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15/07/2020 | FRANCE | N°18MA05106

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA05106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AXA France et Mme L... E..., agissant tant en son nom propre qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs D... et Charles, ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la société EDF à verser à la société AXA France, subrogée dans les droits de son assurée, Mme E..., la somme de 496 647,79 euros TTC et à Mme E... la somme de 612 248,69 euros TTC, assorties des intérêts de droit capitalisés à compter du recours préalable, en réparation des préjudices s

ubis à la suite d'un incendie imputé à la chute de lignes électriques.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AXA France et Mme L... E..., agissant tant en son nom propre qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs D... et Charles, ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la société EDF à verser à la société AXA France, subrogée dans les droits de son assurée, Mme E..., la somme de 496 647,79 euros TTC et à Mme E... la somme de 612 248,69 euros TTC, assorties des intérêts de droit capitalisés à compter du recours préalable, en réparation des préjudices subis à la suite d'un incendie imputé à la chute de lignes électriques.

Par un jugement n° 1700734 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 décembre 2018, 19 juin 2019 et

29 juin 2020, la société AXA France et Mme L... E..., agissant en son nom propre et en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs D... et Charles, représentés par

Me Finalteri, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 4 octobre 2018 ;

2°) de condamner la société EDF à verser à la société AXA France, subrogée dans les droits de son assurée, Mme E..., la somme de 496 647,79 euros TTC et à Mme E... la somme de 612 248,69 euros TTC, assorties des intérêts de droit capitalisés à compter du recours préalable, en réparation des préjudices subis à la suite de l'incendie imputé à la chute de lignes électriques appartenant à la société EDF ;

3°) de mettre à la charge de la société EDF la somme de 3 000 euros au profit de chacune des requérantes, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner la société EDF aux entiers dépens.

Elles soutiennent que :

- la chute d'un poteau appartenant à la société EDF, qui a provoqué la rupture en aval de deux câbles électriques, est la cause de l'incendie qui a gravement endommagé la propriété de Mme E... ;

- les préjudices résultant de cet incendie doivent être évalués à la somme totale de 1 108 896,48 euros toutes taxes comprises ;

- la somme de 496 647, 79 euros doit être versée à la société AXA France, subrogée dans les droits de Mme E..., qu'elle a indemnisée à cette hauteur ;

- la somme restante de 612 248,69 euros, correspondant aux préjudices non indemnisés de Mme E..., doit être versée à cette dernière.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 avril 2019, 26 septembre 2019,

23 juin 2020 et 30 juin 2020, la société EDF, représentée par Me Perreimond, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de la société AXA France et de Mme E... les entiers dépens et une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle n'est pas responsable de l'incendie ayant endommagé la propriété de Mme E..., que l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal administratif de Bastia, entachée de nombreuses irrégularités, doit être écartée, et que les préjudices invoqués par les requérantes ne sont pas établis.

La clôture de l'instruction a été reportée au 30 juin 2020 par une ordonnance du

24 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des assurances ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renault,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- les observations de Me K..., représentant la société AXA France et

Mme E..., et de Me Perreimond, représentant la société EDF.

Deux notes en délibéré présentées pour la société Axa France et Mme E... ont été enregistrées les 10 et 13 juillet 2020.

Une note en délibéré présentée pour la société EDF a été enregistrée le 10 juillet 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... est usufruitière d'une exploitation agricole dont ses deux enfants mineurs sont nus-propriétaires, située sur le territoire de la commune de Ghisonaccia.

Mme E... a souscrit avec la société Axa France deux contrats d'assurance multirisque.

Le 17 septembre 2013, un incendie a causé d'importants dégâts à l'exploitation. Mme E... et son assureur, la société AXA France, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia d'ordonner une expertise afin de déterminer les causes de l'incendie et d'évaluer les préjudices subis. Un expert a été nommé par une ordonnance du 16 février 2015 et son rapport a été déposé au greffe du tribunal le 28 novembre 2016. Estimant que la société EDF était responsable de l'incendie, la société AXA France, à hauteur de sa subrogation dans les droits de son assurée, et Mme E... ont saisi le tribunal administratif de Bastia d'une requête tendant à la condamnation de la société EDF à réparer les conséquences dommageables du sinistre. Elles relèvent appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.

Sur la régularité des opérations d'expertise :

2. La société EDF demande que soit écarté le rapport de l'expert, au motif que l'expert a méconnu le principe du contradictoire, qu'il énonce des affirmations non étayées, qu'il ne comporte aucune appréciation personnelle des dommages et s'abstient de prendre en compte des éléments déterminants. Il y a lieu d'écarter cette demande par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur la responsabilité :

3. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien de causalité entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices. Mme E... a la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par les lignes électriques, appartenant à la société EDF, dont elle estime que la chute accidentelle au sol est à l'origine de l'incendie.

4. Selon le rapport de l'expert désigné par le tribunal, sous l'effet du vent violent qui soufflait ce jour-là, un poteau, déjà endommagé, supportant des lignes électriques, désigné comme " poteau n° 4 ", est tombé, sans entraîner de rupture des câbles à l'endroit de sa chute, mais sous l'effet du choc transmis par les câbles, la nappe voute du poteau " n° 3 " a été tordue et deux câbles, au droit du poteau " n° 2 " se sont cassés. En tombant au sol, les câbles sont entrés en contact avec le grillage d'un enclos, provoquant des arcs électriques accompagnés d'étincelles qui ont mis le feu aux broussailles, feu qui s'est rapidement propagé dans les propriétés environnantes, dont l'exploitation de Mme E....

5. Pour contester les conclusions de l'expert, la société EDF soutient, d'une part, que l'incendie a débuté antérieurement à la chute des câbles, d'autre part, que c'est l'incendie qui est à l'origine de la chute du poteau n° 4, enfin, que la thèse d'une électrification du grillage responsable de l'incendie a été écartée sans examen sérieux.

6. En premier lieu, pour établir l'antériorité de l'incendie sur la rupture des câbles, la société EDF soutient que les coupures de l'électricité dans la zone de l'incendie, qui correspondent à l'heure de rupture, puis de chute des câbles, ont été enregistrées à 7 heures 38, 27 et 7 heures 39,17 par les services d'EDF, sur la base d'un horodatage synchronisé sur l'heure satellitaire, alors que plusieurs personnes ont indiqué, dans leurs témoignages consignés sur procès-verbal lors de l'enquête menée par la gendarmerie, avoir aperçu de la fumée et des flammes, ou même appelé les secours, antérieurement à cet horaire. La société EDF fait valoir, en particulier, qu'une voisine, Mme I..., a déclaré avoir vu un peu de fumée vers 7 heures, qu'un autre voisin, M. B..., a constaté la présence du feu à 7 heures 25 et a appelé les pompiers à 7 heures 31 et que M. H... et Mme E..., dont les propriétés ont été touchées par l'incendie, ont chacun appelé les pompiers à 7 heures 40, qu'un voisin, M. C..., a indiqué avoir vu une colonne de fumée à 7 heures 30 près des oliviers de Mme E... et que M. H... a indiqué qu'il y avait toujours de l'électricité chez lui lorsqu'il a constaté la présence du feu.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que l'affirmation de M. H... selon laquelle le constat de l'incendie a précédé la coupure de l'électricité est mise en doute par sa compagne, Mme G..., qui a déclaré aux gendarmes que son fils, présent à leur domicile lors du départ de l'incendie, affirmait que la coupure d'électricité s'était produite avant que la famille ne se rende compte de la présence de flammes en contrebas de la maison ; que les affirmations spontanées de M. C..., Mme I... et M. B... manquent de précision et ne présentent aucun caractère de certitude, et que l'appel que M. B... indique avoir fait aux secours à

7 heures 31 n'est pas confirmé par le relevé d'appel fourni par le CODIS ni par son opérateur téléphonique, sans que rien ne permette d'affirmer que l'horloge de son téléphone, dont le modèle et les fonctions ne sont pas précisés, était bien synchronisée à l'heure satellitaire ; que la société EDF néglige de mentionner que si tous les témoins indiquent avoir vu un départ d'incendie vers la même heure, celle-ci varie entre 7 h et 8 h, alors que tous les appels qui ont été enregistrés par le CODIS et (ou) établis par les opérateurs de téléphonie mobile, même en leur retranchant une durée de 7 à 8 minutes qui correspond au décalage observable entre l'horloge du poste EDF et l'horloge du CODIS, sont postérieurs à 7h39.

8. En deuxième lieu, il résulte tant du rapport des pompiers qui sont intervenus sur les lieux de l'incendie que des conclusions du rapport de l'institut de soudure, à l'expertise duquel l'expert judiciaire a fait appel pour déterminer la cause de la rupture et de la chute des câbles, que le feu n'a atteint la zone du poteau n° 4 que deux heures au moins après le début de l'incendie et que la puissance de l'incendie dans la zone de départ du feu était insuffisante pour provoquer la fonte des câbles, situés à une hauteur de dix mètres du sol.

9. En troisième lieu, si, ainsi que le soutient la société EDF, l'expert n'a pas examiné plus avant la thèse d'une électrification du grillage, contredite par le propriétaire du terrain sur lequel il se trouvait, la possibilité d'une telle électrification n'a été mentionnée à aucun moment, ni dans l'enquête de gendarmerie, ni dans les constats et rapports d'expertise qui ont été réalisés durant l'enquête puis l'instance devant le tribunal administratif. Par suite, la description et l'analyse de l'enchaînement des faits tels que relaté par l'expert, qui correspondent en outre aux conclusions de l'enquête de gendarmerie et ne sont contredites par aucune pièce ou argument produits par la défense, permettent d'établir le caractère direct et certain du lien de causalité entre la chute des câbles électriques appartenant à la société EDF et l'incendie qui a endommagé la propriété de Mme E.... Dans ces conditions, la société AXA et Mme E... sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu que la responsabilité de la société EDF était engagée.

Sur les préjudices :

S'agissant de l'application de la TVA :

10. Il est constant que Mme E..., exploitante agricole, est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. En conséquence, si elle est fondée à demander à être indemnisée de la valeur de ses préjudices patrimoniaux personnels toutes taxes comprises (TTC), l'indemnisation de ses préjudices professionnels doit être calculée sur des montants hors taxe (HT).

S'agissant des préjudices immobiliers professionnels :

11. L'incendie qui a atteint la propriété de Mme E... a gravement endommagé un bâtiment agricole composé de trois tunnels et d'une annexe, formant une surface totale de

760 m2. Ces bâtiments étant recouverts d'amiante ciment, des travaux de désamiantage ont dû être effectués, pour un montant de 198 511 euros HT comprenant la somme de 3 100 euros au titre de l'audit, réalisé par la société Audit Immo Corse 2B, celle de 165 449 euros HT, justifiée par une première facture de la société GPCB pour le désamiantage d'une première surface de 440 m2 et celle correspondant à une seconde facture, émanant de la société ALS d'un montant de 29 962 euros HT pour le désamiantage d'une seconde surface de 100 m2.

12. Mme E... justifie, en outre, par la production des factures correspondantes, de frais s'élevant 16 265 euros HT correspondant à une étude géologique et à des travaux de terrassement du terrain sur lequel s'élevait le hangar principal très largement détruit par l'incendie ainsi qu'aux services d'un architecte afin de concevoir un nouveau hangar et obtenir un permis de construire. Elle justifie également des frais de 48 414,01 euros HT correspondant à la construction d'un local de transformation, suite à la destruction du hangar principal et de la somme de 7 067 euros correspondant au devis de déblaiement du hangar détruit. En revanche, dès lors que le permis de construire d'un nouveau hangar a été retiré par arrêté du maire de la commune, la construction d'un nouveau hangar, estimée par devis de la société SNT Petroni à 400 000 euros, ne présente pas de caractère certain à la date du présent arrêt.

13. L'incendie qui a atteint la propriété de Mme E... a, enfin, endommagé d'autres bâtiments, dont la réfection a atteint la somme de 13 462, 54 euros justifiée par les factures correspondantes, à laquelle il faut ajouter la somme de 4 700 euros correspondant aux frais de réfection de l'enduit d'une cave à usage professionnel, estimée par devis de la société Bousset.

S'agissant des préjudices mobiliers professionnels :

14. L'incendie a consumé un matériel important qui se trouvait dans la plantation d'oliviers et les bâtiments de l'exploitation. Mme E... justifie par les factures correspondantes avoir perdu dans l'incendie des fournitures professionnelles pour un montant de 6 090,06 euros HT et des équipements professionnels pour un montant de 9 822,98 euros HT.

S'agissant des préjudices relatifs à l'exploitation agricole :

15. L'incendie qui a atteint l'exploitation de Mme E... a causé des dommages à ses plantations de clémentiniers, pomelos, oliviers, noisetiers et figuiers, dont la récolte a été pour leur plus grande part perdue, engendrant de surcroît une perte d'exploitation, compte tenu du temps nécessaire à la reprise de production. Pour estimer le préjudice de Mme E..., l'expert judiciaire s'est fondé sur le rapport de l'expert agricole M. A..., mandaté par la société AXA pour apporter son concours à son expertise sur la partie " préjudice ", dont, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, les conclusions ont pu être discutées durant l'expertise et qui ne sont pas contredites par l'étude du cabinet Equad, mandaté par la société EDF pour évaluer le préjudice de Mme E.... L'expert agricole a estimé à 154 600 euros les dommages aux plantations, correspondant aux frais d'arrachage des arbres brûlés et à la valeur vénale des plantations, à 41 910 euros la perte de récoltes en se fondant sur l'actualisation du barème 2005 des calamités agricoles, et à 140 000 euros la perte d'exploitation, en se fondant sur l'option " perte d'exploitation " souscrite auprès de son assureur par Mme E..., qui bénéficiait du régime fiscal du forfait agricole, soit 20 000 euros au titre de la polyculture et 20 000 euros au titre de l'arboriculture, qu'il a multiplié, s'agissant de ce dernier poste, par le nombre d'années nécessaires à la remise en production. Il convient de réduire l'estimation de la perte de récoltes de 11 260 euros, dès lors que seule la moitié de la plantation d'oliviers (2 hectares sur 4) a été endommagée par l'incendie et le préjudice de perte d'exploitation, de 20 000 euros dès lors que Mme E... n'établit pas exploiter, à la date du sinistre, un hectare en polyculture, ainsi que l'a relevé le cabinet Equad. Le préjudice indemnisable de Mme E... au titre des dommages relatifs à son exploitation agricole s'élève donc à la somme 305 250 euros, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 36 715,45 euros, correspondant aux frais d'acquisition de matériel d'irrigation et de coupe d'arbres, de terrassement et de reprises de tranchées sur l'exploitation, d'un grillage et de matériaux de chantier.

S'agissant des autres postes de préjudice professionnel :

16. L'incendie qui a touché l'exploitation a occasionné la destruction des clôtures entourant la propriété de Mme E..., qui a dû supporter leur remplacement pour la somme de 1 463,69 euros HT. Enfin, Mme E... a dû engager des frais d'acquisition et de mise en place de barnums pour abriter le matériel entreposé dans le hangar partiellement détruit, pour un montant total de 5 281,02 euros HT.

S'agissant des préjudices patrimoniaux personnels :

17. Il résulte de l'instruction que Mme E... entreposait des objets et équipements personnels dans le hangar détruit et du mobilier et outillage de jardin dans son jardin privé. Ces objets, équipements mobilier et outillage ont été consumés durant l'incendie, ainsi que la clôture du jardin. L'intéressée justifie de ces préjudices par la production de factures d'équipements de sport pour un montant de 2 479,85 euros HT et de mobilier, accessoires de jardin et clôture pour un montant de 1 112,74 euros HT. En outre, un box a chevaux abritant du matériel d'entretien des chevaux et d'équitation a été totalement détruit. Le préjudice résultant de la destruction de ce box et du matériel s'élève à 5 612,27 euros HT. Mme E... pouvant prétendre, ainsi qu'il a été dit au point 10, à la prise en compte de la TVA sur ses préjudices patrimoniaux personnels, ces derniers s'élèvent à la somme de 11 046 euros.

18. Il résulte des points 11 à 17 que le préjudice indemnisable de Mme E... s'élève à la somme de 664 088,75 euros.

Sur les droits de la société AXA France :

19. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". La subrogation légale de l'assureur dans les droits et actions de l'assuré est subordonnée au seul paiement à l'assuré de l'indemnité d'assurance en exécution du contrat d'assurance et ce, dans la limite de la somme versée. Il dispose alors de la plénitude des droits et actions que l'assuré qu'il a dédommagé aurait été admis à exercer à l'encontre de toute personne tenue, à quelque titre que ce soit, de réparer le dommage ayant donné lieu au paiement de l'indemnité d'assurance. Par suite, le recours qu'il exerce à l'encontre du tiers responsable ne peut s'exercer que dans la limite de la garantie dont il est tenu envers son assuré.

20. Il résulte de l'instruction que la société AXA France a versé à Mme E... une somme totale de 496 647,79 euros, que les différents postes d'indemnisation pour lesquels la subrogation est invoquée correspondent bien aux préjudices indemnisables de l'assurée et que cette somme a été versée en exécution des contrats d'assurance. Il y a par suite lieu de juger que la société AXA France est subrogée dans les droits de Mme E... à hauteur de cette somme.

Sur les droits de Mme E... :

21. Il résulte de la combinaison des points 18 à 20 que la société EDF devra verser à Mme E... la somme de 167 440,96 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

22. La société AXA France a droit aux intérêts de la somme de 496 647,79 euros à compter du 17 mars 2017, date à laquelle elle a formulé pour la première fois cette demande. La capitalisation des intérêts ayant également été demandée le 17 mars 2017, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 17 mars 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

23. Il y a lieu d'accorder à Mme E... des intérêts et la capitalisation des intérêts sur la somme de 167 440,96 euros à compter des mêmes dates, Mme E... ayant formulé sa demande conjointement à la demande de la société AXA France.

Sur les frais d'expertise :

24. Les frais de l'expertise en première instance ont été taxés et liquidés à la somme de 19 159,21 euros par une ordonnance du 17 février 2017 du président du tribunal administratif de Bastia. Il y a lieu, sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de les mettre à la charge définitive de la société EDF.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

25. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société EDF, qui est, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, le versement d'une somme de 2 000 euros à chacune, au titre des frais exposés par la société AXA France et Mme E.... En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société AXA France et de Mme E..., qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, les sommes que la société EDF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La société EDF est condamnée à verser à Mme E... la somme de

167 440,96 euros en réparation de ses préjudices. Cette somme sera assortie des intérêts à compter du 17 mars 2017. Les intérêts échus à la date du 17 mars 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La société EDF est condamnée à verser à la société AXA France, subrogée dans les droits de Mme E..., la somme de 496 647,79 euros au titre des préjudices de cette dernière qu'elle a elle-même indemnisés. Cette somme sera assortie des intérêts à compter du

17 mars 2017. Les intérêts échus à la date du 17 mars 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les dépens de la première instance correspondant aux frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 19 159,21 euros par une ordonnance du 17 février 2017 du président du tribunal administratif de Bastia sont mis à la charge définitive de la société EDF.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 4 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La société EDF versera à la société AXA France et à Mme E... la somme de 2 000 euros chacune.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la société AXA France et de

Mme E... est rejeté.

Article 7 : Les conclusions de la société EDF en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société AXA France, à Mme L... E... et à la société EDF.

Copie en sera transmise à l'expert.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Lu en audience publique le 15 juillet 2020.

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N° 18MA05106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05106
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-03-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Lien de causalité. Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : FINALTERI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma05106 ?
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