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15/07/2020 | FRANCE | N°18MA02288

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA02288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 avril 2017 par lequel le maire de Nîmes a opposé un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire et d'enjoindre au maire de réexaminer, sur le fondement des dispositions applicables à la date de l'arrêté attaqué, sa demande de permis de construire sous condition de délai et d'astreinte.

Par le jugement n° 1701857 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 25 avril 2017

du maire de Nîmes et a enjoint au maire, sous réserve que le pétitionnaire ne dépose ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 avril 2017 par lequel le maire de Nîmes a opposé un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire et d'enjoindre au maire de réexaminer, sur le fondement des dispositions applicables à la date de l'arrêté attaqué, sa demande de permis de construire sous condition de délai et d'astreinte.

Par le jugement n° 1701857 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 25 avril 2017 du maire de Nîmes et a enjoint au maire, sous réserve que le pétitionnaire ne dépose pas une déclaration portant sur un nouveau projet, de procéder à une nouvelle instruction de la déclaration préalable déposée par M. C... sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de l'arrêté annulé, dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2017 sera devenue définitive.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2018 et par un mémoire complémentaire enregistré le 7 janvier 2019, la commune de Nîmes, représentée par la Selarl d'avocats E...-Humbert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 mars 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- elle établit que le projet de révision du plan local d'urbanisme était suffisamment avancé à la date de la décision en litige ;

- le projet est de nature à compromettre l'exécution du plan local d'urbanisme en cours de révision.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2018, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Nîmes de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Nîmes la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme B..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., pour la commune de Nîmes et Me D..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a déposé auprès du maire de Nîmes une demande de permis de construire afin d'édifier une maison individuelle d'une surface de plancher créée de 136 m² environ, sur un terrain d'une superficie de 1620 m², cadastré CA n° 1298 situé 295 impasse La Grotte sur le territoire communal et classé en zone N2 du plan local d'urbanisme de la commune. Par la décision en litige du 25 avril 2017, le maire de Nîmes a sursis à statuer sur sa demande de permis de construire. Le tribunal administratif de Nîmes, par le jugement dont la commune de Nîmes relève appel, a annulé cette décision du 25 avril 2017 et a enjoint au maire, sous réserve que le pétitionnaire ne dépose pas une déclaration portant sur un nouveau projet, de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire déposée par M. C... sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de l'arrêté annulé.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le maire, pour opposer un sursis à statuer à la demande de permis de construire déposée par M. C..., s'est fondé sur deux motifs tirés, d'une part, de ce que le projet est situé dans la zone N2 du plan local d'urbanisme approuvé le 1er mars 2004 et modifié le 6 juin 2015, qui exigeait que le terrain d'assiette d'une maison individuelle ait une superficie minimale de 2 000 m² pour être constructible, et d'autre part, de ce que le projet en litige porte atteinte au caractère de la zone Nh du futur plan local d'urbanisme, dans laquelle le terrain d'assiette du projet sera classé, qui interdit toute nouvelle construction d'habitation et autorise seulement les extensions limitées des bâtiments existants. Les premiers juges ont estimé d'une part, que le premier motif de la décision en litige était entaché d'erreur de droit et d'autre part, que l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau PLU révisé ne permettait pas, à la date de la décision en litige, de préciser notamment la portée exacte des modifications projetées en ce qui concerne notamment la future zone Nh, pour pouvoir déterminer si le projet était de nature à compromettre la mise en oeuvre de ce futur plan.

3. L'article L. 424-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable prévoit notamment qu'il peut être sursis à statuer sur toute demande concernant des constructions dans le cas prévu à l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme. Cet article L. 153-11 prévoit dans son 3ème alinéa que : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". La faculté ouverte par ces dispositions législatives à l'autorité compétente pour se prononcer sur la demande de permis de construire, de surseoir à statuer sur cette demande, est subordonnée à la double condition que l'octroi du permis soit susceptible de compromettre l'exécution du projet du plan local d'urbanisme et que ce dernier ait atteint, à la date à laquelle l'autorité doit statuer, un état d'avancement suffisant.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 10 juin 2010, le conseil municipal de la commune de Nîmes a prescrit la révision de son plan local d'urbanisme approuvé le 1er mars 2004 en lui assignant notamment de "mettre en oeuvre de nouveaux objectifs de développement de la commune tout en intégrant les aspects environnementaux de manière durable". Afin de préserver les 2 200 hectares de "garrigues habitées" qui assurent la transition entre les quartiers denses de la ville de Nîmes et les garrigues naturelles non habitées au nord de la ville, jusqu'alors protégées par une réglementation quant la superficie minimale exigée pour construire dans les trois secteurs existants dans ces garrigues, notamment le secteur N2, où se situe le terrain d'assiette du projet, qui exigeait jusqu'alors une superficie minimale de 2000 m², et eu égard à la promulgation de la loi du 24 mars 2014 dite "loi Alur" interdisant désormais d'imposer un COS minimal pour un projet de construction, le conseil municipal a, dès la délibération du 17 mai 2014, décidé de préserver ces zones de garrigues habitées dans l'attente de l'approbation de la révision du plan local d'urbanisme et notamment de protéger le caractère diffus de l'urbanisation du secteur N2. Cette délibération, si elle ne fait pas partie des documents composant le futur PLU de la commune, témoigne cependant de la volonté de la commune dès 2014 de protéger le secteur du projet en litige. Dans la poursuite de cet objectif, le document de présentation du projet de PLU révisé distribué aux habitants de la commune en mai 2016 lors de quatre réunions publiques mentionne le lancement d'études faune-flore et des réseaux publics dans ces garigues habitées, qui seront prises en compte dans la réécriture du PADD et insiste sur la nécessaire réécriture du règlement du PLU, ainsi que l'élaboration d'un nouveau zonage pour les trois secteurs des garrigues habitées. Ce document de présentation prévoit notamment d'intégrer les constructions existantes des secteurs N3, N2 et N1 en partie, en sous-secteur Nh, permettant de préserver le caractère naturel du site tout en autorisant une extension limitée des constructions existantes. La cartographie présentée au public lors de ces réunions indique précisément, dès ce stade, que le terrain d'assiette du projet situé en zone N2 sera amené à être classé en zone Nh. Les orientations générales du PADD, qui a été débattu le 2 juillet 2016, prévoient de protéger l'ensemble des garrigues habitées, sauf en limite de la zone urbaine sur des espaces déjà équipés, et de n'autoriser dans ces secteurs de garrigues que les extensions limitées des constructions existantes. La commune a transmis notamment à l'autorité environnementale le 10 et 13 avril 2017 le règlement des zones Nh et la carte de zonage envisagée, qui confirme le classement en zone Nh du terrain d'assiette de M. C.... Compte tenu de ces éléments, l'état d'avancement des travaux d'élaboration de la révision du PLU permettait, à la date de la décision en litige du 25 avril 2017, avec un degré suffisant de précision, de localiser les parties du territoire communal situées dans les secteurs peu denses des garrigues habitées, devant faire l'objet d'un classement particulier Nh et de déterminer si le projet de construction litigieux d'une construction individuelle nouvelle situé dans l'une de ces zones était de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan. Par suite, la commune de Nîmes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, pour prononcer l'annulation de l'arrêté en litige du 25 avril 2017, s'est fondé sur le fait que l'état d'avancement du projet de PLU ne permettait pas, à la date de cette décision, d'opposer légalement un sursis à statuer à la demande de permis de construire de M. C.... Le projet d'une construction individuelle dans ce secteur naturel préservé est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. Par suite, le maire a pu légalement se fonder sur les articles L. 424-1 et L. 153-11 du code de l'urbanisme pour opposer un sursis à statuer à la demande de permis de construire de M. C.... Dès lors, ce motif déterminant étant à lui seul de nature à fonder le sursis à statuer opposé à M. C..., c'est à tort que les premiers juges ont annulé pour ce motif la décision en litige.

5. Toutefois qu'il y a lieu pour la Cour, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... tant en première instance qu'en appel.

6. La décision en litige qui indique les éléments de fait et de droit qui la fonde est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

7. Dès lors que le sursis à statuer en litige est fondé sur les articles L. 424-1 et L. 153-11 du code de l'urbanisme, le moyen tiré de ce qu'il serait entaché d'un défaut de base légale doit être écarté.

8. La circonstance que le secteur de son projet est déjà largement bâti est sans incidence sur la légalité de la décision de sursis à statuer en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué que la commune de Nîmes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 25 avril 2017 du maire de la commune.

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. C... en appel :

10. Dès lors que le présent arrêt rejette la demande de M. C..., les conclusions aux fins d'enjoindre à la commune de Nîmes de réexaminer sa demande sous condition de délai et d'astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune de Nîmes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Nîmes au titre des frais qu'elle a engagés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 13 mars 2018 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : M. C... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Nîmes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nîmes et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- Mme F..., première conseillère,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

6

N° 18MA02288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02288
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma02288 ?
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