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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA03982

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA03982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... G..., alias Amar Amour a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1906245 du 22 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 21 août 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... G..., alias Amar Amour a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1906245 du 22 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 21 août 2019, 28 août 2019 et 20 janvier 2020, M. G..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 22 juillet 2019 ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 15 juillet 2019, et à titre subsidiaire, d'annuler la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente un récépissé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur de fait ;

- cette décision méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elle présente un caractère disproportionné ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les observations de Me F..., représentant M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., alias Amour, de nationalité algérienne, né le 5 septembre 1998, a fait l'objet, le 15 juillet 2019, d'un arrêté par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. G... relève appel du jugement du 22 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. La décision contestée a été signée par Mme C... I..., chef de la section éloignement, qui a reçu, par arrêté n° 13-2018-09-10-002 du 10 septembre 2018, publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, délégation du préfet des Bouches-du-Rhône à l'effet de signer l'ensemble des décisions relevant des attributions exercées par M. K... E..., chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile, notamment les obligations de quitter le territoire français, les décisions relatives au délai de départ volontaire et les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

4. L'obligation de quitter le territoire français vise le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que le requérant n'est titulaire d'aucun titre de séjour en cours de validité et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Elle détaille la situation personnelle et administrative de M. G... et précise qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il est sans enfant, que sa famille réside dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas de l'ancienneté et de l'effectivité de sa relation amoureuse avec une ressortissante française. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences posées par les dispositions précitées.

5. La situation de M. G..., de nationalité algérienne, étant entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision contestée, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. G... est entré récemment en France, dans le courant du mois de juin 2017, selon ses propres déclarations. S'il a entamé une relation avec une ressortissante française, Mme D..., avec laquelle il doit se marier, cette relation est très récente à la date de la décision contestée, M. G... étant, au demeurant, toujours hébergé chez son oncle. Il n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans et où résident sa mère et l'ensemble de sa famille. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. G..., la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 ci-dessus, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. G....

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2 du présent arrêt, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...)".

11. La décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire vise les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne qu'il existe un risque que M. G..., entré irrégulièrement en France, qui n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qui ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, en l'absence de présentation d'un passeport en cours de validité et de justification d'un lieu de résidence permanent, se soustraie à l'exécution d'une mesure d'éloignement. Elle est ainsi suffisamment motivée, en droit comme en fait.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

13. Pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur l'entrée récente de M. G... en France, sur le fait qu'il ne démontre pas avoir résidé habituellement sur le territoire national depuis cette date, sur l'absence de justification de la nature et de l'ancienneté de ses liens sur le territoire national, sur la circonstance qu'il est dépourvu d'attaches familiales en France, en l'absence de démonstration de l'ancienneté et de l'effectivité de sa relation amoureuse avec une ressortissante française et sur la circonstance que sa famille réside en Algérie. Ces éléments, en l'absence de précédente mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé et de toute menace à l'ordre public invoquée par le préfet, ce dernier n'ayant pas fait état, à l'appui de la décision d'interdiction de retour, des faits à l'origine de l'interpellation de M. G... le 15 juillet 2019, sont insuffisants pour justifier le prononcé d'une mesure d'interdiction de retour d'une durée de deux ans. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre cette décision, M. G... est fondé à soutenir que celle-ci est entachée d'erreur d'appréciation et à en obtenir, pour ce motif, l'annulation.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. G... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2019 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

15. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation de la seule décision portant interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de M. G..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance exposés par M. G... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 15 juillet 2019, par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé à l'encontre de M. G... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 1906245 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 22 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. G... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme L..., présidente assesseure,

- Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

2

N° 19MA03982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03982
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : TERZAK

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma03982 ?
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