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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA02102

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA02102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 867 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des carences de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) à laquelle s'est substituée l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans l'exercice de sa mission de contrôle et de police sanitaire des activités de la société Poly Implant Prothèse (PIP).

Par un jugement n°

1710096 du 11 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 867 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des carences de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) à laquelle s'est substituée l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans l'exercice de sa mission de contrôle et de police sanitaire des activités de la société Poly Implant Prothèse (PIP).

Par un jugement n° 1710096 du 11 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2019, Mme C..., représentée par la SCP Gobert et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 mars 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 867 euros à titre indemnitaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les carences de l'ANSM dans la surveillance et le contrôle de la société PIP ainsi que la méconnaissance du principe de précaution sont la cause de la découverte tardive de la fraude organisée par cette société ;

- la fraude mise en place par la société PIP n'est pas une cause exonératoire ;

- la responsabilité de la société de certification n'est pas susceptible d'être engagée ;

- les préjudices subis sont la conséquence de la faute de l'ANSM.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucune carence ne peut être reprochée à l'ANSM dans son activité de contrôle de la société PIP ;

- l'organisation de la fraude par la société PIP l'a privé de la possibilité d'exercer sa mission de police sanitaire.

La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- Le code de la santé publique ;

- la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 11 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subi à la suite de la pose d'implants mammaires défectueux au mois de février 2003 du fait de la carence fautive de l'AFSSAPS dans sa mission de contrôle et de surveillance du marché des prothèses mammaires fournies par la société PIP, et plus particulièrement du retard à découvrir l'utilisation frauduleuse par celle-ci d'un gel de silicone différent de celui pour lequel elle avait obtenu un certificat de conformité pour la fabrication d'implants mammaires.

2. Les prothèses mammaires constituent des dispositifs médicaux au sens des dispositions de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 et de l'article L. 5211-1 du code de la santé publique.

3. Eu égard tant à la nature des pouvoirs conférés par les dispositions des articles L. 5311-1, L. 5311-2 et L. 5312-1 du code de la santé publique, l'AFSSAPS, à laquelle s'est substituée l'ANSM, établissement public de l'Etat chargé de la police sanitaire relative aux dispositifs médicaux, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, qu'aux buts en vue desquels ces pouvoirs lui ont été attribués, la responsabilité de l'Etat peut être engagée par toute faute commise dans l'exercice de ces attributions.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport intitulé " Etat des lieux de l'ensemble des contrôles effectués sur la société PIP depuis sa création " commandé par le ministre de la santé le 7 décembre 2011 à l'AFSSAPS et remis le 1er février 2012, que du mois de mars 1999 à la date du transfert à l'AFSSAPS de la compétence de surveillance des dispositifs médicaux, antérieurement dévolue à la direction des hôpitaux du ministère chargé de la santé publique, la commercialisation des dispositifs médicaux implantables à visée esthétique faisait l'objet d'une décision de suspension depuis le mois de mai 1998, qui a été suivie le mois suivant par l'entrée en vigueur de la directive européenne du 14 juin 1993 imposant une norme CE pour les dispositifs médicaux. L'AFSSAPS a mis fin à cette mesure générale de suspension pour tous les fabricants le 31 décembre 2000. A partir de cette date, seuls les fabricants pour lesquels les données ne permettaient pas de s'assurer de la conformité de leurs implants aux exigences sanitaires, au nombre desquels se trouvait la société PIP, ont fait l'objet de décisions individuelles de suspension, dans l'attente d'études complémentaires. Au vu des résultats satisfaisants de tests de toxicité, de suintement, et plus généralement relativement aux propriétés physiques, chimiques et mécaniques des prothèses remplies de gel de silicone de marque NuSil(r), fabriquées par la société PIP, la mesure de suspension de la commercialisation de ces produits a été levée par l'AFSSAPS le 18 avril 2001. Il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'à cette date, l'administration aurait disposé d'informations qui auraient dû la conduire à soupçonner que le gel de silicone utilisé par la société dans les implants commercialisés était différent de celui ayant fait l'objet des contrôles. Il n'est pas davantage établi par les pièces produites par Mme C... ni que les autorités sanitaires américaines avaient émis des doutes en 2000 sur l'innocuité du gel employé dans les implants en cause ni que ces informations étaient connues de l'AFSSAPS.

5. Par ailleurs, il résulte de l'instruction et notamment de l'étude des signalements d'incidents relatifs à des implants en silicone, qu'entre les années 2001 et 2003, les taux de rupture des matériels émanant de la société PIP ne sont pas supérieurs à ceux des sept autres fabricants et qu'en 2003, à la suite de contrôles effectués par l'AFSSAPS, la direction des laboratoires du ministère de la santé a réalisé des études de cytotoxicité sur les gels utilisés dans les prothèses de tous les fabricants, dont les résultats obtenus pour la société PIP ont été favorables, de façon identique à ceux des autres fabricants. L'ensemble des incidents des dispositifs médicaux commercialisés par la société PIP ne permettaient ainsi, ni par leur nombre, ni par leur nature, et eu égard à la circonstance que 80 % de leurs signalements, émanaient du fabricant, de mettre en évidence l'éventualité d'un risque anormal présenté par ces prothèses, ou de l'utilisation frauduleuse d'un gel de silicone autre que celui autorisé, qui a été révélée ultérieurement. En outre, pendant cette période et jusqu'à la date d'implantation des prothèses à Mme C..., la société PIP a été régulièrement contrôlée par l'organisme habilité qui a successivement renouvelé ses certifications et n'a transmis aucun élément de suspicion.

6. Par les éléments qu'elle produit, dont le rapport d'information au Sénat du 10 juillet 2012 et le rapport d'information déposé à l'Assemblée Nationale par la commission des affaires sociales le 6 mars 2019, qui sont des documents généraux portant sur l'ensemble des dispositifs médicaux implantables, la requérante ne démontre pas qu'au mois de février 2003, date à laquelle des prothèses de la société PIP lui ont été implantées, l'AFSSAPS disposait d'éléments révélant les risques que pouvaient présenter pour la santé le gel de silicone dont ils étaient remplis et qui auraient dû lui faire soupçonner la fraude révélée en 2010 ou que les contrôles par cette agence, des matériels médicaux de la société PIP, auraient été insuffisants. Par ailleurs, en se bornant à remettre en cause les protocoles de matériovigilance déterminés par le législateur, la requérante n'établit pas que l'AFSSAPS aurait commis une faute en délégant indirectement les missions qui lui sont confiées par les dispositions des articles L. 5311-1, L. 5311-2 et L. 5312-1 du code de la santé publique à un organisme certificateur.

7. Il suit de là que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que Mme C... n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat en raison d'une carence fautive de l'AFSSAPS dans sa mission de contrôle et de surveillance des dispositifs médicaux commercialisés par la société PIP ou d'une violation du principe de précaution.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande indemnitaire. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Danielle C..., au ministre des solidarités et de la santé et à la caisse primaire centrale d'assurances maladie des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme D..., présidente-assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

La rapporteure,

signé

A. E... Le président,

signé

J.-F. ALFONSI

La greffière,

signé

C. MONTENERO

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

5

N° 19MA02102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02102
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute. Application d'un régime de faute simple.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SCP GOBERT et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma02102 ?
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