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15/07/2020 | FRANCE | N°18MA02850

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA02850


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 juin 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1705114 du 26 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2018,

Mme E..., représentée par la SCP d'avocats Bouglan Damamme F..., demande à la Cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 juin 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1705114 du 26 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2018, Mme E..., représentée par la SCP d'avocats Bouglan Damamme F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me F... en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs.

Sur le refus d'admission au séjour :

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- par la voie de l'exception, elle est dépourvue de base légale ;

- le préfet ne pouvait pas se fonder sur le 6° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre cette mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur le refus d'octroi un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

- cette décision est insuffisamment motivée en fait.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 avril 2018.

La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme B..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., de nationalité arménienne, a demandé le 14 octobre 2015 au préfet des Bouches-du-Rhône son admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-1 du code de justice administrative. Cette demande a été rejetée par décision du 23 février 2016 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par décision du 20 octobre 2016 de la Cour nationale du droit d'asile. Par l'arrêté en litige du 9 juin 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 9 juin 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La contradiction de motifs affecte le bien fondé du jugement et non sa régularité. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour être entaché d'une contradiction de motifs.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus d'admission au séjour au titre de l'asile :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. Mme E... déclare être entrée en France le 30 septembre 2015. Sa demande d'asile a fait l'objet d'un rejet le 23 février 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 20 octobre 2016. Elle a fait l'objet le 9 juin 2017 d'un refus d'admission au séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Si elle soutient que l'état de santé de son époux justifie l'admission de ce dernier au séjour sur le fondement du 11° de l'article l. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que sa présence à ses côtés est nécessaire, la Cour, par arrêt n° 18MA02847 du 13 juillet 2020, a confirmé la légalité du refus du préfet de délivrer à son époux un titre de séjour sur ce fondement. La circonstance que ses deux enfants soient scolarisés en France ne fait pas obstacle à ce que la famille se reconstitue dans son pays d'origine et que les enfants poursuivent leur scolarité en Arménie. Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale. La requérante n'est pas dépourvue d'attache en Arménie où elle a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de 39 ans. Dans ces conditions, et alors même qu'elle ferait des efforts d'intégration en France, Mme E... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le refus du droit au maintien de la requérante en France en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en l'absence d'illégalité du refus de délivrance du titre de séjour sollicité, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

6. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) , lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;(...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. ".Le I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, dispose que : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. I bis.- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. ".

7. Il ressort des termes de la décision en litige que le préfet a refusé la demande d'admission au séjour présentée au titre de l'asile de Mme E... et a assorti ce refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Dès lors que la qualité de réfugié avait été définitivement refusée à la requérante par décision du 20 octobre 2016 de la Cour nationale du droit d'asile, la situation de la requérante relevait du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme l'indique le préfet dans la décision en litige. La circonstance que le préfet, saisi d'une demande présentée uniquement au titre de l'asile, a examiné d'office dans la décision en litige que le refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement n'était pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, ne peut être regardée comme un refus de délivrance de titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale de la requérante et est sans incidence sur le fondement légal de la décision en litige, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en ne se fondant pas sur le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la décision en litige.

8. En troisième lieu, en l'absence d'argumentation spécifique invoquée par Mme E... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que l'administration aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en prenant la mesure d'éloignement en litige par les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 lors de l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit au point 4, que la famille de la requérante ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine et que ses enfants ne pourraient pas suivre en Arménie une scolarité normale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français. ".

12. Dès lors que le préfet a accordé à Mme E... un délai de départ volontaire de trente jours, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision est sans incidence sur la légalité de la décision en litige et doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au ministre de l'intérieur et à Me A... F....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

6

N° 18MA02850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02850
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma02850 ?
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