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il disposait d'un hébergement en résidence universitaire et que son éloignement du territoire français demeurait une perspective raisonnable. La circonstance que l'intéressé n'aurait aucunement exprimé sa volonté de se soustraire à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français n'est pas de nature à faire obstacle à l'édiction de la décision contestée. Par suite, en assignant M. A... à résidence, le préfet de l'Hérault a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne conditionnent pas leur mise en oeuvre à l'existence d'un risque de fuite.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige impose à M. A..., d'une part, de demeurer dans le département de l'Hérault pour une durée de quarante-cinq jours, et, d'autre part, de se présenter, au cours de la période considérée, tous les lundis, mercredis et vendredis à 8 h 30 auprès du commissariat de Montpellier. Le requérant, qui se borne à invoquer des cours qu'il devrait suivre dans le cadre de son cursus universitaire, ne fait valoir aucune circonstance rendant impossible ou excessivement difficile l'accomplissement de ces différentes obligations. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation et de la violation de la vie privée de l'appelant au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, d'une part, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 9 octobre 2019 du préfet de l'Hérault en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, et, d'autre part, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence. Les conclusions présentées par l'avocat de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1905425 du 14 octobre 2019 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il statue sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai prononcé, par arrêté du 9 octobre 2019 du préfet de l'Hérault, à l'encontre de M. A....

Article 2 : La demande d'annulation de la décision précitée portant obligation de quitter le territoire français présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2020.

6

N° 20MA00931

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00931
Date de la décision : 17/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : PACCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-17;20ma00931 ?
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