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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA03012

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA03012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une première demande enregistrée sous le numéro 1700355, Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 28 novembre 2016 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune d'Avignon a décidé de la licencier au 31 décembre 2016, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le président l'a radiée des cadres, de condamner le centre communal d'action sociale d'Avignon à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de ses pr

éjudices et d'enjoindre au CCAS de reconstituer ses droits et de procéder à sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une première demande enregistrée sous le numéro 1700355, Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 28 novembre 2016 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune d'Avignon a décidé de la licencier au 31 décembre 2016, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le président l'a radiée des cadres, de condamner le centre communal d'action sociale d'Avignon à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de ses préjudices et d'enjoindre au CCAS de reconstituer ses droits et de procéder à sa titularisation en qualité d'adjoint technique de 2ème classe.

II. Par une seconde demande enregistrée sous le numéro 1700506, Mme C... E... a présenté des conclusions identiques à sa requête numéro 1700355.

Par un jugement n° 1700355, 1700506 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a, après avoir joint ces deux demandes, a annulé les décisions contestées du président du CCAS d'Avignon, a enjoint à cette autorité de réintégrer Mme E... dans ses fonctions et de se prononcer à nouveau sur son aptitude à être titularisée en qualité d'adjointe technique de 2ème classe dans un délai d'un mois, a condamné le CCAS d'Avignon à payer à Mme E... une somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2019 et le 27 mars 2020, le CCAS d'Avignon, représenté par Me Urien, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient annuler les décisions du 28 novembre 2016 au seul motif que le certificat d'affichage de l'arrêté de délégation des signatures consenties à l'auteur de ces décisions avait été établi par un signataire compétent, seule important la preuve de ce que cet arrêté avait été régulièrement publié ; à cet égard, ce certificat d'affichage fait foi jusqu'à preuve du contraire, que Mme E... n'a pas été en mesure d'apporter ;

- à supposer même que seul le président du CCAS d'Avignon puisse valablement attester de la publication régulière d'un acte administratif, il résulte des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'action sociale et des familles que les fonctions du président sont dévolues, en son absence, à son vice-président ;

- en tout état de cause, un nouveau certificat d'affichage a été établi par le maire de la commune le 21 juin 2019 ;

- les autres moyens soulevés par Mme E... en première instance ne sont pas fondés ;

- en l'absence d'illégalité fautive, et alors qu'aucun lien de causalité n'est établi entre les décisions litigieuses et les préjudices invoqués par Mme E..., ses conclusions indemnitaires devront être rejetées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2019, Mme E..., représentée par Me Turin, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation du CCAS d'Avignon à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts.

3°) à ce qu'il soit enjoint au CCAS d'Avignon de procéder à sa titularisation en qualité d'adjoint technique de 2ème classe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réunir une nouvelle fois la commission administrative paritaire ;

4°) à ce que soit mise à la charge du CCAS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- faute de justifier d'une délégation de signature en matière de publicité des actes administratifs réglementaires, la vice-présidente du CCAS ne pouvait attester de l'affichage de l'arrêté de délégation de signature consenti par le maire de la commune ;

- le certificat d'affichage du 21 juin 2019, établi pour les besoins de l'appel, ne prouve pas que cet arrêté aurait été publié et transmis au contrôle de légalité ;

- la décision de licenciement litigieuse est intervenue sans que la commission administrative paritaire n'ait été une nouvelle fois saisie ;

- compte-tenu de la reconstitution rétroactive de sa carrière, il y a lieu de considérer qu'elle était titularisée le 1er novembre 2013, de sorte que le CCAS ne pouvait l'évincer du service au titre de la fin de stage ;

- l'arrêté la réintégrant dans ses fonctions au 1er juin 2016 est une décision créatrice de droits, que le président du CCAS ne pouvait retirer au-delà du délai de quatre mois en décidant de la licencier le 28 novembre 2016 ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, le rapport d'évaluation sur lequel l'administration s'appuie attestant de son sérieux et de son implication ;

- la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle doit s'analyser comme une sanction déguisée, qui n'a pas respecté les garanties procédurales en matière disciplinaire ;

- ces illégalités impliquent nécessairement d'enjoindre à l'administration de la titulariser ;

- elle est fondée, en outre, à obtenir le versement de la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices moral et financier découlant desdites illégalités.

Un mémoire présenté par Me Urien pour le CCAS d'Avignon a été enregistré le 9 juin 2020 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- décret n°92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le décret n°2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me Urien, représentant le CCAS d'Avignon.

Une note en délibéré présentée pour le centre communal d'action sociale d'Avignon a été enregistrée le 3 juillet 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 18 juin 2015 confirmé par un arrêt de cette cour du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 23 octobre 2013 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) d'Avignon a refusé de titulariser Mme E..., adjointe technique de 2ème classe stagiaire depuis le 1er novembre 2011, et l'a radiée des effectifs au terme de son stage, le 1er novembre 2013. Par arrêté du 12 mai 2016, le président du CCAS d'Avignon l'a réintégrée dans ses fonctions puis, par deux décisions du 28 novembre 2016, a, d'une part, informé l'intéressée de son licenciement au 31 décembre 2016 et, d'autre part, l'a radiée des cadres. Par la requête visée ci-dessus, le CCAS d'Avignon demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 mai 2019 en ce qu'il a annulé ces décisions du 28 novembre 2016. Par des conclusions d'appel incident, Mme E... demande, outre le rejet de la requête, qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'indemnité et d'injonction qui ont été rejetées par le jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen d'annulation accueilli par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. "

3. Par certificat du 21 juin 2019, produit pour la première fois en appel, le maire d'Avignon certifie, d'une part, qu'il a été procédé le 25 novembre 2016 à l'affichage de l'arrêté du 18 novembre 2016 par lequel il a, en sa qualité de président du CCAS, délégué sa signature au vice-président à l'effet de prendre, notamment, toute mesure intéressant la gestion du personnel, et, d'autre part, que cet arrêté a été transmis au préfet. Dans ces conditions, le CCAS d'Avignon est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les arrêtés litigieux du 28 novembre 2016 étaient entachés d'incompétence.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif de Nîmes et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme E... :

5. Si les dispositions de l'article 10 du décret susvisé du 22 décembre 2006 ne prévoient la possibilité de proroger qu'une seule fois la période de stage d'un an que doit accomplir l'adjoint technique territorial recruté sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article 8 de ce même décret, la circonstance que le président du CCAS ne s'est pas prononcé sur son aptitude à être titularisée dans le délai que lui avait prescrit le tribunal par son jugement du 18 juin 2015 n'a pas pour autant eu pour effet de la faire bénéficier d'une titularisation tacite à l'expiration de sa période de stage. Elle a ainsi conservé la qualité de stagiaire jusqu'à la date de la décision litigieuse mettant fin à ses fonctions, laquelle doit, dès lors, être regardée comme une décision refusant de la titulariser.

6. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre les décisions contestées, le président du CCAS s'est fondé non, comme il l'aurait dû, sur l'appréciation portée sur la manière de servir de Mme E... en prenant en compte les services qu'elle a accomplis après sa réintégration, mais exclusivement sur sa manière de servir jusqu'à la date à laquelle son stage aurait dû normalement prendre fin, c'est-à-dire la date à laquelle le premier refus de titularisation est intervenu. En procédant de la sorte, le président du CCAS d'Avignon a entaché d'erreur de droit les décisions contestées.

7. En outre, aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 4 novembre 1992 : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé. "

8. Pour prendre la décision de licenciement contestée, l'autorité territoriale ne pouvait légalement se fonder sur l'avis de la commission administrative paritaire du 22 octobre 2013, avant la première mesure de licenciement annulée pour incompétence, sans consulter une nouvelle fois cette instance afin qu'elle se prononce sur la totalité du stage accompli par Mme E.... Cette omission, qui a privé l'intéressée d'une garantie, constitue un vice de procédure entachant la légalité de la décision contestée du 28 novembre 2016.

9. Il résulte de ce qui précède que le CCAS d'Avignon n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision de son président du 28 novembre 2016 et, par voie de conséquence, l'arrêté n°2016-418 du 28 novembre 2016 radiant Mme E... des cadres.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. L'illégalité d'une décision ne constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration que pour autant qu'elle a été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

11. Il résulte de l'instruction, et notamment des comptes-rendus de stage versés à l'instruction, qu'au cours de ses deux premières années de stage, Mme E... a rencontré des difficultés persistantes à réaliser avec sérieux l'ensemble des tâches qui lui étaient confiées, à accepter les consignes données et à entretenir des relations de travail apaisées avec ses collègues, malgré un changement d'affectation intervenu à sa demande. Ses nombreuses absences après sa réintégration, le 1er juin 2016, ne permettent pas, en dépit des quelques progrès dont atteste une de ses supérieures, de s'assurer qu'elle était parvenue à pallier durablement ses insuffisances. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le président du CCAS d'Avignon aurait pris les mêmes décisions s'il n'avait pas commis l'erreur de droit et le vice de procédure relevés, respectivement, aux points 6 et 8. Dès lors, les fautes commises par l'administration en prenant les décisions dont l'annulation est confirmée par le présent arrêt ne peuvent être regardées comme étant à l'origine des préjudices moral et financier invoqués par Mme E.... Il s'ensuit que ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt n'implique pas d'autre mesure que celles ordonnées par l'article 2 du jugement attaqué. Les conclusions incidentes de Mme E... tendant à ce qu'il soit enjoint au président du CCAS d'Avignon de la titulariser dans le corps des adjoints techniques territoriaux doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le CCAS d'Avignon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge du CCAS une somme de 1 000 euros à verser à Mme E....

D É C I D E :

Article 1er : La requête du centre communal d'action sociale d'Avignon est rejetée.

Article 2 : Le centre communal d'action sociale d'Avignon versera à Mme E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de Mme E... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au centre communal d'action sociale d'Avignon.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. Sanson, conseiller,

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

7

N° 19MA03012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03012
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Promulgation - Publication - Notification - Publication.

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Stage - Fin de stage.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : URIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma03012 ?
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