Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... H..., assisté de son curateur, l'union départementale des associations familiales du Var, a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de sa prise en charge le 2 avril 2009 par le service d'aide médicale d'urgence (SAMU) du Var et d'ordonner une expertise.
M. H..., assisté de son curateur l'union départementale des associations familiales du Var, a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer, son assureur, la Société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) et le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Var à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de sa prise en charge le 2 avril 2009 et d'ordonner une expertise.
La caisse de mutualité sociale agricole (MSA) Provence-Azur a demandé au tribunal de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer, la SHAM et le SDIS du Var à lui verser la somme provisionnelle de 151 731,15 euros au titre des débours et la somme de 1 055 au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1302958 - 1702797 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes et les conclusions présentées par la MSA Provence-Azur et mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2019, M. H..., assisté de son curateur l'union départementale des associations familiales du Var, représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 mars 2019 ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer, la SHAM, le SDIS du Var et de la compagnie d'assurances Allianz à lui verser la somme provisionnelle de 150 000 euros à titre indemnitaire ;
3°) d'ordonner une expertise ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer, de la SHAM, du SDIS du Var et de la compagnie d'assurances Allianz la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer est engagée en raison d'un défaut de médicalisation initiale de la victime ;
- une négligence lors du transport et un défaut d'organisation en raison de la durée anormale du transport, de l'absence de reprise de contact avec le médecin régulateur et de la surveillance insuffisante des paramètres vitaux sont imputables au SDIS du Var ;
- ces manquements ont aggravé l'état neurologique ;
- le taux de perte de chance doit être évalué à 30 % ;
- une expertise doit être ordonnée pour évaluer les préjudices.
Par des mémoires, enregistrés le 6 juin 2009 et le 10 juin 2020, la caisse primaire d'assurance maladie du Var déclare ne pas intervenir dans l'instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2019, le SDIS du Var, représenté par la SELARL Cabinet F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. H... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucune faute lourde dans le fonctionnement du service susceptible d'avoir aggravé les conséquences dommageables de la chute ne peut lui être imputée ;
- les négligences commises sont sans conséquences sur l'état initial du patient ;
- la longueur du trajet est justifié par un arrêt pour procéder au basculement de la victime en raison de l'apparition d'une otorragie ;
- le blessé n'a pas chuté du brancard.
Par un mémoire, enregistré le 31 juillet 2019, la compagnie d'assurances Allianz, représentée par la SELARL Abeille et Associés, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- les manquements relevés n'ont pas fait perdre de chance au blessé d'éviter le risque qui s'est réalisé ;
- la durée du trajet n'a pas aggravé l'état de santé du patient ;
- la chute du brancard n'est pas établie ;
- les sommes demandées à titre indemnitaire sont sans lien avec la prise en charge par le SDIS du Var et ne sont pas justifiées.
Par un mémoire, enregistré le 21 août 2019, la MSA Provence-Azur, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 mars 2019 ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer, la SHAM et le SDIS du Var à lui verser la somme de 177 530,49 euros au titre des débours et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et les dépens.
Elle soutient que :
- la gravité de l'état de la victime a été sous-évaluée par le SDIS du Var et le médecin régulateur du SAMU du Var ;
- le transport n'a pas été médicalisé ;
- le SDIS du Var n'a pas lors du trajet vers l'établissement de soins repris contact avec le médecin régulateur contrairement à la recommandation de celui-ci ;
- il n'a pas suivi l'évolution de l'état clinique de la victime ;
- un sanglage aurait évité que le patient ne tombe du brancard ;
- la durée excessive du transport n'est pas justifiée ;
- les fautes commises par la SDIS du Var et le SAMU du Var ont entraîné une perte de chance d'éviter l'aggravation du blessé qui peut être fixé à 30%.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2019, le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer et la SHAM, représentés par Me G..., concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que :
- les conclusions indemnitaires présentées par le requérant et la caisse plus élevées qu'en première instance constituent des demandes nouvelles en appel et sont irrecevables ;
- l'état de santé du blessé n'a pas été sous-estimé au regard des informations données par le SDIS du Var ;
- le transport non médicalisé s'imposait compte tenu du tableau clinique présenté par le SDIS du Var et la brièveté du trajet jusqu'à l'établissement de soins ;
- le SDIS du Var n'a pas respecté la consigne de reprendre contact avec le médecin régulateur en cas d'aggravation de l'état du blessé ;
- le défaut de médicalisation est sans lien avec les séquelles et la perte de chance de voir l'état du patient s'aggraver ;
- l'expertise ne présente pas d'utilité.
M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me A... substituant Me E..., représentant M. H..., de Me F..., représentant le SDIS du Var, et de Me B..., représentant la compagnie d'assurance Allianz.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... relève appel du jugement du 25 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer, de la SHAM et du SDIS du Var à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge le 2 avril 2009 à la suite d'un accident. La MSA Provence-Azur sollicite la condamnation solidaire du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer, de la SHAM et du SDIS du Var à lui verser la somme de 177 530,49 euros au titre des débours exposés pour le compte de son assuré social.
2. L'article L. 14242 du code général des collectivités territoriales dispose que " Les services d'incendie et de secours (...) concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 14241 du même code prévoit que le service départemental d'incendie et de secours comprend un service de santé et de secours médical, qui, en vertu de l'article R. 142424 du même code, participe notamment aux missions de secours d'urgence définies par l'article L. 14242. La responsabilité du SDIS est susceptible d'être engagée dans l'hypothèse d'une faute commise dans le fonctionnement du service ou dans la gestion des moyens humains ou matériels mis en oeuvre pour secourir une personne victime d'un accident ayant contribué à l'aggravation des conséquences dommageables pour cette personne.
3. En vertu des articles L. 6311-1 à L. 6312-5 et R. 63111 à R. 631113 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur, le centre de réception et de régulation des appels du SAMU rattaché à un établissement public de santé est chargé d'assurer une écoute médicale permanente, de déterminer et déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, de s'assurer de la disponibilité des moyens d'hospitalisation, publics ou privés, adaptés à l'état du patient, d'organiser le cas échéant le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires, de veiller à l'admission du patient. En outre, le médecin régulateur est chargé d'évaluer la gravité de la situation et de mobiliser l'ensemble des ressources disponibles (médecins généralistes, structure mobile d'urgence et de réanimation, ambulances), en vue d'apporter la réponse la plus appropriée à l'état du patient et de veiller à ce que les soins nécessaires lui soient effectivement délivrés. A cet effet, le médecin régulateur coordonne l'ensemble des moyens mis en oeuvre dans le cadre de l'aide médicale urgente, vérifie que les moyens arrivent effectivement dans les délais nécessités par l'état de la personne concernée et assure le suivi des interventions. La détermination par le médecin régulateur de la réponse la mieux adaptée se fonde sur trois critères, à savoir l'estimation du degré de gravité avérée ou potentielle de l'atteinte à la personne concernée, l'appréciation du contexte, l'état et les délais d'intervention des ressources disponibles, et repose sur un dialogue avec la personne concernée ou, le cas échéant, son entourage.
4. La seconde expertise ordonnée par le tribunal administratif de Toulon avait pour objet, après que les opérations d'expertise eurent été étendues au SDIS du Var, de préciser, au regard de documents qui n'avaient pas été portés à la connaissance de l'expert lors de la première expertise, les manquements susceptibles d'être imputés au SAMU du Var rattaché au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer et au SDIS du Var lors de la prise en charge du requérant à la suite de sa chute de sa hauteur sur un parking. L'expert indique dans son premier rapport que les carences dans l'évaluation de l'état de la victime ont eu pour conséquence une absence de médicalisation du transport alors qu'il aurait dû l'être. Dans son second rapport, l'expert constate que cette faute ainsi que celle ayant conduit à une chute du patient dans le véhicule du SDIS, n'a pas eu de conséquence. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par M. H..., il n'y a pas de contradiction entre ces deux appréciations, dont la première est relative à l'existence d'une faute et la seconde, aux conséquences des fautes relevées dès lors qu'elles ne concernent pas le même stade du raisonnement de l'expert.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du second rapport d'expertise, que l'erreur sur l'appréciation portée sur l'état de gravité du patient, le défaut de médicalisation du transport de M. H..., la durée excessive de ce transport ainsi que la carence dans la surveillance des constantes vitales de la victime et de rappel du médecin régulateur du SAMU en raison de l'aggravation de son état et l'absence de sanglage du patient sur le brancard n'ont pas contribué à aggraver l'état de santé du requérant dès lors qu'une craniotomie effectuée en urgence a permis de vider l'hématome sous dural dont le diagnostic avait été posé dès l'arrivée au service des urgences de l'établissement de soins et de limiter les séquelles physiques et neuropsychiques imputables au traumatisme crânien. M. H... ne produit aucun élément probant de nature médicale susceptible de remettre en cause les conclusions du dernier rapport de l'expert sur ce point. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que les manquements relevés par l'expert n'étaient pas de nature à engager la responsabilité du SDIS du Var ni du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise ni de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier intercommunal et la SHAM et la recevabilité des conclusions de M. H... tendant à la condamnation solidaire de la compagnie d'assurances Allianz, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la MSA Provence-Azur doivent être rejetées.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La-Seyne-sur-Mer, de la SHAM, du SDIS du Var et de la compagnie d'assurances Allianz, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. H... demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H... la somme demandée par le SDIS du Var et la MSA Provence-Azur au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la MSA Provence-Azur sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du SDIS du Var présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... H..., au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer, au service départemental d'incendie et de secours du Var, à la Société hospitalière d'assurance mutuelle, à la société Allianz Iard, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la caisse de la mutualité sociale agricole Provence-Azur et à l'Union départementale des associations familiales varoises.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2020 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme I..., présidente-assesseure,
- Mme J..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.
La rapporteure,
signé
A. J...Le président,
signé
J.-F. ALFONSI
La greffière,
signé
C. MONTENERO
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
7
N° 19MA02295