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17/07/2020 | FRANCE | N°18MA03095

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 17 juillet 2020, 18MA03095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Comité Mosellan de Sauvegarde de l'Enfance, de l'Adolescence et des Adultes (CMSEA) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat et le département des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 1 598 673 euros en réparation du préjudice financier et du préjudice moral résultant de l'arrêté illégal du 29 juillet 2010 ayant prononcé la fermeture définitive du centre psychopédagogique ELAN qu'il gère.

Par un jugement n° 1600774 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de M

arseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Comité Mosellan de Sauvegarde de l'Enfance, de l'Adolescence et des Adultes (CMSEA) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat et le département des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 1 598 673 euros en réparation du préjudice financier et du préjudice moral résultant de l'arrêté illégal du 29 juillet 2010 ayant prononcé la fermeture définitive du centre psychopédagogique ELAN qu'il gère.

Par un jugement n° 1600774 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2018, le CMSEA, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 mai 2018 ;

2°) de condamner l'Etat et le département des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 1 598 673 euros en réparation du préjudice économique et du préjudice moral subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du département des Hautes-Alpes le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en procédant à la fermeture illégale de l'établissement qu'il gère, l'Etat et le département des Hautes-Alpes ont commis une faute ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la fermeture de l'établissement n'était pas justifiée au fond ;

- il a droit à la réparation de son préjudice financier et moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2019, le département des Hautes-Alpes, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du CMSEA la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le CMSEA ayant saisi de la même demande le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale, qui s'est estimé compétent pour connaître du litige, la demande présentée devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel est irrecevable ;

- l'arrêté de fermeture ayant été édicté par l'Etat, sa responsabilité ne peut être recherchée ;

- la fermeture est justifiée au fond ;

- les sommes réclamées sont contestables dans leur principe et leur montant.

Par des mémoires, enregistrés le 23 septembre 2019 et le 26 mars 2020, le CMSEA conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et ajoute en outre que :

- l'autorisation d'exploitation du centre relevant de la compétence conjointe du préfet et du président du conseil départemental, la responsabilité du département peut aussi être recherchée ;

- la responsabilité de cette collectivité est également engagée, dès lors que le département a été partie prenante des deux procédures d'inspection ayant conduit à la fermeture du centre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du CMSEA la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le CMSEA ayant saisi de la même demande le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale, qui s'est estimé compétent pour connaître du litige, la demande présentée devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel est irrecevable ;

- le centre n'aurait pu remédier aux dysfonctionnements constatés et éviter sa fermeture ;

- le tribunal administratif de Marseille a déjà jugé le 3 novembre 2015 que la fermeture du centre était fondée ;

- les sommes réclamées sont contestables dans leur principe et leur montant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le CMSEA et celles de Me A..., représentant le département des Hautes-Alpes.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 29 juillet 2010, le préfet des Hautes-Alpes a prononcé la fermeture définitive, à compter du 31 juillet suivant, du centre psychopédagogique ELAN, situé à Val des Près, géré par le Comité Mosellan de Sauvegarde de l'Enfance, de l'Adolescence et des Adultes (CMSEA), en raison de dysfonctionnements et carences constatés en 2008 et 2010. Par jugement du 10 avril 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté au motif que la décision de fermeture n'avait pas été précédée d'injonctions de remédier aux dysfonctionnements constatés, conformément aux dispositions de l'article L. 331-5 du code de l'action sociale et des familles. Le CMSEA relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et du département des Hautes-Alpes à réparer les préjudices financier et moral subis résultant de l'arrêté illégal du 29 juillet 2010.

Sur la compétence de la juridiction administrative de droit commun :

2. Il ressort des termes de la requête du CMSEA que ce dernier a entendu demander réparation à l'Etat et au département des Hautes-Alpes du préjudice financier et du préjudice moral résultant de l'arrêté du 29 juillet 2010 du préfet des Hautes-Alpes prononçant la fermeture du centre ELAN, annulé par jugement du 10 avril 2012 du tribunal administratif de Marseille pour un vice de procédure. La juridiction administrative est donc compétente pour connaître de ce litige, quand bien même le CMSEA aurait également saisi le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon aux fins de fixer la tarification 2010 du centre, en application de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles, et que les demandes indemnitaires formulées devant les deux juridictions se recouperaient de façon partielle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 331-5 du code de l'action sociale et des familles alors en vigueur : " Sans préjudice de l'application des dispositions prévues à l'article L. 313-16 si la santé, la sécurité ou le bien-être moral ou physique des personnes hébergées sont menacés ou compromis par les conditions d'installation, d'organisation ou de fonctionnement de l'établissement, le représentant de l'Etat enjoint aux responsables de celui-ci de remédier aux insuffisances, inconvénients ou abus dans le délai qu'il leur fixe à cet effet. S'il n'a pas été satisfait à l'injonction dans ce délai, le représentant de l'Etat ordonne la fermeture totale ou partielle, définitive ou provisoire, de l'établissement ".

4. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une inspection menée du 3 décembre 2007 au 31 mars 2008 au sein du centre ELAN, de graves dysfonctionnements, tenant à l'absence de mise en oeuvre du projet pédagogique, l'existence de carences dans l'organisation administrative et institutionnelle, une défaillance du directeur et un isolement des chefs de service, une perte de repères de l'équipe éducative, l'inadaptation des locaux et une situation financière préoccupante, ont été relevés. Si le CMSEA soutient qu'il a mis en oeuvre après ce rapport d'audit des mesures d'amélioration et que si, en effet, il a nommé un nouveau directeur rétabli dans la plénitude de ses fonctions, un deuxième rapport en date du 23 juillet 2010, suite à une inspection de mars 2010, note la persistance de certains dysfonctionnements. Le rapport relève en effet notamment qu'il existe des problèmes en termes de sécurité, de vétusté et d'inadéquation des locaux, une insuffisance du projet pédagogique et éducatif, une inadéquation entre les moyens en personnel et les besoins des résidents, une insuffisante qualité de leur prise en charge, une insuffisante qualification et formation du personnel d'encadrement et la persistance des difficultés managériales. Il ne résulte pas de l'instruction que le CMSEA aurait été en mesure de remédier, compte tenu notamment de leur nature, aux dysfonctionnements constatés si des injonctions lui avaient été adressées antérieurement à l'édiction de l'arrêté du 29 juillet 2010. Dans ces conditions, cet arrêté étant justifié au fond, et alors même qu'il a été annulé pour un vice de procédure, le CMSEA n'est pas fondé à demander que l'Etat et en tout état de cause le département des Hautes-Alpes, qui n'est pas co-signataire de l'arrêté litigieux, soient condamnés à réparer les préjudices subis du fait de cette fermeture.

6. Il résulte de ce qui précède que le CMSEA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat et du département des Hautes-Alpes à réparer les préjudices résultant de l'arrêté du 29 juillet 2010.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et du département des Hautes-Alpes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme demandée par le CMSEA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CMSEA la somme réclamée par l'Etat et par le département sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du Comité Mosellan de Sauvegarde de l'Enfance, de l'Adolescence et des Adultes est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat et du département des Hautes-Alpes présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Comité Mosellan de Sauvegarde de l'Enfance, de l'Adolescence et des Adultes, au département des Hautes-Alpes et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

2

N° 18MA03095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03095
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.

Santé publique - Protection de la famille et de l`enfance - Maisons d'enfants à caractère sanitaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : PUISSANT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-17;18ma03095 ?
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