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17/07/2020 | FRANCE | N°18MA01454

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 17 juillet 2020, 18MA01454


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 2 juin 2015 par laquelle le conseil municipal de la Seyne-sur-Mer a fixé la dénomination de plusieurs voies du quartier Berthe.

Par un jugement no 1502643 du 1er février 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1e

r février 2018 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler la délibération du 2 juin 2015 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 2 juin 2015 par laquelle le conseil municipal de la Seyne-sur-Mer a fixé la dénomination de plusieurs voies du quartier Berthe.

Par un jugement no 1502643 du 1er février 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er février 2018 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler la délibération du 2 juin 2015 du conseil municipal de la Seyne-sur-Mer ;

3°) de mettre à la charge de la commune de la Seyne-sur-Mer la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la " commission de dénomination issue du Quartier Nord ", à l'origine des propositions de dénomination, n'a pas été régulièrement constituée, et s'est prononcée dans des conditions irrégulières ;

- le conseil municipal s'est cru à tort lié par les propositions de cette commission ;

- le choix d'attribuer à une rue le nom de D... C... est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il ne poursuit aucun but d'intérêt public local ;

- il porte atteinte à l'ordre public ;

- la commune n'avait pas justifié en première instance de frais spécifiques susceptibles de donner lieu à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2018, la commune de la Seyne-sur-Mer, représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête présentée par M. A... ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus lors de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- les observations de Me F..., représentant la commune de La Seyne-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... A..., conseiller municipal de la Seyne-sur-Mer, fait appel du jugement du 1er février 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant l'annulation de la délibération du 2 juin 2015 par laquelle le conseil municipal de la Seyne-sur-Mer a fixé la dénomination de plusieurs voies du quartier Berthe, dont une " rue Yasser C... ".

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération contestée :

2. Le premier alinéa de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires de la commune. ". La fixation de la dénomination des voies publiques ne figure dans aucune des catégories de décisions que le maire est habilité à prendre seul en vertu des articles L. 2122-21 et suivants du même code. Il appartient ainsi au conseil municipal de délibérer concernant les dénominations des voies publiques.

3. L'article L. 2121-10 du même code prévoit que la convocation du conseil municipal est faite par le maire, et l'article L. 2121-12 qu'une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal dans les communes de 3 500 habitants et plus.

4. Il ressort des pièces du dossier que le maire de la Seyne-sur-Mer a confié à une " commission de dénomination issue du quartier Nord " composée d'une adjointe de quartier, d'agents de la commune, de membres d'une association de locataires et d'autres habitants du quartier, le soin de procéder, en concertation avec les habitants, à des propositions de dénomination de voies et lieux publics. Ces propositions ont été reprises par le projet de délibération adressé aux membres du conseil municipal, que celui-ci a ensuite adopté lors de la séance du 2 juin 2015. Ainsi que l'avait indiqué la commune en première instance, ce projet de délibération, eu égard à son contenu, tenait lieu de note explicative de synthèse en application de l'article L. 2121-12 cité ci-dessus.

5. Quand bien même cette démarche avait pour but de mieux associer les habitants aux décisions qui les concernent, elle ne constitue pas une consultation du public décidée par l'administration en dehors des cas régis par des dispositions législatives et réglementaires. Elle ne constitue pas plus une demande par laquelle l'autorité compétente, à savoir le conseil municipal, aurait sollicité l'avis d'un organisme consultatif sur un projet de texte sans y être légalement tenue. En outre, il ne ressort des pièces du dossier ni que cette " commission de dénomination " soit un groupe de travail composé de conseillers de quartier, qui aurait été établi au sein du conseil du quartier Nord en application de l'article 4.c de la délibération du conseil municipal du 27 novembre 2012 relative aux modalités de fonctionnement des conseils de quartier, ni que le conseil du quartier Nord se soit prononcé sur les dénominations proposées. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la commune de la Seyne-sur-Mer, cette démarche ne constitue pas non plus une modalité par laquelle le maire aurait associé un conseil de quartier à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des actions intéressant le quartier sur le fondement de l'article L. 2143-1 du code général des collectivités territoriales.

6. En réalité, la démarche décrite au point 4 visait simplement à préparer le projet de délibération adressé aux membres du conseil municipal, qui, ainsi qu'il a été dit, valait note explicative de synthèse. La préparation de ce document n'est soumise à aucun formalisme particulier. Alors même qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui en faisait obligation, il était loisible au maire de s'appuyer à cette fin sur les propositions d'un groupe de travail local composé d'une élue municipale, d'agents de la commune et d'habitants, dont le fonctionnement n'avait pas non plus été préalablement soumis à un formalisme particulier. Il suit de là que les moyens par lesquels M. A... conteste la régularité de la constitution de la " commission de dénomination issue du quartier Nord " et les modalités de son fonctionnement sont inopérants et doivent être écartés.

En ce qui concerne la légalité interne de la délibération contestée :

7. En premier lieu, il ressort du procès verbal de la séance du 2 juin 2015 que les conseillers municipaux ont débattu de l'opportunité de suivre les propositions émanant de la commission de dénomination sans s'être crus juridiquement tenus de les reprendre. Le sens de la délibération a d'ailleurs été acquis à la majorité des voix par 37 votes favorables, deux élus ayant voté contre et six autres s'étant abstenus. Le moyen tiré de ce que le conseil municipal aurait méconnu l'étendue de sa compétence ne peut donc être accueilli.

8. En deuxième lieu, la dénomination des voies publiques d'une commune répond à un intérêt public local, quand bien même la personnalité dont le nom est choisi pour désigner une rue n'avait pas entretenu de rapports particuliers avec la commune.

9. En troisième lieu, il ressort de la délibération attaquée que le conseil municipal de la Seyne-sur-Mer a décidé de nommer la rue de 197 mètres comprise entre l'avenue Jean-Albert Lamarque et le boulevard Jean Rostand " rue Yasser C... - 1929-2004 - Prix Nobel de la Paix 1994 ", en vue d'honorer sa contribution à la préparation d'un accord de paix avec l'Etat d'Israël, ainsi que sa qualité de premier président de l'Autorité palestinienne, de son élection en 1996 à sa mort en 2004. Le même quartier comporte par ailleurs une avenue Yitzhak Rabin, ancien Premier ministre israélien et co-récipiendaire du prix Nobel de la Paix avec Yasser C... en 1994. Si Yasser C... reste aujourd'hui, dans le contexte du conflit israélo-palestinien, une figure contestée par une partie de l'opinion, et que M. A... lui impute en outre la situation du peuple palestinien, le conseil municipal de la Seyne-sur-Mer, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour délibérer sur la dénomination des voies publiques, pouvait tenir compte de son rôle historique, rappelé ci-dessus, et de l'intérêt exprimé au plan local pour cette personnalité, et plus généralement pour le processus de paix israélo-palestinien, pour donner son nom à une voie publique sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation. En outre et contrairement à ce que soutient M. A..., la circonstance que cette délibération ait été adoptée avec les voix de plusieurs conseillers municipaux élus sous l'étiquette du Front national est sans incidence sur son bien-fondé.

10. Enfin, le fait que quelques dizaines de personnes se soient librement exprimées pour réagir au choix de la commune par des commentaires postés sur la page Facebook du requérant et d'un autre conseiller municipal n'est à l'origine d'aucun trouble à l'ordre public. Le fait qu'une des plaques portant indication de la rue Yasser C... ait été peinte en noir, à le supposer même avéré, ne révèle pas non plus un risque de trouble à l'ordre public de nature à rendre illégale la dénomination choisie par le conseil municipal.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 2 juin 2015 de la commune de la Seyne-sur-Mer.

Sur les frais liés au litige en première instance :

12. La commune de la Seyne-sur-Mer, qui n'avait pas eu recours au ministère d'un avocat, n'a fait état, devant le tribunal administratif ou la présente Cour, de frais spécifiques qu'elle aurait exposés pour se défendre en première instance. C'est ainsi à tort que le tribunal administratif a mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de la Seyne-sur-Mer en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il convient, en conséquence, d'annuler l'article 2 du jugement attaqué et de rejeter les conclusions présentées par la commune de la Seyne-sur-Mer devant le tribunal administratif de Toulon sur le fondement de cet article.

Sur les frais liés au litige en appel :

13. Il n'y a pas lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros à la commune de la Seyne-sur-Mer. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 1er février 2018 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de la Seyne-sur-Mer devant le tribunal administratif de Toulon et en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... et à la commune de la Seyne-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, où siégeaient :

- M. E..., président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme I..., première conseillère.

Lu en audience publique le 17 juillet 2020.

2

No 18MA01454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01454
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02-05 Collectivités territoriales. Commune. Biens de la commune. Voirie communale.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Philippe BOCQUET
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : JASPER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-17;18ma01454 ?
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