Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Vita et M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Mandrier-sur-Mer pris, au nom de l'Etat, en date du 29 avril 2015 portant interruption immédiate des travaux sur l'unité foncière cadastrée section B n° 358, située 40 avenue de la Corniche d'Or sur le territoire de la commune.
Par un jugement n° 1502164 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2018, la SCI Vita et M. et Mme D... E..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Mandrier-sur-Mer pris, au nom de l'Etat, en date du 29 avril 2015 portant interruption immédiate des travaux ;
3°) d'enjoindre à la commune de procéder au retrait des scellés apposés sur le C... d'entrée de leur propriété, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Mandrier-sur-Mer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier pour s'être abstenu de répondre à leur demande de sursis à statuer et pour insuffisance de motivation notamment au regard de l'existence de la pièce dont la création est reprochée ;
- l'arrêté est entaché d'erreurs de droit s'agissant de la procédure contradictoire ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'amende pour recours abusif n'est pas justifiée.
Par un mémoire, enregistré le 9 mai 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête de la SCI Vita et de M. et Mme E... ne sont pas fondés.
Par une lettre du 24 juin 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la circonstance que l'administration était en situation de compétence liée en l'absence d'autorisation d'urbanisme pour ordonner l'interruption de travaux.
Par un mémoire en réponse à la lettre du 24 juin 2020, enregistré le 30 juin 2020, les requérants soulignent que l'administration n'était pas en situation de compétence liée et maintiennent leurs conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. C... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SCI Vita et M. et Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 29 avril 2015, le maire de de Saint-Mandrier-sur-Mer a pris, au nom de l'Etat, un arrêté portant interruption immédiate des travaux sur l'unité foncière cadastrée section B n° 358, située 40 avenue de la Corniche d'Or sur le territoire communal. Par la présente requête, M. et Mme E... et la SCI Vita dont ils sont les gérants relèvent appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le tribunal a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Les requérants font valoir que le jugement attaqué est irrégulier faute notamment de s'être prononcé sur leur demande de sursis à statuer. Il ressort du dossier de première instance que de telles conclusions figuraient dans un mémoire complémentaire enregistré le 10 janvier 2018 qui a été communiqué avant la clôture de l'instruction. Il ressort toutefois du dossier que les premiers juges n'ont pas répondu à de telles conclusions, qui ne figurent d'ailleurs pas dans les visas du jugement. La circonstance que les requérants aient soutenue devant le tribunal que dans l'hypothèse où la juridiction administrative ne serait pas compétente pour apprécier le caractère infractionnel des faits reprochés, ce qui est effectivement le cas, il serait d'une bonne administration de la justice de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal, est sans incidence. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à cet effet, les premiers juges ont, dès lors, entaché leur jugement d'irrégularité.
3. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. et Mme E... et la SCI Vita.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 applicable au présent litige et relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle l'autorité compétente ordonne l'interruption des travaux au motif qu'ils n'ont pas été précédés d'une autorisation de construire, qui est au nombre des mesures de police devant être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979, ne peut intervenir qu'après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations.
5. Les appelants soutiennent que l'arrêté interruptif de travaux en litige serait fondé sur un motif tiré de la création d'une pièce supplémentaire pour lequel ils n'auraient jamais été mis à même de présenter leurs observations. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du maire du 8 avril 2015, les intéressés ont été mis en mesure de présenter leurs observations, dans un délai de sept jours, lequel au demeurant a été prolongé de fait jusqu'à la réception effective des observations écrites adressées au maire par lettre du 22 avril 2015. Ce courrier du 8 avril 2015 faisait état de " travaux entrepris, sans autorisation, aux fins de transformer un abri de jardin en habitation ", infraction constatée dans le procès-verbal joint en date du 7 avril 2015 et dont les intéressés ne contestent pas avoir eu notification avant de faire valoir leurs observations, et précisait les griefs reprochés dont, en particulier, celui tiré d'une " pièce ... en cours de construction " mentionnée dans l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire n'est dès lors pas fondé.
6. En second lieu, l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.
7 En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en dépit de l'arrêt de relaxe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 septembre 2019, qu'à la date de la décision attaquée les faits reprochés par le procès-verbal d'infraction, qui fait " foi jusqu'à preuve du contraire " en vertu de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme applicable, malgré une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Toulon le 15 mai 2018, ne sont remis en cause par aucun élément du dossier et sont avérés notamment s'agissant de la création d'une pièce supplémentaire. L'arrêté ne méconnait ainsi pas les dispositions des articles L. 421-1, L. 480-2 ou L. 480-4 du code de l'urbanisme.
8. Il résulte de ce qui précède que la SCI Vita et M. et Mme E... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté en cause.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
9. L'exécution du présent arrêt n'implique pas de mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions aux fins d'injonction présentées par les requérants.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
11. En tout état de cause, les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCI Vita et de M. et Mme E... qui doivent être regardés, dans la présente instance, comme la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 février 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SCI Vita et M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Vita, à M. et Mme D... E... et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée à la commune de Saint-Mandrier-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, où siégeaient :
M. C..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
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N° 18MA01956
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