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22/07/2020 | FRANCE | N°20MA01473

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 22 juillet 2020, 20MA01473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... Buzhiqi a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1906201 du 25 novembre 2019, le magistrat désigné par

la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du préfet des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... Buzhiqi a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1906201 du 25 novembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du préfet des Pyrénées-Orientales portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et assignation à résidence, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2020, M. Buzhiqi, représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier du 25 novembre 2019, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 19 novembre 2019 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement et porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, dans l'attente du réexamen de la situation de son épouse ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal administratif a dénaturé le certificat médical du 20 novembre 2019 relatif à l'état de santé de son épouse ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence d'accès effectif aux soins de son épouse dans son pays d'origine ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à son épouse ;

- son épouse n'a pas été entendue préalablement à l'édiction de la décision de refus de séjour la concernant, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de son épouse méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de son épouse méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- le préfet s'est estimé lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. Buzhiqi ne sont pas fondés.

M. Buzhiqi a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. Buzhiqi, ressortissant albanais, né le 19 juillet 1975, a fait l'objet le 19 novembre 2019 d'une décision du préfet des Pyrénées-Orientales l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'assignant à résidence. Il relève appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 25 novembre 2019, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et fixant le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. Buzhiqi soutient que le premier juge aurait dénaturé une pièce du dossier, une telle erreur, à la supposer établie, relève du bien-fondé de son jugement et est sans incidence sur sa régularité.

3. Le premier juge, qui était chargé de statuer sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre du requérant, s'est prononcé, au point 9 de son jugement, sur l'état de santé de l'épouse de M. Buzhiqi, Mme A..., et a estimé, à cet égard, que les pièces produites au dossier ne permettaient pas d'établir que son état de santé nécessitait son maintien sur le territoire national, et par conséquent, celui de son mari en tant qu'accompagnant, en l'absence de démonstration de l'existence de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour cette dernière en cas de défaut de prise en charge médicale. Par suite, il n'était pas tenu de se prononcer sur l'existence d'un traitement approprié en Albanie. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté serait entaché d'une omission à statuer et serait, pour ce motif, irrégulier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. L'obligation de quitter le territoire français opposée à M. Buzhiqi n'a pas été prise sur le fondement ni en application de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français opposées à son épouse, Mme A.... Dans ces conditions, les moyens, invoqués par la voie de l'exception, tirés de l'illégalité du refus de titre de séjour prise à l'encontre de son épouse en ce que le préfet aurait méconnu le droit de celle-ci à être entendue et en ce que cette décision méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire dont elle a fait l'objet au regard des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés comme inopérants.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. Buzhiqi ne réside en France que depuis deux ans et demi à la date de la décision contestée. Son épouse a fait l'objet, en date du 19 novembre 2019, d'une décision de refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Pyrénées-Orientales ayant estimé, au vu d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 12 juillet 2019, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, l'Albanie. Si M. Buzhiqi produit deux certificats médicaux établis les 20 et 27 novembre 2019 par un psychiatre du Centre hospitalier Léon Jean Grégory, dont le premier fait état de l'hospitalisation de son épouse suite à une décompensation sévère émotionnelle de son état anxiodépressif " directement liée à la décision de la préfecture " et le second mentionne qu'elle est atteinte d'un trouble anxiodépressif assez sévère pour lequel elle bénéficie d'une prise en charge médico-psychothérapeutique associée à un traitement psychotrope depuis février 2018, que son état nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne semble pas apte à voyager, ces documents, qui présentent l'aggravation de l'état de Mme A... comme consécutive à la décision de refus de séjour qui lui a été opposée, sont insuffisants, à eux seuls, pour contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII. En tout état de cause, ils ne permettent pas de conclure à l'impossibilité pour Mme A... de bénéficier effectivement, en Albanie, d'une prise en charge appropriée et, par suite, d'établir que l'état de santé de Mme A... nécessiterait son maintien sur le territoire national et par voie de conséquence, celui de son époux. M. Buzhiqi, qui ne fait état d'aucune intégration particulière dans la société française, n'établit pas, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Albanie, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans et dans lequel la cellule familiale qu'il forme avec son épouse et leurs deux enfants pourra se reconstituer. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. Buzhiqi, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 ci-dessus, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. Buzhiqi.

8. Le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, invoqué dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 10 de son jugement.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. Les moyens tirés de ce que le préfet se serait cru lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile et de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui sont invoqués dans les mêmes termes qu'en première instance, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 13 de son jugement, M. C... ne faisant état, à leur appui, d'aucun élément nouveau en appel.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

10. Le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, formulé dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 16 de son jugement.

11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. La décision interdisant le retour de M. C... sur le territoire français pour une durée d'un an, qui n'a pas pour effet de séparer ses enfants de l'un de leurs parents, ni de priver ces derniers de la possibilité de poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par, le jugement contesté, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 19 novembre 2019 par lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. Buzhiqi est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... Buzhiqi, à Me F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme E..., présidente assesseure,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

2

N° 20MA01473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01473
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;20ma01473 ?
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