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08/07/2020 | FRANCE | N°19MA00650

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 08 juillet 2020, 19MA00650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le président du CNRS l'a placée à compter du 22 septembre 2016, à l'issue de son congé pour accident de travail puis de son congé de maladie ordinaire, dans la catégorie des personnels hors structures CNRS de la délégation Provence et Corse, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 30 décembre 2016 contre cette décision initiale.

Par un jugement n°

1703339 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le président du CNRS l'a placée à compter du 22 septembre 2016, à l'issue de son congé pour accident de travail puis de son congé de maladie ordinaire, dans la catégorie des personnels hors structures CNRS de la délégation Provence et Corse, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 30 décembre 2016 contre cette décision initiale.

Par un jugement n° 1703339 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 février 2019 et le 19 novembre 2019, Mme B... E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le président du Centre national de la recherche Scientifique (CNRS) l'a placée, à compter du 22 septembre 2016, à l'issue de son congé pour accident de travail puis de son congé de maladie ordinaire, dans la catégorie des personnels hors structures CNRS de la délégation Provence et Corse, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 30 décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au président du CNRS de l'affecter à l'unité mixte de recherche 7294-MOI, à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du CNRS la somme de 2 500 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la catégorie " hors structures " ne correspond à aucune position statutaire ;

- l'auteur de la décision attaquée était incompétent pour la prendre ;

- la décision du 10 novembre 2016 est insuffisamment motivée ;

- l'article 7 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié a été méconnu, faute de saisine du comité médical ;

- c'est à tort que le CNRS fonde sa décision sur son inaptitude au travail, appréciation confirmée de manière erronée par le tribunal administratif, alors que cette décision révèle des agissements de son employeur constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre, et qu'elle constitue une sanction déguisée.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2019 et un mémoire enregistré le

5 décembre 2019, le CNRS, représenté par la SCP d'avocats F... Lecuyer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros de frais de justice.

Il soutient que les moyens d'illégalité externe sont irrecevables pour être nouveaux en appel, et que les autres moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 84-1185 du 27 décembre 1984 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires du centre national de la recherche scientifique, modifié.

- le décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 fixant les dispositions statutaires applicables aux ingénieurs et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique,

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- les observations de Me D..., représentant Mme E..., et de Me F... représentant le CNRS.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ingénieur d'études au Centre national de la Recherche Scientifique (CNRS) affectée en qualité d'ingénieur en techniques d'analyse chimique au sein de l'institut d'Océanologie à Marseille (IOM) à l'unité mixte de recherche 7294-MOI, fait appel du jugement n° 1703339 du 21 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le président du CNRS l'a placée à compter du 22 septembre 2016, à l'issue de son congé pour accident de travail puis de son congé de maladie ordinaire, dans la catégorie des personnels hors structure CNRS de la délégation Provence et Corse, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 30 décembre 2016.

Sur les conclusions d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 4 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l'administration, dans une situation statutaire et réglementaire ". Aux termes de l'article 12 de la loi susvisée : " Le grade est distinct de l'emploi. Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent (...) ". L'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose que : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat ".

3. D'autre part, en application de l'article 23 du décret du 31 décembre 1985 fixant les dispositions statutaires applicables aux ingénieurs et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur susvisé : " Le corps des ingénieurs d'études est classé dans la catégorie A prévue à l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée (...) ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " Les ingénieurs d'études contribuent à l'élaboration, à la mise au point et au développement des techniques et méthodes mises en oeuvre dans les établissements où ils exercent, ainsi qu'à l'organisation de leur application et à l'amélioration de leurs résultats. Ils concourent à l'accomplissement des missions d'enseignement. Ils peuvent exercer des fonctions d'administration et assumer des responsabilités d'encadrement, principalement à l'égard de personnels techniques ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a été victime d'un accident de trajet le 12 décembre 2014 au moment du déménagement de son unité 7294-MOI, reconnu imputable au service par une décision du 1er avril 2016 pour une lésion chronique du ménisque gauche. Elle a été placée en arrêt pour maladie professionnelle à compter du 13 décembre 2014 jusqu'au 21 septembre 2016. Le 19 mai 2016, le docteur Marandat, médecin expert nommé par le CNRS, a rendu un avis préconisant une reprise du travail par Mme E... dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Lors de sa séance du 30 juin 2016, la commission de réforme s'est prononcée sur une reprise à temps partiel thérapeutique de l'intéressée, et le 22 septembre 2016, le délégué régional du CNRS a établi une attestation de reprise de ses fonctions le jour même par Mme E.... Celle-ci a ensuite été placée en congé de maladie ordinaire. Le médecin de prévention a émis le 26 septembre 2016 un avis d'aptitude de reprise de fonctions, avec réserves, à savoir la suspension de l'exposition aux produits chimiques jusqu'à exploration complémentaire et la suspension des missions embarquées pour une durée de trois mois.

Le médecin expert Marandat réitérait, le 7 novembre 2016, son avis sur une reprise des fonctions par l'intéressée sur un poste à mi-temps thérapeutique, en estimant que l'état de santé de Mme E... " est compatible avec une reprise d'activités professionnelles sur un poste aménagé à temps partiel thérapeutique à 50 % pendant quelques mois ". Par la décision attaquée du 10 novembre 2016, le président du CNRS l'a rétroactivement placée à compter du 22 septembre 2016, à l'issue de son congé pour accident de travail puis de son congé de maladie ordinaire, dans la catégorie des personnels hors structures CNRS de la délégation Provence et Corse.

5. En plaçant Mme E... dans la catégorie des personnels hors structures, l'administration l'a mise dans une position qui n'est pas prévue par le statut général des fonctionnaires. Par suite, cette décision est entachée d'excès de pouvoir et doit être annulée, ainsi que la décision prise sur son recours gracieux. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens et la fin de non-recevoir opposée en défense, Mme E... est fondée à soutenir que les décisions contestées sont illégales, et à en demander l'annulation ainsi que celle du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

7. D'une part, il résulte de l'instruction que le poste occupé par Mme E... avant son accident du 12 décembre 2014 imposait nécessairement de manipuler des produits chimiques ainsi que d'assurer des sorties en extérieur de son laboratoire, en mer et sur le Rhône, sur une période d'environ trois mois dans le courant de l'année civile. Ainsi qu'il a été dit plus haut, le médecin de prévention a émis le 26 septembre 2016 un avis de reprise de travail de l'intéressée sur un poste aménagé avec la nécessité de suspendre son exposition aux produits chimiques jusqu'au 8 novembre 2016, date d'une exploration complémentaire, et sa participation à des missions embarquées pour une durée de trois mois. Il résulte également d'un courriel du 22 juillet 2015 de Mme E... à son employeur qu'elle sollicitait de ne plus manipuler et respirer des produits chimiques, ainsi que de ne pas être en contact avec des animaux et des plantes, ne pas porter de charges lourdes, ne pas travailler en position agenouillée ou accroupie et elle sollicitait le bénéfice d'un poste compatible avec son état de santé. Il ressort également des éléments du dossier que Mme E... a été placée en congé maladie ordinaire du 15 novembre 2016 au 2 décembre 2016, puis du 7 au 31 décembre 2016 et du 8 février au 3 mars 2017. Elle a de nouveau été placée en maladie du 1er juillet 2017 au 31 décembre 2017. Dans ces circonstances, et alors qu'à la date du prononcé de la présente décision, le comité médical n'a pas été consulté sur les conditions de réintégration de Mme E... à l'issue de ses congés maladie, celle-ci n'est pas fondée à demander qu'il soit enjoint au CNRS de la repositionner précisément sur son ancien poste à l'unité mixte de recherche 7294-MOI.

8. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 5. que le CNRS doit rétroactivement affecter Mme E... à compter du 22 septembre 2016 sur un poste correspondant aux attributions d'un ingénieur d'études.

9. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit, que Mme E... est seulement fondée à demander qu'il soit enjoint au CNRS de l'affecter rétroactivement au 22 septembre 2016 sur un poste correspondant aux attributions de son garde d'ingénieur d'études, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige:

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CNRS demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du CNRS une somme de 2 000 euros à verser à Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1703339 du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Marseille, est annulé.

Article 2 : La décision du 10 novembre 2016 par laquelle le président du CNRS a placé Mme E... à compter du 22 septembre 2016 dans la catégorie des personnels hors structures CNRS de la délégation Provence et Corse, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par Mme E... le 30 décembre 2016 contre cette décision, sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au directeur du CNRS d'affecter Mme E... à compter du 22 septembre 2016 sur un poste déterminé correspondant aux attributions d'un ingénieur d'études.

Article 4 : Le CNRS versera 2 000 euros à Mme E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme E... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au président du Centre national de la Recherche Scientifique.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juillet 2020.

2

N° 19MA00650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00650
Date de la décision : 08/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-08;19ma00650 ?
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