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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA00757

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA00757


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 37 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'absence d'indemnisation des astreintes effectuées en tant que médecin anesthésiste-réanimateur.

Par un jugement n° 1705966 du 17 décembre 2018, le tribunal a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 févri

er 2019 et 11 mai 2020, sous le numéro 1900757, M. E..., représenté par Me C... et Me B..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 37 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'absence d'indemnisation des astreintes effectuées en tant que médecin anesthésiste-réanimateur.

Par un jugement n° 1705966 du 17 décembre 2018, le tribunal a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 février 2019 et 11 mai 2020, sous le numéro 1900757, M. E..., représenté par Me C... et Me B..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2) de condamner l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 35 600 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence d'indemnisation des astreintes effectuées en tant que médecin anesthésiste-réanimateur ;

3) de mettre à la charge de l'ARS la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la minute du jugement attaqué ne comporte pas les signatures requises ;

- le tribunal a omis de statuer sur l'illégalité du contrat pluriannuel d'objectif et de moyen ;

- l'exception de prescription quadriennale soulevée en première instance par l'ARS n'est pas fondée ;

- ni le SROS, ni le CPOM conclu entre l'ARS et le GCS le 31 juillet 2012 et ses avenants, ni le contrat tripartite conclu pour définir les modalités de la mission de service public de PDSES ne prévoient d'indemnisation pour les astreintes des médecins-réanimateurs, alors que leur présence, au demeurant requise par l'article D. 6124-181 du code de la santé publique, est nécessaire pour réaliser des actes de cardiologie interventionnelle ;

- les autres ARS ont inséré dans les CPOM conclus avec les établissements de santé de leurs ressorts l'indemnisation des astreintes effectuées par les anesthésistes-réanimateurs ;

- il subit une rupture d'égalité avec les chirurgiens, qui sont indemnisés de leurs astreintes effectuées dans le cadre du PDSES ;

- il a été placé dans une situation de travail forcé, dès lors qu'il se trouve contraint de travailler sans contrepartie financière ;

- il est en droit d'obtenir le versement de sommes équivalentes aux astreintes réalisées entre 2012 et 2018, soit 35 600euros.

Par un courrier du 17 janvier 2020, l'ARS Provence-Alpes-Côte-d'Azur a été mise en demeure de produire un mémoire en défense, en application de l'article L. 6123 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 13 mars 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement n'est pas fondé ;

- aucun texte n'impose à l'ARS de prévoir des astreintes d'anesthésie dans le volet du SROS consacré à la PDSES, s'agissant spécifiquement de l'activité de cardiologie interventionnelle ;

- les gardes et astreintes organisées par les établissements de soin au titre du dispositif de continuité des soins ne relèvent pas du financement de l'ARS ;

- faute d'être soumis aux mêmes contraintes que leurs collègues cardiologues, et notamment celle d'effectuer des astreintes dans le cadre de la PDSES, les médecins requérants ne sont pas fondés à invoquer le principe d'égalité ;

- le préjudice financier ne présente pas de caractère direct et certain.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- l'arrêté du 14 septembre 2001 relatif à l'organisation et à l'indemnisation des services de garde et à la mise en place du repos de sécurité dans les établissements publics de santé autres que les hôpitaux locaux ;

- les arrêtés du 16 janvier 2012 et du 18 juin 2013 relatifs aux montants et aux conditions de versement de l'indemnité forfaitaire aux médecins libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me B..., pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., médecins anesthésistes réanimateurs exerçant au sein du groupement de coopération sanitaire (GCS) Axium-Rambot d'Aix-en-Provence, a sollicité par courrier du 24 mars 2015 le paiement des astreintes qu'il a effectuées, au cours des années 2012 à 2016, dans le cadre de la permanence des soins en matière de cardiologie interventionnelle pour l'activité d'angioplastie. Le GCS a refusé au motif que la convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens (CPOM) passé avec l'ARS Provence-Alpes-Côte-d'Azur ne prévoyait aucune astreinte pour les anesthésistes en cardiologie interventionnelle. M. E... relève appel du jugement du 17 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à condamner l'ARS à l'indemniser des préjudices résultant de l'absence de rémunération des astreintes qu'il a effectuées.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 28 janvier 2016 : " Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs des missions de service public suivantes : 1 ° La permanence des soins (...) ". Depuis le 28 janvier 2016, l'article L. 6111-1-3 du même code dispose : " Les établissements de santé peuvent être appelés par le directeur général de l'agence régionale de santé à assurer, en tout ou partie, la permanence des soins, dans des conditions définies par voie réglementaire ". En outre, aux termes de l'article L. 6114-1: " L'agence régionale de santé conclut avec chaque établissement de santé ou titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1 un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens d'une durée maximale de cinq ans. " L'article L. 6112-2 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : " (...) Le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens prévu à l'article L. 6114-1 ou un contrat spécifique précise les obligations auxquelles est assujettie toute personne assurant ou contribuant à assurer une ou plusieurs des missions de service public définies au présent article et, le cas échéant, les modalités de calcul de la compensation financière de ces obligations ".

3. D'autre part, en vertu de l'article R. 6112-28 du code de la santé publique, le médecin libéral qui exerce une spécialité médicale répertoriée dans le CPOM et selon les conditions fixées par ce contrat peut être indemnisé par le fonds d'intervention régional mentionné à l'article L. 1435-8 pour sa participation à la permanence des soins assurée par un établissement de santé, dans des conditions déterminées à l'article 2 de l'arrêté du 16 janvier 2012, repris à l'article 2 de l'arrêté du 18 juin 2013, qui dispose : " Les engagements, obligations et modalités de mise en oeuvre de la mission de service public définis au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens sont exécutés au sein de l'établissement dans le cadre d'un ou plusieurs contrats tripartites d'accomplissement de la mission de service public de permanence des soins en établissement de santé conclu(s) entre l'agence régionale de santé, l'établissement et les médecins qui s'engagent à y participer. / Ce (ou ces) contrat(s) est (sont) conclu(s) pour une, plusieurs ou toutes les lignes de permanence retenues dans le cadre du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'ensemble des médecins participant à chacune de ces lignes. L'ensemble des lignes de permanence retenues dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens sont couvertes par ces contrats tripartites. (...) "

4. Enfin, aux termes de l'article D. 6124-181 du code de la santé publique : " Un acte interventionnel sous imagerie médicale, par voie endovasculaire, en cardiologie ne peut être réalisé, y compris en urgence, qu'avec la participation : 1° D'au moins un médecin justifiant d'une formation et d'une expérience dans la pratique d'actes interventionnels, sous imagerie médicale, par voie endovasculaire, en cardiologie attestées selon les modalités précisées par arrêté du ministre chargé de la santé ; un second médecin intervient sans délai, si nécessaire (...) A la demande du médecin qui prescrit ou qui réalise l'acte interventionnel, un médecin anesthésiste-réanimateur est en mesure d'intervenir lors de la prescription et de la réalisation de l'acte ". En outre, selon l'article 6 de l'arrêté susvisé du 14 septembre 2001, le service de garde peut prendre la forme, notamment, d'une astreinte impliquant l'obligation, pour le praticien, de rester à la disposition de l'établissement et de répondre à tout appel.

5. En l'espèce, en vertu du CPOM conclu le 31 juillet 2012 avec l'ARS, modifié par avenant du 19 avril 2015, le GCS Axium-Provence a accepté de prendre en charge, notamment, la mission de permanence des soins en cardiologie interventionnelle, dont la mise en oeuvre, et notamment ses modalités financières, a été précisée dans un contrat tripartite conclu le 13 avril 2012 entre l'ARS, le GCS et les médecins libéraux, conformément aux dispositions précitées de l'arrêté du 16 janvier 2012. Toutefois, l'annexe 1 à ce contrat tripartite ne mentionne que la cardiologie au titre des spécialités requises pour cette permanence des soins en cardiologie interventionnelle. Or, il résulte de l'instruction, et notamment de l'attestation établie le 10 octobre 2016 par le chef de service de l'unité de cardiologie du GCS, que des soins d'anesthésie sont souvent nécessaires avant tout acte de cardiologie interventionnelle, si bien qu'un médecin réanimateur-anesthésiste doit être disponible à tout moment de la prise en charge du patient dans le cadre de la permanence confiée à l'établissement, ainsi d'ailleurs que le prescrivent les dispositions précitées de l'article D. 6124-181 du code de la santé publique. Dans ces conditions, en omettant d'inclure la spécialité anesthésie dans le contrat tripartite conclu le 13 avril 2012, que les médecins anesthésistes-réanimateurs du GCS n'ont du reste pas été invités à signer, l'ARS Provence-Alpes-Côte-d'Azur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de ces derniers, à l'origine du préjudice financier résultant de ce qu'ils n'ont pu bénéficier de la compensation financière prévue à l'article R. 6112-28 du code de la santé publique en contrepartie des astreintes qu'il a effectuées dans le cadre de la mission de permanence des soins en cardiologie interventionnelle.

6. Selon les articles 1ers des arrêtés susvisés du 16 janvier 2012 et du 18 janvier 2013, une période d'astreinte assurée un samedi donne lieu au versement d'une indemnité forfaitaire d'un montant de 100 euros. Cette indemnité est portée à 150 euros pour les astreintes assurées une nuit, un dimanche ou un jour férié.

7. Pour établir la réalité et le montant du préjudice qu'il invoque, le requérant se borne à produire divers tableaux récapitulatifs des astreintes qu'il allègue avoir accomplies en cardiologie interventionnelle. Bien que ces allégations ne soient pas autrement étayées, elles doivent être considérées comme établies, faute pour l'ARS Provence-Alpes-Côte-d'Azur d'avoir répondu à la mise en demeure de produire qui lui a été adressée et en l'absence de tout élément contraire versé à l'instruction. Il résulte de ces tableaux qu'au cours des années 2012 à 2018, M. G... s'est rendu disponible, au titre de ses astreintes, 196 nuits, 28 dimanche, 28 samedi et 4 jours fériés. Dans ces conditions, le montant de son préjudice financier s'élève à la somme de 37 000 euros. Toutefois, il ne peut lui être alloué une indemnité d'un montant supérieur à celle qu'il sollicite, soit 35 600 euros.

8. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par l'ARS Provence-Alpes-Côte-d'Azur devant le tribunal administratif de Marseille.

9. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (..) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Selon l'article 2 de cette loi, la prescription est interrompue, notamment, par toute réclamation écrite ayant trait au fait générateur de la créance, adressée par un créancier à l'autorité administrative.

10. Contrairement à ce que fait valoir l'ARS, le délai de prescription courant contre les préjudices dont le requérant sollicite la réparation n'a pas commencé à courir à compter à compter de l'édiction du SROS arrêté le 30 janvier 2012 ou du CPOM signé le 31 juillet 2012, mais au fur et à mesure des astreintes en contrepartie desquelles il n'a perçu aucune rémunération. La réclamation écrite adressée par courrier du 28 avril 2015 à l'ARS, pour se plaindre de l'absence de tout dispositif prévoyant la rémunération de ses astreintes, a donc interrompu le délai de prescription courant contre la créance correspondant aux astreintes accomplies dès le mois de janvier 2012. Par suite, la créance de M. E... n'était pas prescrite lors de l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Marseille.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice financier résultant de l'absence d'indemnisation de ses astreintes, et à solliciter, à ce titre, la condamnation de l'ARS Provence-Alpes-Côte-d'Azur à lui verser la somme de 35 600 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'ARS Provence-Alpes-Côte-d'Azur, le paiement d'une somme de 2 000 euros à verser au requérant au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés pour l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1705966 du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : L'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur est condamnée à verser à M. E... la somme de 35 600 euros.

Article 3 : L'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur versera à M. E... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. D... E..., à l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme H..., présidente-assesseure,

- M. F..., conseiller,

Lu en audience publique le 22 juillet 2020.

4

N° 19MA007576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00757
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Règles de procédure contentieuse spéciales à la comptabilité publique - Recouvrement des créances.

Santé publique - Professions médicales et auxiliaires médicaux - Permanence de soins (services de garde).


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : VIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma00757 ?
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