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17/07/2020 | FRANCE | N°18MA00845

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 17 juillet 2020, 18MA00845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... H... a demandé au tribunal administratif de Bastia par une première requête enregistrée sous le n° 1600487 d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel positif en date du 19 juin 2015 délivré par le maire de L'Ile-Rousse, portant sur la réalisation de 10 lots à bâtir sur les parcelles cadastrées section B n°s 1977, 1979 et 1982, sises lieu-dit Funtana Marina, à L'Ile- Rousse et d'annuler le permis d'aménager délivré tacitement le 5 janvier 2016 ainsi que le certificat de permis tacite d

élivré le 9 février 2016 à Mmes A..., C... et F... G... portant sur ladite opér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... H... a demandé au tribunal administratif de Bastia par une première requête enregistrée sous le n° 1600487 d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel positif en date du 19 juin 2015 délivré par le maire de L'Ile-Rousse, portant sur la réalisation de 10 lots à bâtir sur les parcelles cadastrées section B n°s 1977, 1979 et 1982, sises lieu-dit Funtana Marina, à L'Ile- Rousse et d'annuler le permis d'aménager délivré tacitement le 5 janvier 2016 ainsi que le certificat de permis tacite délivré le 9 février 2016 à Mmes A..., C... et F... G... portant sur ladite opération d'aménagement. Par une seconde requête enregistrée sous le n°1600612, il a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel positif en date du 19 juin 2015.

Par un jugement n°s 1600487 et 1600612 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a annulé le certificat d'urbanisme positif du 19 juin 2015, le permis d'aménager délivré tacitement le 5 janvier 2016 et le certificat de permis tacite délivré le 9 février 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2018 et des mémoires enregistrés le 16 septembre 2019 et le 24 octobre 2019, Mme A... G..., Mme C... G... K... et Mme F... G..., représentées par Me E..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 décembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. H... le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la demande de première instance était irrecevable, M. H... ne disposant d'aucun intérêt à demander l'annulation des actes contestés ;

- l'insuffisance du dossier de demande de permis d'aménager sur la collecte des déchets n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par la commune sur la conformité du projet à la réglementation applicable ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- il ne méconnaît pas plus les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;

- la voie de desserte du projet étant suffisante, le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2019, la commune de l'Ile-Rousse, représentée par Me I..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 décembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. H... le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de M. H..., qui ne dispose d'aucun intérêt à demander l'annulation des actes contestés, était irrecevable ;

- le vice tiré de l'absence de dispositions prises pour la collecte des déchets est régularisable ;

- le secteur étant urbanisé, le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- la voie d'accès est suffisante et adaptée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 août 2019, le 1er octobre 2019 et le 25 novembre 2019, M. H..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge des consorts G... la somme de 1 500 euros et à la charge de la commune de l'Ile-Rousse la somme de 1 500 euros.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les appelantes n'est fondé.

Un mémoire, présenté pour les consorts G..., a été enregistré postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant les consorts G....

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts G... et la commune de l'Ile-Rousse relèvent appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé le certificat d'urbanisme positif du 19 juin 2015, le permis d'aménager délivré tacitement le 5 janvier 2016 et le certificat de permis tacite délivré le 9 février 2016 délivrés aux consorts G... et portant sur la réalisation de 10 lots à bâtir sur les parcelles cadastrées section B n°s 1977, 1979 et 1982, sises lieu-dit Funtana Marina, à L'Ile- Rousse.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

4. En outre, le propriétaire d'un terrain non construit est recevable, quand bien même il ne l'occuperait ni ne l'exploiterait, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparait que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. H... est propriétaire indivis des parcelles B 1876 et 1878 mitoyennes du terrain d'assiette du projet en litige. Ces parcelles sont grevées d'une servitude de passage permettant d'accéder au terrain d'assiette du projet contesté. Quand bien même cette servitude prévoit de laisser passer les propriétaires des parcelles terrain d'assiette du projet sur le terrain de M. H... " pour la réalisation d'une opération de construction ou de lotissement ", le projet de 10 lots à bâtir est de nature à affecter les conditions de jouissance du bien appartenant à ce dernier. Il s'ensuit que M. H... dispose d'un intérêt à demander l'annulation du permis d'aménager délivré tacitement le 5 janvier 2016 et du certificat de permis tacite du 9 février 2016, et pour les mêmes raisons, du certificat d'urbanisme positif du 19 juin 2015.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

6. En vertu des dispositions du I de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme alors en vigueur, l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans des zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

7. Le schéma d'aménagement de la Corse, approuvé par décret en Conseil d'Etat du 7 février 1992, opposable au permis d'aménager contesté, prescrit que l'urbanisation du littoral demeure limitée et, pour en prévenir la dispersion, il privilégie la densification des zones urbaines existantes et la structuration des " espaces péri-urbains ", en prévoyant, d'une part, que les extensions, lorsqu'elles sont nécessaires, s'opèrent dans la continuité des "centres urbains existants", d'autre part, que les hameaux nouveaux demeurent l'exception. De telles prescriptions apportent des précisions relatives aux modalités d'application des dispositions de l'article L. 121-8 du code l'urbanisme et sont compatibles avec elles.

8. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, notamment des documents joints à la demande de permis d'aménager, que le projet contesté se situe dans un espace se caractérisant par un habitat diffus. S'il se trouve directement à l'ouest à proximité de deux lotissements composés d'une trentaine de constructions, qui ne constituent pas un centre urbain au sens des prescriptions du schéma d'aménagement de la Corse, il est bordé à l'est, au nord et au sud par des terrains vierges de toute construction. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les allégations des consorts G..., selon lesquelles il y aurait dans un rayon de 100 mètres du projet contesté plusieurs dizaines de constructions et plusieurs centaines dans un rayon de 300 mètres seraient établies. Enfin, Mmes G... ne sauraient se prévaloir de l'autorité de la chose jugée revêtant un arrêt de la cour de céans n° 06MA00131 du 28 février 2008 qui concerne le lotissement " Moulin à Vent " en l'absence d'identité de cause, de parties et d'objet.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts G... et la commune de l'Ile-Rousse ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé le certificat d'urbanisme positif du 19 juin 2015, le permis d'aménager délivré tacitement le 5 janvier 2016 et le certificat de permis tacite délivré le 9 février 2016. Leurs requêtes doivent par suite être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête d'appel de la commune.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les consorts G... et la commune de l'Ile-Rousse au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts G... et de la commune les sommes réclamées par M. H... sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes des consorts G... et de la commune de l'Ile-Rousse sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de M. H... présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G..., Mme C... G... K..., Mme F... G..., M. D... H... et la commune de l'Ile-Rousse.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- Mme J..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

2

N° 18MA00845


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00845
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Dispositions législatives du code de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : VAILLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-17;18ma00845 ?
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