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30/06/2020 | FRANCE | N°18MA04445

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 30 juin 2020, 18MA04445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant mention "étranger malade" et lui a fait obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" sous condition de délai et d'astreinte.

Par le jugement n° 1801985 du 7 septembre 2018, le tribunal administratif de To

ulon a annulé cet arrêté du 31 mai 2018 du préfet du Var, a enjoint à ce dernier de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant mention "étranger malade" et lui a fait obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" sous condition de délai et d'astreinte.

Par le jugement n° 1801985 du 7 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté du 31 mai 2018 du préfet du Var, a enjoint à ce dernier de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2018 et deux mémoires complémentaires enregistrés les 16 avril 2019 et 30 décembre 2019, le préfet du Var demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 septembre 2018 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) d'ordonner le remboursement à l'Etat de la somme de 1 500 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article 9 du code de justice administrative ;

- ce jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;

- il établit que la procédure conduite devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration était régulière ;

- la décision en litige ne méconnaît pas l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- M. B... n'a pas été privé d'une garantie ;

- il ne remplit pas les conditions de l'article L. 111-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour sur ce fondement ;

- la décision en litige ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure d'éloignement ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire.

La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme A..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me E... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité marocaine, a demandé le 17 juillet 2017 au préfet du Var la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'"étranger malade" sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Eu égard à l'avis émis le 6 avril 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet du Var, par la décision en litige du 31 mai 2018, a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Toulon, par le jugement dont le préfet du Var relève appel, a annulé cet arrêté du 31 mai 2018, a enjoint à ce dernier de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont annulé la décision en litige au seul motif qu'il n'était pas établi que le rapport médical rédigé par un médecin de l'OFII tel que prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ait été transmis au collège des médecins préalablement à leur avis et que ce vice de procédure constituait une garantie pour M. B... dont il a été privé.

3. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...). ".

4. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. /L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. /Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". L'article R. 313-23 de ce même code, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. /Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. /Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. /Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. /Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. /L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. /L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

5. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant :a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;d) la durée prévisible du traitement./Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays./Cet avis mentionne les éléments de procédure./Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle./L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été émis le 6 avril 2018 et a été transmis au préfet du Var dans le cadre de l'instruction de la demande de délivrance d'un titre de séjour du requérant en qualité d'" étranger malade ". Le préfet établit par la production de la copie du logiciel Thémis de l'Office rappelant l'historique des actions et, pour la première fois en appel, par celle de l'attestation de la direction territoriale de l'OFII que cet avis a été pris sur la base du rapport prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile établi le 19 décembre 2017 et régulièrement transmis au collège de médecins désigné par l'OFII. Par suite, c'est à tort que les premiers juges, pour annuler la décision en litige, ont estimé qu'il n'était pas établi que ce rapport médical ait été transmis au collège des médecins préalablement à l'émission de son avis et que la décision en litige a ainsi été prise au terme d'une procédure irrégulière.

7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... contre l'arrêté du 31 mai 2018 du préfet du Var devant le tribunal administratif de Toulon.

8. En premier lieu, l'avis du 6 avril 2018 du collège des médecins précise que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Les certificats médicaux produits par le requérant, qui font état d'une cataracte et de problèmes cornéens résolus par une opération sans mentionner une dégradation de son état de santé, ne sont pas de nature à remettre utilement en cause l'appréciation du collège des médecins. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Le requérant déclare être entré en France le 15 mars 2012 sans établir qu'il réside habituellement en France depuis cette date. Il est célibataire sans charge de famille. Il n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc où il a vécu, selon ses dires, jusqu'à l'âge de 34 ans et où vivent ses parents et ses sept frères et soeurs. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

11. En troisième lieu, en se bornant à soutenir qu'il risque la cécité totale en cas de retour dans son pays d'origine, le requérant n'établit pas y être exposé à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé son arrêté du 31 mai 2018, lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 7 septembre 2018 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Var et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, où siégeaient :

- Mme A..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2020.

6

N° 18MA04445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04445
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BOCHNAKIAN et LARRIEU-SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-30;18ma04445 ?
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