Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1401736 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Nice a, en son article 1er, réduit la base de l'imposition de 557 009 euros et, en son article 2, rejeté le surplus de leur demande.
Par une requête, enregistrée sous le n° 16MA01477 le 14 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics a demandé à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Nice du 17 décembre 2015 en tant qu'il a partiellement déchargé M. et Mme B... de la cotisation d'impôt sur le revenu qui leur a été assignée au titre de l'année 2008 ;
2°) de remettre à la charge de M. et Mme B... les droits et pénalités dégrevés en exécution de ce jugement soit la somme de 583 746 euros.
Il soutenait que M. et Mme B... ne pouvaient se voir allouer le bénéfice de l'article 202 ter du code général des impôts s'agissant de l'en-cours de production, comptabilisé au 31 décembre 2007 pour un montant de 557 009 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2017, M. et Mme B... ont conclu au rejet de cette requête et au versement à leur profit d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils faisaient valoir que la requête présentée par le ministre des finances et des comptes publics était manifestement tardive.
Par un arrêt n° 16MA01477 du 2 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel formé par le ministre des finances et des comptes publics contre l'article 1er du jugement, a remis à la charge des contribuables l'imposition et les pénalités dont la décharge avait été prononcée par le tribunal.
Par une décision n° 416243, 416244 du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a notamment annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 2 octobre 2017 et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour après renvoi :
Les parties ont été informées, le 2 août 2019, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.
Par un mémoire, enregistré le 9 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics maintient les conclusions de sa requête.
Il soutient en outre que :
- il entend se référer à ses moyens soulevés dans son mémoire en défense du 2 octobre 2018 adressé au Conseil d'Etat dans le cadre du pourvoi en cassation dirigé contre l'arrêt n° 16MA01477 précité de la cour administrative de Marseille et qu'il joint à la présente instance ;
- la dette de taxe sur la valeur ajoutée de 97 005 euros, non contestée par la société, figurant au bilan de l'exercice clos au 31 décembre 2007, a été considérée comme éteinte en 2008 et constitue ainsi un profit imposable.
Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2019, M. et Mme B..., représentés par la SCP Colin-Stoclet, demandent à la Cour de rejeter la requête du ministre et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font en outre valoir que le moyen initialement soulevé par le ministre n'est pas fondé et que celui relatif à la prescription de la dette de taxe sur la valeur ajoutée est inopérant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2010, de la société à responsabilité limitée (SARL) Les Parcs dont M. B... était l'unique actionnaire et gérant, l'administration fiscale, après avoir mis en oeuvre la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal, a évalué les bénéfices réalisés par la société au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008 et, cette société relevant de l'article 8 du code général des impôts, a imposé entre les mains de M. et Mme B... le bénéfice ainsi déterminé au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2008, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Par un jugement du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Nice a réduit le montant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle les contribuables ont été assujettis et rejeté le surplus de leurs conclusions. Par un arrêt du 2 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sous le n°16MA01477, faisant droit à l'appel du ministre contre l'article 1er de ce jugement, remis à la charge de M. et Mme B... la fraction d'imposition dont la décharge avait été prononcée par le tribunal. Par une décision du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi en cassation formé par les époux B..., a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la Cour.
Sur les conclusions du ministre :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;
2. Le 1 de l'article 38 du code général des impôts définit le bénéfice imposable comme le bénéfice net et le 2 de cet article précise que : " le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base ". En outre, aux termes de l'article 202 ter du même code : " I. L'impôt sur le revenu est établi dans les conditions prévues aux articles 201 et 202 lorsque les sociétés ou organismes placés sous le régime des sociétés de personnes défini aux articles 8 à 8 ter cessent totalement ou partiellement d'être soumis à ce régime (...). / Toutefois en l'absence de création d'une personne morale nouvelle, les bénéfices en sursis d'imposition, les plus-values latentes incluses dans l'actif social et les profits non encore imposés sur les stocks ne font pas l'objet d'une imposition immédiate à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux écritures comptables et que l'imposition desdits bénéfices, plus-values et profits demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société ou à l'organisme concerné. / III. Les sociétés et organismes définis aux I et II doivent, dans un délai de soixante jours à compter de la réalisation de l'événement qui entraîne le changement de régime ou d'activité mentionné auxdits I et II, produire le bilan d'ouverture de la première période d'imposition ou du premier exercice au titre duquel le changement prend effet (...) ". Aux termes du 1 de l'article 201 de ce code, dans sa version alors en vigueur : " Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi (...) ".
3. Il en résulte qu'en l'absence de variation d'actif net entre l'ouverture et la clôture de l'exercice, une société n'a dégagé aucun bénéfice imposable et, par suite, aucun bénéfice immédiatement taxable en application de l'article 201 du code général des impôts, relatif à l'imposition des entreprises industrielles ou commerciales lorsqu'elles cessent leur activité, auquel renvoie le I de l'article 202 ter de ce code en cas de changement de régime fiscal d'une société initialement soumise à l'article 8 du même code.
4. Le ministre de l'action et des comptes publics soutient qu'il y a lieu de réintégrer dans le bénéfice imposable de la SARL Les Parcs au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, dernier exercice précédant le changement de régime fiscal de la société ayant opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, une somme de 557 009 euros correspondant à un en-cours de production, au motif qu'en l'absence de production des liasses fiscales et de tout document comptable correspondant aux exercices clos en 2008 et en 2009, cet en-cours devait être regardé comme inscrit au bilan de clôture de l'exercice clos en 2008 et au bilan d'ouverture de cet exercice.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Les Parcs avait comptabilisé à l'actif du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2007 une somme de 557 009 euros. La société n'ayant pas souscrit les déclarations de résultats se rapportant aux exercices clos en 2008 et 2009 et n'ayant pas produit de comptabilité afférente à ces mêmes exercices, l'administration fiscale a pu à bon droit estimer que cette même somme devait être reportée à l'actif du bilan d'ouverture de l'exercice suivant, c'est-à-dire celui clos en 2008, et par voie de conséquence au bilan de clôture du même exercice. Cependant, en l'absence de variation de stock entre le bilan d'ouverture et le bilan de clôture de cet exercice clos en 2008, laquelle n'est pas contestée par l'administration, aucun bénéfice calculé selon les modalités du 2 de l'article 38 du code général des impôts ne pouvait être constaté par cette dernière.
6. Il en résulte qu'en l'absence de bénéfice correspondant à la prise en compte d'un en-cours de production au titre de l'exercice clos en 2008, l'administration fiscale ne pouvait imposer en conséquence les époux B... au titre de l'impôt sur le revenu. Le ministre des finances et des comptes publics n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2008 pour un montant de 557 009 euros ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du ministre des finances et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
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N° 19MA03568