Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement la commune de La Crau, la société Colas Midi Méditerranée, venant aux droits de la société Screg Sud Est et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à lui verser la somme de 1 093 euros au titre du préjudice matériel et la somme de 9 900 euros au titre du préjudice corporel qu'elle a subis à la suite de l'accident de la circulation survenu le 21 mars 2012.
Par un jugement n° 1503026 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les conclusions tendant à la condamnation de la SMABTP comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a condamné solidairement la commune de La Crau et la société Colas Midi Méditerranée à verser à Mme A... la somme de 5 460 euros et a rejeté l'appel en garantie formé par la commune de La Crau contre la société Colas Midi Méditerranée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 mai 2019 et 8 janvier 2020, la commune de La Crau, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 7 mars 2019 en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec la société Colas Midi Méditerranée à verser Mme A... la somme de 5 460 euros ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener l'indemnisation à de plus justes proportions ;
4°) de condamner la société Colas Midi Méditerranée à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
5°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- sa responsabilité ne peut être engagée dès lors que la cause de l'accident est un cas fortuit ;
- l'existence des préjudices matériels relatifs aux frais d'annulation de voyage et de réparation de téléphone n'est pas établie ;
- les indemnités allouées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent sont excessives ;
- la somme de 1 600 euros réglée à Mme A... par la société Screg Sud Est doit venir en déduction de l'indemnisation accordée ;
- la société Colas Midi Méditerranée, qui vient aux droits de la société Screg Sud Est, laquelle avait installé le panneau litigieux et avait la garde du chantier au moment des faits, doit la garantir intégralement en cas de condamnation dès lors que les travaux ont été réceptionnés postérieurement à ces faits ;
- la responsabilité de cette société est engagée dès lors que l'accord qu'elle a passé avec Mme A... ne constitue pas une transaction.
Par un mémoire enregistré le 28 mai 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Var a déclaré ne pas intervenir dans l'instance.
Par un mémoire et un mémoire rectificatif enregistrés les 12 et 17 juillet 2019, la société Colas Midi Méditerranée et la SMABTP, représentées par Me F..., demandent à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 7 mars 2019 en tant qu'il a condamné la société Colas Midi Méditerranée solidairement avec la commune de La Crau à indemniser Mme A... ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de La Crau ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de ramener l'indemnisation à de plus justes proportions ;
4°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 1 500 euros pour chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la demande formée à l'encontre de la société Colas Midi Méditerranée devant le tribunal était irrecevable eu égard à la transaction intervenue entre Mme A... et la société Screg Sud Est ;
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- la réception des travaux par la commune a transféré la garde de l'ouvrage à celle-ci, maître de l'ouvrage ;
- l'accident a pour origine un cas fortuit et non un défaut d'entretien normal qui serait imputable à la société Colas Midi Méditerranée ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions dirigées contre la SMABTP comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
- c'est également à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions d'appel en garantie formées par la commune de La Crau à l'encontre de la société Colas Midi Méditerranée en l'état de la réception des travaux le 28 mars 2012 ;
- les indemnités allouées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent sont excessives.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2019, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de La Crau et l'appel incident de la société Colas Midi Méditerranée ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulon du 7 mars 2019 en tant qu'il a limité le montant de la condamnation solidaire de la commune de La Crau et de la société Colas Midi Méditerranée à la somme de 5 460 euros et de porter ce montant à 1 093 euros au titre du préjudice matériel et 9 900 euros au titre du préjudice corporel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Crau, de la société Colas Midi Méditerranée et de la SMABTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'accord passé avec l'entrepreneur n'a concerné que les frais de réparation de son véhicule à hauteur de 1 600 euros ;
- la responsabilité sans faute de la commune est engagée dès lors qu'elle a la qualité de tiers vis-à-vis de ce panneau ;
- la matérialité des faits et le lien de causalité sont établis ;
- aucune force majeure ni aucun cas fortuit ne peuvent être retenus ;
- dans l'hypothèse où elle serait regardée comme ayant la qualité d'usager, l'administration n'apporte pas la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage public en cause ;
- elle est fondée à être indemnisée, au titre de son préjudice matériel, des frais du voyage qu'elle a dû annuler et qui ne lui ont pas été remboursés, et des frais de réparation du téléphone portable de la société dont elle est associée, et à obtenir une meilleure indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et de son déficit fonctionnel permanent.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la commune de la Crau, et de Me B..., représentant la société Colas Midi Méditerranée et la SMABTP.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de La Crau relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 7 mars 2019 en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec la société Colas Midi Méditerranée à verser Mme A... la somme de 5 460 euros au titre du préjudice qu'elle a subi à la suite de l'accident de la circulation survenu le 21 mars 2012 et demande, à titre subsidiaire, que l'indemnisation soit ramenée à de plus justes proportions et que la société Colas Midi Méditerranée soit condamnée à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. Par la voie de l'appel incident, la société Colas Midi Méditerranée et la SMABTP, son assureur, demandent l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné la société Colas Midi Méditerranée solidairement avec la commune de La Crau à indemniser Mme A..., à titre subsidiaire, le rejet des conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de La Crau et, à titre infiniment subsidiaire, que l'indemnisation soit ramenée à de plus justes proportions. Mme A... demande quant à elle par la voie de l'appel incident que le montant des condamnations prononcées à son profit soient portées aux sommes de 1 093 euros au titre du préjudice matériel et de 9 900 euros au titre du préjudice corporel.
Sur la responsabilité solidaire de la commune et de la société Colas Midi Méditerranée :
2. L'usager d'une voie publique est fondé à demander réparation du dommage qu'il a subi du fait de l'existence ou du fonctionnement de cet ouvrage ou du fait des travaux publics qui y sont réalisés tant à la collectivité gestionnaire de la voie qu'à l'auteur des travaux dommageables. Il doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre les travaux publics et le dommage. Les personnes ainsi mises en cause ne peuvent dégager leur responsabilité, sauf cas de force majeure ou faute de la victime, qu'en établissant que l'ouvrage était normalement entretenu.
3. D'une part, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, les panneaux de signalisation implantés sur les voies publiques destinés à l'information et à la sécurité des usagers les empruntant constituent des accessoires et non des ouvrages distincts de celles-ci. Mme A..., qui était usager de la voie publique, n'est donc pas fondée à demander que la responsabilité sans faute de la commune de La Crau soit engagée.
4. D'autre part, il résulte de l'instruction, en particulier de l'attestation d'un témoin direct de l'accident, qui présente un caractère probant en dépit de la circonstance qu'elle a été établie le 5 août 2014, que le 21 mars 2012 vers 11 heures et par temps de vent fort, un panneau de signalisation du chantier de voirie alors exécuté pour le compte de la commune de La Crau par la société Screg Sud Est, installé sur le chemin de l'Estagnol et fixé sur un cadre en bois, s'est détaché de ce cadre sous l'effet du vent, est tombé sur la chaussée et est venu percuter le véhicule alors en circulation de Mme A..., laquelle a été prise en charge par les sapeurs-pompiers du centre de secours principal de Hyères pour être conduite au centre hospitalier d'Hyères où elle est arrivée à 11h54. En outre, et alors qu'il est constant que la route était exposée à de fortes rafales de vent, la commune de La Crau et la société Colas midi Méditerranée, venant aux droits de la société Screg Sud Est, ne démontrent pas que des précautions adaptées auraient été prises ce jour-là pour éviter que les panneaux puissent être déplacés ou renversés. Elles n'apportent ainsi pas la preuve qui leur incombe de l'entretien normal de la voie. Dès lors, contrairement à ce qu'elles soutiennent, tant la matérialité des faits que l'existence d'un défaut d'entretien normal sont établis. C'est par suite à bon droit que les premiers juges ont retenu que la responsabilité solidaire de la commune de La Crau, maître de l'ouvrage, et de la société Colas Midi Méditerranée, venant aux droits de l'entrepreneur ayant réalisé les travaux publics, qui ne font valoir aucune faute de la victime ni aucun cas de force majeure, était engagée du fait de ce défaut d'entretien normal.
Sur les préjudices :
5. La circonstance que la société Screg Sud Est a passé un accord avec la société propriétaire du véhicule conduit par Mme A... et accidenté le 21 mars 2012 pour le versement d'une somme de 1 600 euros au titre de l'indemnisation du seul préjudice matériel subi par cette société et a procédé à ce versement est sans influence sur le droit de Mme A... à être intégralement indemnisée de ses propres préjudices par la commune de La Crau et la société Colas Midi Méditerranée.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
6. Il ne résulte pas de l'instruction que le lien de causalité entre l'accident du 21 mars 2012 et, d'une part, le coût d'un voyage qui serait resté à la charge de Mme A... alors qu'elle aurait dû l'annuler en raison de son état de santé consécutif à cet accident ainsi que, d'autre part, les frais de réparation d'un téléphone portable qui aurait été endommagé à l'occasion de ce même accident, soit établi. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes présentées par Mme A... au titre de son préjudice matériel.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Toulon le 13 août 2014, que Mme A... a subi une période de déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 50% du 21 mars au 20 avril 2012, de 25% du 21 avril au 20 juin 2012 et de 10% du 21 juin 2012 au 20 mars 2013. Les premiers juges ont procédé à une évaluation ni excessive ni insuffisante de ce préjudice en allouant à Mme A... à ce titre la somme de 660 euros.
8. Il résulte encore de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les souffrances endurées par Mme A... doivent être évaluées à 2,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges ont procédé à une indemnisation suffisante de ce préjudice en le réparant à hauteur de 2 600 euros.
9. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A..., âgée de 56 ans à la date de consolidation de son état de santé le 21 mars 2013, reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 2 %. Les premiers juges ont procédé à une évaluation ni excessive ni insuffisante de ce préjudice en allouant à ce titre à Mme A... la somme de 2 200 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Crau, la société Colas Midi Méditerranée, la SMABTP en tout état de cause, et Mme A... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que la commune de La Crau et la société Colas Midi Méditerranée ont été condamnées solidairement à verser à Mme A... la somme totale de 5 460 euros.
Sur les conclusions à fin d'appel en garantie :
11. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.
12. Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il résulte de l'instruction que les travaux de voirie qui sont à l'origine de l'accident dont a été victime Mme A... ont fait l'objet d'une réception de travaux avec réserves le 28 mars 2012 et que la levée de ces réserves a eu lieu le 10 mai 2012, que cette réception a mis fin aux rapports contractuels entre la commune de La Crau et la société Screg Sud Est, sans qu'il soit établi, ni même allégué, qu'elle aurait été acquise à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de la part de celle-ci. Les conclusions présentées par la commune de La Crau et tendant à être garantie par la société Colas Midi Méditerranée, venant aux droits de la société Screg Sud Est, doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais de procédure et de rejeter les conclusions qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de La Crau est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Colas Midi Méditerranée et de la SMABTP, ainsi que de Mme A..., y compris celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Crau, à Mme C... A..., à la société Colas Midi Méditerranée et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics.
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme G..., présidente assesseure,
- Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.
La rapporteure,
signé
K. G...Le président,
signé
J.-F. ALFONSI
La greffière,
signé
C. MONTENERO
La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
7
N° 19MA02072